Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Marne (batailles de la), (suite)

La seconde bataille de la Marne, en juillet 1918, correspond à la contre-offensive franco-américaine, après l'offensive qui a ramené les Allemands sur la Marne le 31 mai. Foch, aidé des 16 divisions du général Pershing, contraint l'ennemi à la retraite, et les Alliés, désormais, ne perdront plus l'initiative. L'intervention américaine a été déterminante quant à l'issue de cette bataille, qui marque le tournant de la guerre à l'Ouest, du point de vue stratégique. À la supériorité numérique s'est ajoutée la nouveauté tactique des chars : les 1 000 chars (des Renault, pour la plupart) ont joué un rôle non négligeable, les Alle-mands en étant dépourvus faute d'avoir cru aux vertus de cette arme nouvelle. Sur le plan technique, l'aviation ne s'est plus cantonnée à des missions d'observation, comme c'était le cas en 1914 : elle est devenue une véritable arme de combat, et les Alliés, du fait de leur poids économique, ont pu disposer d'un plus grand nombre d'appareils que leurs adversaires.

Si la première bataille de la Marne a marqué l'échec du plan Schlieffen, fondé sur une manœuvre tournante de l'armée allemande, la seconde aura inauguré, en l'espace de trois jours, le cours des offensives victorieuses. En 1934, une sculpture de Paul Landowski a été érigée sur un site des deux batailles de la Marne, la butte de Chalmont. Ce monument, dont une partie est baptisée les Fantômes, exprime le miracle d'endurance qu'ont dû accomplir les poilus de la Grande Guerre.

Maroc,

pays de l'Afrique du Nord, placé sous protectorat français de 1912 à 1956.

Le Maroc : objet de convoitises européennes.

• Tandis que l'Espagne est solidement implantée sur le littoral (à Melilla depuis 1496, et à Ceuta depuis 1580), la France manifeste des visées sur l'Empire chérifien à la fin du XIXe siècle. En 1881, le gouvernement Gambetta envoie à Tanger un diplomate très actif, Ordéga, afin d'y obtenir des avantages économiques. Mais ce n'est qu'au début du XXe siècle que, devant la montée de ce que les milieux coloniaux dénoncent comme « l'anarchie marocaine », les troupes françaises d'Algérie entament le « grignotage des confins » dans les régions orientales avant de débarquer sur la façade atlantique, occupant Casablanca (1907) puis la plaine voisine de la Chaouïa (1908). Sur le plan diplomatique, deux crises internationales - suscitées par l'Allemagne (discours de Tanger en 1905 et coup d'Agadir en 1911) - vont précipiter l'intervention française, qui est d'ailleurs sollicitée par le sultan Moulay Hafid, confronté à une révolte des tribus : le traité de Fès, signé le 30 mars 1912, inaugure l'ère du protectorat sur le Maroc. Le pays est dès lors divisé en trois ensembles : une zone espagnole (28 000 kilomètres carrés au nord, placés sous protectorat, et les deux présides de Ceuta et Melilla) ; une zone sous protectorat français (la plus vaste partie du pays) ; une zone internationale correspondant à Tanger, dont le statut sera réglé par une convention en 1923.

L'ère Lyautey (1912-1925).

• Nommé commissaire-résident général au Maroc, le général puis maréchal Lyautey met en place les structures du protectorat avec la collaboration de Moulay Youssef, sultan de 1912 à 1927. Des investissements considérables permettent la réalisation de grands travaux (barrages, voies ferrées) et la mise en valeur des ressources naturelles : l'Office chérifien des phosphates est créé en 1921 ; la Compagnie marocaine (filiale de Schneider) détient le monopole du commerce extérieur et exploite de vastes domaines agricoles. Lyautey applique une politique dite « des égards », caractérisée par le respect des personnes et des institutions, qui lui vaut une grande popularité parmi les Marocains. Cependant, la guerre du Rif (1921-1926), menée contre la France et l'Espagne par le chef nationaliste Abd el-Krim (préfiguration des conflits anticoloniaux ultérieurs), entraîne la démission de Lyautey en septembre 1925.

La dérive (1925-1939).

• La « pacification » totale du pays prend fin en 1934. Mais, sous l'autorité des successeurs de Lyautey (des fonctionnaires civils ayant servi à Alger), le régime du protectorat dérive vers celui de l'administration directe : le décret connu sous le nom de « dahir berbère », adopté en 1930, vise à soumettre les régions berbérophones à un régime judiciaire et administratif particulier, et par conséquent à briser l'unité de l'Empire chérifien. Selon l'expression du général Catroux, « le dahir berbère met le pied à l'étrier au nationalisme marocain ».

Le mouvement nationaliste prend corps en 1934 avec la création par de jeunes intellectuels d'un Comité d'action marocaine. De son côté Mohammed Ben Youssef, sultan à partir de 1927, se montre bien disposé à l'égard d'un programme de réformes prévoyant des assemblées élues. L'espoir d'une évolution libérale, suscitée par la formation en France du gouvernement de Front populaire (1936), est cependant vite déçu. Après la chute du ministère Blum, les émeutes de Meknès (septembre 1937) sont suivies d'une répression.

Le Maroc pendant la Seconde Guerre mondiale.

• Le général Noguès, résident de 1936 à 1943, tente de revenir à une pratique lyautéenne du protectorat, tout en maintenant, à partir de 1940, le pays dans la mouvance du régime de Vichy. En novembre 1942, il fait ouvrir le feu sur les troupes britanniques et américaines débarquant au Maroc, mais doit peu après se rallier aux autorités mises en place par les Alliés. Lors de l'entrevue d'Anfa (janvier 1943), le président Roosevelt déclare au sultan que les États-Unis sont disposés à aider son pays à recouvrer son indépendance. Le parti de l'Istiqlal (« Indépendance ») est fondé en décembre 1943. De 1943 à 1945, plusieurs bataillons de tirailleurs marocains - les tabors - combattent en Tunisie puis en Italie, en France et en Allemagne.

Vers l'indépendance (1945-1956).

• Invité à Paris par le général de Gaulle en juillet 1945, le sultan est fait compagnon de la Libération, mais l'après-guerre est une période de déception pour les Marocains : en dépit de la contribution de ceux-ci à l'effort de guerre, les dirigeants français ne semblent disposés à apporter aucun allègement au régime du protectorat. Le 10 avril 1947, dans son célèbre discours de Tanger, le sultan évoque le problème de l'émancipation, mais la nomination de militaires à la Résidence - les généraux Juin (1947-1951) puis Guillaume (1951-1954) - traduit un durcissement de la politique française. En effet, la France tend à associer les colons à l'administration du protectorat, dans le cadre de la « co-souveraineté », tandis que le sultan, cachant de moins en moins ses sympathies pour les nationalistes, est déposé en août 1953, à l'instigation de la Résidence, des colons et de certains grands caïds très opposés à l'Istiqlal (notamment le pacha de Marrakech, el-Glaoui), avant d'être déporté en Corse puis à Madagascar.