Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Napoléon Ier. (suite)

En octobre 1799, au retour de Bonaparte, le discrédit politique du Directoire est total. Coups d'État annuels et défaites tant en Italie qu'en Allemagne ont achevé de le déconsidérer. Tandis que les jacobins, qui s'appuient sur Bernadotte, envisagent de mettre en place une république pure de toute concession, Barras rêve d'une restauration monarchique qu'il opérerait avec le général d'Hédouville. Grande figure des débuts de la Révolution, Sieyès songe de son côté à donner à la France une nouvelle Constitution dont il serait l'auteur. Lui aussi compte s'appuyer sur un général, Joubert, qui est malheureusement tué à Novi. Il se tourne alors vers Bonaparte.

Le coup d'État souhaité par Sieyès ne devait être à l'origine qu'une opération parlementaire, dans laquelle Bonaparte aurait été chargé d'intimider les députés. Mais c'est ce dernier qui se laisse intimider et perd son sang-froid, le 18 brumaire, à Saint-Cloud, devant les Cinq-Cents. Son frère Lucien, pour lui éviter d'être mis hors la loi, doit faire intervenir l'armée avec Murat. De parlementaire, le coup d'État devient militaire. L'homme fort n'est plus Sieyès, mais Bonaparte.

Du Consulat à l'Empire

Le régime que met en place la Constitution de l'an VIII n'est pas une dictature militaire. Il s'agit, au fond, d'une dictature de salut public à la romaine. « Cette nation avait besoin d'un gouvernement fort, dira Napoléon à O'Meara, son médecin à Sainte-Hélène. Tant que je suis resté à la tête des affaires, la France a été dans l'état où était Rome quand il fallait un dictateur pour sauver la République. »

L'œuvre des années 1800-1803 est remarquable : pacification intérieure avec l'amnistie permettant le retour des émigrés, la fin de la guerre de Vendée, l'effacement des factions et la répression du brigandage - principale séquelle de la guerre civile - ; pacification religieuse grâce à la signature du concordat avec Rome, le 15 juillet 1801 ; redressement financier par la création, le 13 février 1800, de la Banque de France et l'établissement, en mars 1803, du franc germinal, qui restera stable jusqu'en 1914 ; mise en place d'institutions nouvelles comme le Conseil d'État ou le corps des préfets qui perdureront jusqu'à notre époque ; fin de la guerre avec l'Angleterre par la paix d'Amiens, en mars 1802.

Le titre de consul à vie octroyé à Bonaparte le 2 août 1802 est la suite logique d'une mesure de reconnaissance demandée par les députés du Tribunat au mois de mai, et que consacre un référendum. Deux ans plus tard, le consulat à vie est devenu une monarchie impériale héréditaire. L'ambiguïté de cette monarchie est évidente. Elle a une double légitimité : celle du suffrage universel, par un référendum sur l'hérédité de la dignité impériale - approuvée par 3 500 000 « oui » contre quelque 2 500 « non » -, et celle de la tradition, par le sacre, le 2 décembre 1804, à Notre-Dame, le pape Pie VII étant spécialement venu de Rome. Cette dualité apparaît dans le fait que Napoléon Ier est empereur des Français alors que le mot de République est toujours en usage, et que le calendrier républicain est conservé jusqu'en 1806.

Parmi les facteurs qui ont favorisé l'avènement de l'Empire, la découverte de la conspiration du chef chouan Cadoudal, en 1803, a joué un rôle essentiel. On craint en effet l'assassinat de Bonaparte, devenu le rempart des conquêtes révolutionnaires. La consolidation du régime devient donc indispensable, comme le rappelle le serment tenu le jour du sacre. Napoléon jure de défendre l'intégrité du territoire, l'égalité des droits, la liberté politique et, surtout, l'irrévocabilité de la vente des biens nationaux (essentiellement les biens d'Église nationalisés et vendus sous la Révolution). Il apparaît à cet égard, pour reprendre l'expression de Balzac, comme « l'homme qui assure la possession des biens nationaux. Son sacre est trempé dans cette idée ». Mais, à l'inverse d'un Cincinnatus, paysan héros de la Rome antique, Napoléon ne retournera pas « à la charrue » une fois la République sauvée.

Les grandes victoires

Ce rôle de défenseur des conquêtes révolutionnaires, Napoléon va le tenir magnifiquement face aux troisième, quatrième et cinquième coalitions de puissances européennes montées par l'Angleterre. La troisième coalition - les deux premières étaient dirigées contre la Révolution - regroupe, outre l'Angleterre, l'Autriche, la Russie et Naples. Les Autrichiens sont vaincus à Ulm (20 octobre 1805), puis les forces austro-russes à Austerlitz, le 2 décembre 1805. Les Prussiens et les Russes prennent une part active à la quatrième coalition : les premiers sont anéantis à Iéna (14 octobre 1806), les seconds défaits à Eylau (8 février 1807), puis à Friedland (14 juin 1807). Ébranlé, le tsar Alexandre Ier conclut la paix à Tilsit, le 7 juillet 1807.

Le seul adversaire redoutable qui reste est l'Angleterre. Faute de pouvoir y débarquer, sa flotte ayant été détruite en grande partie à Trafalgar, le 21 octobre 1805, Napoléon utilise contre elle l'arme économique : fermer le continent européen aux marchandises anglaises (produits manufacturés et denrées coloniales) lui semble être le meilleur moyen d'obliger Londres à la paix, en ruinant le commerce britannique et en précipitant la chute de la livre sterling. Le 21 novembre 1806, le Blocus continental est décidé par le décret de Berlin : il interdit toute relation commerciale avec les îles Britanniques.

Le tournant de 1808-1809

Cette fermeture du continent, pour atteindre sa pleine efficacité, implique de nouvelles guerres de conquête. Le Portugal, qui refuse de suspendre son commerce avec Londres, est envahi en 1808. L'Espagne, alliée peu sûre, est à son tour frappée : lors de l'entrevue de Bayonne, en mai 1808, Napoléon oblige Charles IV à abdiquer et le remplace par son frère Joseph Bonaparte. Mais c'est compter sans la fierté nationale du pays, dont une grande partie de la population - notamment les nobles et le clergé, hostiles aux idées nouvelles propagées par les Français - se soulève contre l'occupant.