Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XVI (suite)

Louis XVI ne veut pourtant pas s'avouer vaincu. Alors qu'il refuse de sanctionner le décret du 4 août détruisant la société traditionnelle, il rassemble des troupes à Versailles, toujours dans l'intention de disperser l'Assemblée. Cette mesure soulève, une fois encore, la colère dans la capitale. Le 5 octobre 1789, des milliers de Parisiens marchent sur Versailles. Le lendemain, dans des circonstances assez dramatiques, ils ramènent à Paris le souverain et sa famille. Louis XVI est désormais prisonnier du peuple. L'Assemblée suit le roi à Paris. Quelques jours plus tard, Louis XVI adresse une lettre secrète au roi d'Espagne, pour l'avertir qu'il n'agit plus librement. Désormais, Louis XVI, activement secondé par la reine, va jouer un double jeu.

Vers l'effondrement de la monarchie : octobre 1789-août 1792

Les journées d'octobre portent un coup fatal aux pouvoirs du roi. Le 10, l'Assemblée, prenant une décision symboliquement très forte, décrète que le souverain ne sera plus appelé « roi de France », mais « roi des Français ». Mais l'Assemblée elle-même n'a plus véritablement la maîtrise de ses décisions, les députés étant largement passés sous l'empire de la commune. La présence du roi et des représentants de la nation dans la capitale ne contribue pas à l'amélioration de la situation matérielle des Parisiens, d'autant que la crise financière s'aggrave. L'évêque d'Autun, Talleyrand, trouve alors une source de revenus inespérée : il propose, pour combler le déficit budgétaire, la mise à la disposition de la nation des biens du clergé. Le 2 novembre 1789, les députés votent allègrement cette mesure, prélude à la Constitution civile du clergé.

Tout en voulant donner l'impression qu'il est le chef de la révolution (discours du 4 février 1790, lors de la prestation du serment civique des députés), Louis XVI ne peut admettre de voir s'effondrer l'œuvre de ses ancêtres. En désespoir de cause, il entre en pourparlers avec Mirabeau, pour que le tribun devienne son conseiller secret. Ce dernier s'engage à rétablir dans la Constitution en cours d'élaboration « un pouvoir exécutif dont la plénitude [doit] être sans restriction et sans partage dans la main du roi. » D'autre part, il souhaite que Louis XVI puisse s'imposer à ses sujets et à l'Assemblée en s'appuyant sur les provinces restées plus loyalistes que la capitale. Sous l'influence d'une presse violente, dont Marat est le représentant le plus emblématique, le peuple parisien se familiarise en effet avec l'image d'un roi traître à la nation et chef occulte d'une sanglante contre-révolution menée depuis l'étranger par les émigrés. La mort subite de Mirabeau, en avril 1791, avant l'achèvement des textes constitutionnels et de la Constitution civile du clergé - qui heurte profondément la conscience religieuse du roi -, convainc Louis XVI de quitter la capitale. Ainsi espère-t-il ne pas ratifier des textes qu'il réprouve, et revenir dans Paris, à la tête de troupes fidèles, pour rétablir la monarchie de ses pères. Aidée par le comte de Fersen, la reine prépare l'évasion. L'équipée prend fin à Varennes-en-Argonne, le 22 juin 1791. Le double jeu du souverain paraît alors évident. Pourtant, l'Assemblée, redoutant les violences populaires, et voulant que son œuvre soit ratifiée, feint de croire que le roi a été enlevé malgré lui. Après avoir « suspendu » le monarque pendant quelques semaines, elle remanie la Constitution dans un sens plus réactionnaire avec l'espoir que Louis XVI accepte de la ratifier. Le 14 septembre 1791, celui-ci prête serment à cette Constitution, et l'Assemblée se sépare.

Pour recouvrer le pouvoir qui lui a échappé, Louis XVI pense n'avoir qu'un recours : l'intervention des puissances européennes en sa faveur. Aussi se lance-t-il dans une surenchère belliciste dès le mois de décembre 1791. Il prend prétexte du fait que l'empereur François II refuse de renvoyer les émigrés installés sur son territoire pour proposer de lui déclarer la guerre. L'Assemblée législative adopte cette mesure, le 20 avril 1792. Mais les buts de Louis XVI et ceux des députés ne sont pas les mêmes. Le roi avertit les souverains étrangers qu'il compte rétablir son autorité à la faveur du conflit, et la reine correspond activement avec sa famille, dont elle souhaite la victoire. En revanche, l'Assemblée pense que la guerre sera aisément remportée par les armées françaises et qu'elle pourra amener le roi et son épouse à se démasquer. Sans que l'on ne sache rien de précis sur les agissements du couple royal, le bruit court que Louis XVI et Marie-Antoinette trahissent la nation. La peur d'un retour triomphant à l'Ancien Régime, au moment où les défaites françaises se multiplient, provoque la journée d'émeutes du 20 juin, puis celle du 10 août, au cours de laquelle s'effondre la monarchie.

Le procès et la mort

Louis XVI est incarcéré avec sa famille dans la tour du Temple. Au mois de novembre, la Convention (nouvelle Assemblée élue) lui intente un procès. Les députés, qui se sont érigés en tribunal pour juger l'ancien monarque, l'accusent de s'être comporté comme un fonctionnaire parjure et d'avoir entretenu des intelligences avec l'ennemi. Il s'agit bel et bien d'un procès pour haute trahison. Persuadé que ces hommes ne sont que des usurpateurs, le roi déchu nie systématiquement tout ce dont on l'accuse, et refuse de reconnaître des pièces signées de sa main prouvant sa culpabilité. Sa conception de la France est incompatible avec celle des révolutionnaires : il a cru agir dans l'intérêt suprême de la monarchie, ce qui justifie à ses yeux toutes les manœuvres que les républicains n'ont pas à connaître. Au reste, abîmé dans la prière, Louis XVI n'espère aucune clémence des conventionnels. Ceux-ci décident qu'il n'y aura pas d'appel au peuple. Malgré les plaidoyers de ses avocats, Malesherbes et Romain de Sèze, « Louis Capet » est condamné à mort, à une faible majorité (387 députés votent pour la mort sans condition, 334 pour la détention ou la mort conditionnelle, 28 s'abstiennent ou sont absents). Il aurait sans doute sauvé sa tête si le scrutin avait été secret. Il est guillotiné, le matin du 21 janvier 1793, sur la place de la Révolution. Sa mort courageuse le transfigure, et fait entrer dans la légende ce souverain velléitaire et malchanceux.