Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Languedoc, (suite)

L'impact culturel de l'annexion a été mineur dans les derniers siècles du Moyen Âge. Certes, les universités de Toulouse et de Montpellier (XIIIe siècle) ont alors commencé à asseoir leur réputation. Mais les productions artistiques et littéraires manquent quelque peu d'éclat : la littérature occitane, après avoir connu son apogée au XIIe siècle, amorce son déclin ; le gothique, lent à se diffuser, conserve les traits massifs et austères du roman languedocien (celui de Saint-Sernin, de Saint-Gilles et de Moissac), sans atteindre ses sommets (Lavaur, Albi, Lodève, Narbonne, Toulouse).

Croissance économique, luttes politiques et religieuses.

• De la fin du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle, le Languedoc connaît une nouvelle phase de prospérité, ralentie toutefois par les guerres de Religion (1560-1596), le tassement du premier XVIIe siècle, la dépression générale des années 1680-1720 et les difficultés du règne de Louis XVI. À l'ouest dominent les céréales, le pastel au XVIe siècle, le maïs à partir du siècle suivant ; à l'est, l'élevage, les légumes, la vigne et la soie, le textile, les industries nouvelles du XVIIIe siècle (charbon, chimie, verrerie, indiennage), les grandes foires de Beaucaire. La population connaît une croissance irrégulière mais très nette, alimentée par une immigration de proximité. Dans les villes - Toulouse, Montpellier, Nîmes, Béziers, mais aussi Carcassonne et Narbonne - se développe une vie culturelle dynamique, quoique sans grand éclat, sous une influence française de plus en plus marquée : en témoignent les peintres locaux comme Rivalz, des architectes comme les Giral, les multiples sociétés de pensée. Néanmoins, de nombreuses zones d'ombre demeurent. La croissance est largement dépendante de la concurrence extérieure (pastel, draperie, industries nouvelles) ; la production céréalière traditionnelle ne suffit pas toujours, et les disettes scandent le XVIIIe siècle, tandis que les accidents climatiques ou la surproduction mettent périodiquement à mal les grandes cultures méditerranéennes ; enfin, la poussée démographique ne favorise dans la longue durée ni les salariés ni les locataires du sol. En outre, les XVIIe et XVIIIe siècles ont été une longue période de troubles politico-religieux. Le triomphe du catholicisme au XIIIe siècle n'a pas mis fin à l'hérésie, et le combat a repris au XVIe siècle, avec des paroxysmes entre 1560 et 1596, entre 1619 et 1629 (guerre de Rohan et édit d'Alès), et entre 1686 et 1704 (révocation de l'édit de Nantes et insurrection des camisards) ; malgré les efforts du clergé de la Réforme catholique, conjugués à ceux de l'État, le Languedoc reste jusqu'à la Révolution un foyer de tensions.

Ces troubles persistants n'empêchent pas la région de passer pour un modèle de sage administration aux yeux des contemporains. L'œuvre des intendants résidant à Montpellier, dont témoigne par exemple la construction du canal du Midi (1666-1681), est dans l'ensemble remarquable. La progression de l'usage de la langue française par les élites, au détriment de l'occitan écrit, accompagne l'effort administratif d'homogénéisation.

Départements et régions modernes.

• Une fois la province divisée en départements, les Languedociens se sont dans l'ensemble résolument engagés dans l'aventure politique initiée par la Révolution. S'ils se sont impliqués dans la décentralisation révolutionnaire, qui correspondait à leurs traditions communales, forgées à partir du XIe siècle, ils ont mal soutenu l'expérience fédéraliste de 1793, sauf dans le Gard. Conservateurs jusqu'à la IIIe République - à l'exception de quelques villes -, ils se sont finalement convertis au régime républicain, en se situant longtemps à gauche de l'échiquier politique. Nantie de solides traditions de combat (Carmaux, 1892 ; lutte des viticulteurs en 1907) et de débat politique, relativement égalitaire dans ses structures, la société languedocienne a longtemps fait figure de bastion du radicalisme. Si un indéniable dynamisme économique - né dès la seconde moitié du XIXe siècle grâce à la production massive de vins ordinaires - a permis l'essor de la région, si le maillage urbain plutôt dense a constitué également un facteur de développement, les capitaux et les hommes (Italiens, pieds-noirs) sont le plus souvent venus de l'extérieur. La région traverse indéniablement, aujourd'hui, une crise d'identité. La revendication occitane, en dépit de la renaissance littéraire, est restée confinée à des cercles étroits. Mais les mythes médiévaux du catharisme et de Montségur servent, à l'occasion, de références à des comportements contestataires. L'évolution récente des secteurs économiques traditionnels, les données nouvelles de l'immigration urbaine, la mutation culturelle de Toulouse et de Montpellier, seraient néanmoins susceptibles de mettre en péril la spécificité languedocienne.

Laniel (Joseph),

homme politique, président du Conseil sous la IVe République (Vimoutiers, Orne, 1889 - Paris 1975).

Issu d'une famille - catholique et conservatrice - d'industriels du textile normands, Joseph Laniel succède en 1932 à son père, Henri Laniel, député du Calvados. Parlementaire modéré, proche d'André Tardieu, puis de Paul Reynaud, il appartient à l'aile de l'Alliance démocratique qui proteste contre les accords de Munich. Même si, le 10 juillet 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, il noue, dès 1941, des liens avec des groupes de la Résistance, et entre dans la clandestinité à la fin de 1942. En mai 1943, il siège, au titre de l'Alliance démocratique, au sein du Conseil national de la Résistance (CNR). À la Libération, il représente la droite libérale et modérée, hostile à la politique dirigiste du tripartisme. À la suite du retour des modérés à la tête du gouvernement, Laniel, choisi pour remplacer René Mayer après plus d'un mois de crise ministérielle, forme, en juin 1953, un gouvernement composite comprenant des indépendants, des radicaux, des membres du MRP, mais aussi des gaullistes. Si la politique de rigueur financière d'Edgar Faure, son ministre des Finances, soulève l'opposition de plusieurs millions de grévistes, des mesures d'incitation favorisent l'investissement et, par conséquent, l'expansion économique. Sur le problème de la Communauté européenne de défense (CED) - le traité, signé en 1952, n'est alors toujours pas ratifié -, Laniel cherche surtout à temporiser pour ne s'aliéner ni le MRP, favorable à la ratification, ni les gaullistes, qui y sont très hostiles. En matière coloniale, la trop grande latitude que Georges Bidault, son ministre des Affaires étrangères, et lui même laissent aux responsables locaux aboutit au désastre de Diên Biên Phu, en Indochine (mai 1954), et à la déposition du sultan Mohammed Ben Youssef (futur Mohammed V) au Maroc, c'est-à-dire à l'impasse politique. Renversé en juin 1954, Laniel, qui n'a pas réussi à se faire élire président de la République en décembre 1953, ne joue plus qu'un rôle secondaire, avant de se retirer totalement de la vie politique après 1958.