Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Commune. (suite)

L'échec de la conciliation a été lourd de conséquences. Des otages sont fusillés par les communards et plus de soixante-cinq personnes (des prêtres, des gendarmes...) sont massacrées par la foule, tandis que les troupes gouvernementales se livrent à une répression terrible : au cours de la Semaine sanglante, (21-28 mai 1871), jusqu'à l'ultime résistance au Père-Lachaise, devant le mur des Fédérés, de 20 000 à 25 000 personnes - combattants de la Commune ou simples suspects - sont exécutés sommairement. Quelque 43 000 Parisiens sont arrêtés. Dans une seconde phase de la répression, les conseils de guerre jugent 35 000 cas, prononçant notamment 93 condamnations à mort, 251 aux travaux forcés et 4 596 à la déportation. La loi du 23 mars 1872 organisera le transport en Nouvelle-Calédonie de ces deux dernières catégories de condamnés, qui durent attendre les lois d'amnistie de 1879 et 1880 pour regagner la France.

Aurore ou crépuscule ?

Les communards sont-ils les prolétaires des temps modernes ayant amorcé une révolution socialiste ou représentent-ils au contraire un monde en voie de disparition, tourné vers son passé ? Leur profil sociologique apporte une première réponse à cette interrogation. Les militants de la Commune sont incontestablement des gens du peuple, et la part de la petite bourgeoisie commerçante est moindre qu'en 1851 (lors de la tentative d'opposition républicaine au coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte). Selon Jacques Rougerie, ils appartiendraient à un type intermédiaire entre l'artisan classique et le prolétaire moderne : « Partout la tradition prédomine, dans la nature et le style du travail, et aussi dans la révolte. » Ajoutons que le poids des antécédents judiciaires (28 % des condamnés sont des repris de justice) et la part élevée des célibataires (49 %), plutôt mal intégrés dans la société, rattachent quelque peu les communards aux « classes dangereuses » du Paris du XIXe siècle. Leur idéologie et leurs préoccupations s'inspirent nettement de celles des sans-culottes de l'an II : mystique républicaine, patriotisme exacerbé, touchant au chauvinisme, aspirations à une démocratie directe, anticléricalisme vigoureux. Les références au langage révolutionnaire de l'an II sont constantes ; les ennemis sont les mêmes : en premier lieu, le clergé, puis le propriétaire, les officiers des armées permanentes, le commerce de détail accusé d'accaparement, et, d'une manière générale, les riches. Le patron n'apparaît pas comme un ennemi de classe, même si les ouvriers ont le sentiment de ne pas bénéficier des fruits de leur travail. La Commune a ébauché une politique sociale dont la mesure la plus importante a été le décret du 16 avril, qui confisque, contre indemnité, les ateliers abandonnés par les patrons : loin de procéder à une appropriation étatique des moyens de production, ce texte s'inspire du programme coopératif de Louis Blanc, ces ateliers devant servir d'expériences pilotes organisées par les chambres syndicales ouvrières. Il y eut ainsi quelques expériences nouvelles, mais limitées, compte tenu de la faiblesse de l'organisation ouvrière. Les anticipations de la Commune sont plus visibles au plan politique ; ce sont, notamment, la séparation des Églises et de l'État ou l'éducation laïque et gratuite, mais tout cela relève du programme traditionnel des républicains radicaux. Ainsi, tout en ayant tracé quelques chemins nouveaux, la Commune apparaît plutôt comme la dernière révolution classique du XIXe siècle, et son échec sonne le glas de la domination parisienne dans la vie politique française. Elle a stoppé net un mouvement ouvrier en plein renouveau et retardé le développement du syndicalisme, qui s'est trouvé dès lors déphasé des progrès du socialisme. Mais elle a durablement marqué les esprits, et a inspiré la réflexion des dirigeants socialistes en matière de décentralisation et de socialisme municipal. Enfin, par leur échec même, les communards ont peut-être sauvé la République en confortant Thiers dans sa volonté d'œuvrer dans le cadre des institutions républicaines, tandis que les masses rurales conservatrices se ralliaient à un régime assurant l'ordre et la propriété sur les ruines du Paris révolutionnaire.

Commune de Paris (1789-1794),

municipalité révolutionnaire siégeant à l'Hôtel de Ville ; puissant contre-pouvoir à partir de 1792.

Cette administration, encadrant le mouvement populaire parisien, tient une place essentielle dans le déroulement de la Révolution. Issue de la crise de l'été 1789, la première Commune révolutionnaire est formée d'électeurs parisiens qui se substituent à la municipalité d'Ancien Régime, le 12 juillet 1789, et créent la Garde nationale, le 13. Une révolution municipale légitimée, dès le 17, par Louis XVI, qui reçoit la cocarde tricolore des mains du nouveau maire, Bailly. L'administration légale, organisée par la loi du 21 mai (promulguée le 27 juin 1790) divisant Paris en quarante-huit sections, reste sensiblement la même jusqu'à l'été 1794. Élue directement par les sections, la Commune comprend le maire, chef de la municipalité, un procureur et deux substituts, ainsi que deux assemblées, le conseil général et le corps municipal, qui est divisé en bureau et conseil municipaux. Bien que subordonnée au département de Paris, elle dispose d'une autorité stratégique importante - approvisionnements et subsistances, police, Garde nationale... La Commune constitutionnelle, élue au suffrage censitaire et installée en octobre 1790, se montre avant tout soucieuse de faire cesser les désordres et de stabiliser les nouvelles institutions. D'abord modérée, elle évolue vers la gauche, après l'arrestation du roi à Varennes. Les élections de novembre 1791 à février 1792 marquent ainsi l'arrivée des démocrates, jacobins et cordeliers, tels Pétion, élu maire le 16 novembre, Manuel, procureur, ou Danton, son second substitut. Cette municipalité, plus proche des sections, favorise notamment la journée du 20 juin 1792. Elle préfigure la Commune insurrectionnelle qui organise la journée du 10 août 1792 mettant à bas la monarchie.