Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

salique (loi),

corpus de textes juridiques s'appliquant aux Francs Saliens, rédigé au début du VIe siècle puis amendé par Charlemagne.

Redécouverte au XIVe siècle, la loi salique désigne alors une loi fondamentale du royaume excluant les femmes de la succession au trône de France. C'est cette seconde acception qui lui a valu son intégration dans la mémoire nationale.

Le « Pactus legis salicae ».

• La loi salique appartient à la série des lois germaniques mises par écrit, en latin, au VIe et au VIIe siècles. Elle s'applique uniquement aux Francs Saliens, selon le principe de la personnalité des lois. La promulgation de ce texte date des derniers mois du règne de Clovis (511). Le prologue explique la méthode suivie pour son élaboration : quatre grands, choisis parmi les Francs, ont siégé, à trois reprises, au tribunal public (mallus), en présence de tous les hommes libres. Les sentences rendues dans les causes examinées ont alors été enregistrées dans la loi.

Ces articles concernent pour l'essentiel le droit privé, civil ou pénal. Ils émanent, selon la coutume, de l'accord du peuple franc et sont enregistrés par le roi qui, sur le modèle romain, leur confère leur autorité. Le but de l'édiction de cette loi est explicitement affirmé : « Il a plu et on s'est accordé entre Francs et leurs grands pour servir leur zèle à établir la paix entre eux afin d'éliminer tout ce qui fait croître les rixes. » C'est donc une institution de paix, visant à éliminer la vengeance privée qui prévalait alors dans les règlements des conflits entre clans. Ainsi, la majeure partie des dispositions met en place un principe de tarification (Wergeld) permettant de compenser le méfait commis. Par exemple, toucher la main d'une femme coûtait 15 sous. Le tarif augmentait en fonction de la partie du corps touchée (30 pour l'avant-bras, 35 pour le bras et 45 pour le sein).

Si l'on peut penser que le noyau de la loi remonte à une tradition orale du IVe siècle, certaines dispositions sont très certainement contemporaines de Clovis, telle l'interdiction des mariages incestueux, définis selon les critères du droit canonique. Cette mesure distend les liens claniques au sein de la famille franque et tend à disqualifier la parenté cognatique au profit de l'agnatique. Globalement, le Pactus vise donc à limiter la puissance des familles élargies franques. La loi salique est encore augmentée par Charlemagne, qui l'infléchit dans un sens plus nettement public. À partir du Xe siècle, elle se dissout dans la masse du droit coutumier du nord de la France.

Loi fondamentale du royaume.

• Tombé dans l'oubli au cours des siècles suivants, le Pactus doit à l'un de ses articles d'avoir été redécouvert au milieu du XIVe siècle. En effet, dans le titre 62 (De alodiis), il est écrit que « pour la terre salique, aucune part de l'héritage ne doit être transmise à une femme mais [que] tout l'héritage de la terre doit passer au sexe viril ». Cette clause règle, en fait, la succession des terres des ancêtres dans le droit privé des Francs. Dans le contexte de la guerre de Cent Ans, et au prix d'une grossière manipulation, elle est requise pour justifier l'exclusion des femmes et de leurs héritiers au trône de France. Si elle n'est guère invoquée en 1316 (lors de l'avènement de Philippe V), ni même en 1328 pour récuser les prétentions anglaises (lors de l'avènement de Philippe VI), elle fait son apparition dans la traduction des Échecs moralisés de Jacques de Cessoles par Jean de Vignay (entre 1337 et 1350). Cependant, c'est un moine de Saint-Denis, Richard Lescot, qui, en 1358, exhume de la bibliothèque du monastère un manuscrit comportant le texte du Pactus ; il en propose une interprétation qui, pour être fausse, n'en est pas moins opportune. À sa suite, d'autres auteurs se réfèrent à la loi salique : Jean de Montreuil (début du XVe siècle), Jean Juvénal des Ursins fils (entre 1430 et 1440), l'auteur anonyme du Grand Traité de la loy salique (vers 1464)... L'intense travail propagandiste parvient à assurer le succès définitif du mythe de la loi salique. Pourtant, à partir du milieu du XVIe siècle, les juristes français, par un retour aux documents originaux, critiquent la loi et mettent en évidence la falsification (François Hotman, 1524-1590). Si Jean Bodin la cite encore dans sa République (1576), c'est pour immédiatement lui préférer une « loi de nature », fondant l'exclusion politique des femmes sur leur supposée infériorité biologique et sur une analogie avec le régime matrimonial.

salon,

réunion privée et régulière où gens du monde et gens de lettres - intellectuels et artistes - se rencontrent pour converser.

Le terme, d'origine italienne, n'apparaît en ce sens qu'au début du XIXe siècle, après avoir désigné, au XVIIe une salle, et au XVIIIe les expositions de peintures organisées au Salon carré du Louvre.

Une alternative à la cour.

• La réalité a cependant précédé l'acception sociale du mot : les salons naissent dans la première moitié du XVIIe siècle, sous une double impulsion, aristocratique et féminine (Mme de Rambouillet), qui marquera durablement la pratique salonnière. Le salon se distingue donc de la cour, qui obéit à une autre logique de sociabilité, ouverte, publique et réglée par l'étiquette, sous l'œil du monarque. Le cercle de Mme de Rambouillet est, à l'écart du palais royal, une cour privée et choisie : ses élus, élite sociale et intellectuelle, pratiquent, ou plutôt inventent, entre eux et pour eux, l'art ingénieux des bonnes manières et de la conversation, matrices de la préciosité et de la galanterie, si influentes sur le goût et la littérature du siècle. Ici se forge l'idéal de l'honnête homme, mélange d'élégance mondaine et de culture distanciée, qui, en refusant la rusticité nobiliaire tout comme l'érudition professionnelle, affine à la fois les aristocrates et les écrivains par leur commerce au contact des femmes. Qu'il y ait rapport entre la cour et les salons, rien ne le montre mieux que l'éclipse de ces derniers lorsque le Versailles louis-quatorzien accapare les élites. Mais le salon se démarque aussi, par sa mondanité féminisée, des cercles plus spécialisés, tel celui de l'écrivain Valentin Conrart dont sortira, par la volonté de Richelieu, l'Académie française.