Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Villèle (Jean-Baptiste Guillaume Joseph, comte de), (suite)

Au lendemain de l'assassinat du duc de Berry (février 1820), il devient président de la Chambre (juin 1820) puis ministre d'État (décembre 1820), mais démissionne en juillet 1821. Après la chute de Richelieu, Louis XVIII le rappelle aux affaires, comme ministre des Finances (décembre 1821), puis président du Conseil (septembre 1822). Villèle conduit dès lors, pendant plus de six ans, une politique de réaction conservatrice marquée notamment par la répression des mouvements libéraux (exécution des quatre sergents de La Rochelle, 1822), et par l'expédition d'Espagne pour rétablir le roi Ferdinand VII sur son trône (1823). À partir de 1824, il bénéficie du soutien d'une majorité de députés - la Chambre « retrouvée » - et sert un nouveau roi, Charles X, esprit nostalgique de l'Ancien Régime, qui se fait sacrer à Reims (25 mai 1825). Villèle peut faire voter la loi sur le sacrilège (qui condamne les profanateurs d'hosties à la peine de mort) et la loi d'indemnisation des émigrés (datant toutes deux d'avril 1825), mais échoue dans sa tentative de rétablissement du droit d'aînesse (avril 1826) en raison de l'opposition de la Chambre des pairs, où les libéraux sont nombreux. Mis en minorité lors des élections de novembre 1827, il démissionne en janvier 1828, et se retire de la vie publique après 1830. Il laisse d'intéressants Mémoires, interrompus à l'année 1816 et publiés après sa mort (1888-1890).

villeneuves et bastides,

centres de peuplement créés au Moyen Âge, entre le XIe et le début du XIVe siècle, au fur et à mesure des conquêtes agraires.

Villeneuves puis bastides (appellation donnée dans le Midi) sont toutes d'initiative seigneuriale : il est de l'intérêt de tout maître du sol, qu'il soit laïc ou ecclésiastique, de favoriser le peuplement de son domaine, pour augmenter le produit de ses redevances. C'est ainsi que, dès la seconde moitié du XIe siècle, s'engage ce vaste mouvement de fondations seigneuriales des nouvelles communautés de peuplement, souvent implantées dans des régions pionnières, tout juste défrichées ou récemment mises en valeur. Pour attirer les habitants dans ces villeneuves, des chartes de fondation sont établies, définissant des franchises collectives qui, dans un contexte de concurrence seigneuriale, doivent être attractives : liberté des personnes, redevances allégées, devoirs militaires modérés..., c'est-à-dire la fin de l'arbitraire seigneurial.

C'est la situation locale qui dicte le détail de ces dispositions. Dans les régions troublées par l'insécurité, comme dans l'Aquitaine du XIe siècle, les seigneurs - le plus souvent des ecclésiastiques - assurent aux nouveaux habitants le droit d'asile : on parle alors de « sauvetés ». Ailleurs, au contraire, comme en Normandie, dominent les privilèges de nature économique. Dans tous les cas, c'est la franchise qui fonde la villeneuve, et non son caractère urbain : la plupart de ces créations seigneuriales resteront des villages, et toutes n'avaient d'ailleurs pas vocation à devenir des villes.

Il en va de même pour les bastides, dont la grande période de fondation se situe entre 1220 et 1340 ; de la création de Cordes en 1222 à celle de Villefranche-d'Albigeois en 1339 (deux localités situées dans l'actuel département du Tarn), près de cinq cents bastides sont répertoriées dans le midi de la France. La plupart se situent aux confins du domaine des Capétiens et de celui des Plantagenêts, entre le Quercy et le Bordelais : les princes territoriaux (comme Alphonse de Poitiers, qui en fonde trente-six) s'y associent fréquemment aux cisterciens en « pariage » (accords de seigneurie) pour permettre la mise en valeur agraire. Mais la spécificité de la bastide est d'assurer, outre cette fonction économique, un rôle de contrôle militaire du territoire. Aussi, ces bastides de frontière se présentent-elles sous la forme d'un habitat planifié et fortifié, organisé en un plan orthogonal centré sur une place rectangulaire. Toutefois, le plan régulier ne fait pas la ville, et nombre de bastides demeurent des villages fortifiés. À la fin du Moyen Âge, le nom même de « bastide » se confond d'ailleurs avec celui de « bastille » pour désigner toutes sortes d'édifices fortifiés.

Villermé (Louis René),

médecin et sociologue (Paris 1782 - id. 1863).

Chirurgien dans l'armée napoléonienne, Louis René Villermé poursuit ses études de médecine, après son expérience sur les champs de bataille, avec une thèse sur la diphtérie. Brillant praticien, il délaisse pourtant cette activité pour se consacrer, à partir de 1818, à l'économie sociale et à la statistique.

Après un rapport sur les conditions de vie des prisonniers (Des prisons telles qu'elles sont et telles qu'elles devraient être, 1820) et une étude comparée de la mortalité infantile selon les milieux sociaux, Villermé est chargé par l'Académie des sciences morales et politiques, au sein de laquelle il siège depuis 1832, d'une grande enquête sur l'état physique et moral de la classe ouvrière. Limitant son analyse à l'industrie textile, il suit l'ouvrier dans toutes ses activités, au sein de l'entreprise et dans sa famille. La publication de son Tableau de l'état physique et moral des ouvriers dans les fabriques de coton, de laine et de soie (1840) connaît un large retentissement. Elle aboutit notamment à la promulgation de la loi sur le travail des enfants dans les manufactures (1841). Par leur précision, les travaux de Villermé offrent encore aux historiens des renseignements précieux sur les débuts de l'ère industrielle, en particulier dans le nord de la France, et sa méthode d'analyse a influencé durablement démographie et statistique.

Villers-Cotterêts (ordonnance de),

acte législatif promulgué par François Ier le 10 août 1539.

Préparée par le chancelier Guillaume Poyet, ancien président au parlement de Paris, cette ordonnance a pour but de « pourvoir au bien de notre justice, abréviation des procès et soulagement de nos sujets ». Elle prend place dans un ensemble de textes réformateurs qui, depuis 1516, manifestent l'activité de la monarchie administrative et visent à unifier les pratiques juridiques du royaume (rédaction des coutumes, législation sur les forêts). En 192 articles, elle touche à de nombreux domaines. La compétence des tribunaux ecclésiastiques est désormais limitée aux affaires disciplinaires ou sacramentelles. La procédure pénale, jusqu'alors orale et publique, devient écrite et secrète, sur le modèle inquisitorial : l'accusé ignore les charges retenues contre lui. Les notaires doivent tenir registre de leurs minutes, et les officiers de justice consigner un relevé hebdomadaire des prix sur les marchés (les mercuriales). Tous les actes administratifs ou notariés doivent désormais être rédigés, dans tout le royaume, « en langage maternel françois » : le français devient donc la seule langue officielle, évinçant le latin ou les langues régionales, notamment dans le Midi. Dans le souci de réformer l'octroi des bénéfices ecclésiastiques (dont les principaux relèvent de l'autorité royale depuis le concordat de Bologne, en 1516) et de ne les accorder qu'à des individus majeurs, les articles de 50 à 54 font obligation aux curés d'enregistrer les baptêmes - sur le modèle de ce qui se fait déjà dans quelques rares évêchés - ainsi que les « sépultures des personnes tenant bénéfices ». Ces registres doivent être déposés chaque année aux greffes des tribunaux royaux, où ils seront contrôlés : c'est l'origine de l'état civil en France. Enfin, face à l'agitation qui règne chez les compagnons imprimeurs, à Lyon et à Paris, l'ordonnance interdit les associations professionnelles, « confréries de gens de métiers et artisans », ainsi que les grèves ou « monopoles » : elle est ainsi le premier élément, répressif, d'une législation sociale.