Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Verdun (bataille de) (suite)

De l'horreur à la mythologie nationale.

• « Qui n'a pas fait Verdun n'a pas fait la guerre » (commandant d'Arnoux) : cette emphase pourrait passer pour une recréation idéologique d'après-guerre. Et, pourtant, tous les témoignages s'accordent : quelles que soient les conséquences personnelles, souvent opposées, que les combattants en auront tirées - du pacifisme le plus résolu au nationalisme cocardier, de la vocation religieuse à la perte de la foi -, la bataille de Verdun les a marqués d'une manière décisive. « Ce nom de Verdun représente désormais, déclare Raymond Poincaré, président de la République, lors d'une allocution le 13 septembre 1916, ce qu'il y a de plus beau dans l'âme française. Il est devenu synonyme synthétique de patriotisme, de bravoure et de générosité. »

Durant les années 1920 et 1930 est érigé à Verdun un immense ensemble commémoratif, où cimetières militaires, monuments aux morts et surtout l'ossuaire-chapelle de Douaumont (inauguré en 1927 par le maréchal Pétain) rappellent le sacrifice des soldats. Chaque année, des anciens combattants se rendent en pèlerinage sur les lieux. En même temps, toutes les communes de France donnent le nom de Verdun à une rue ou une place, le gravent sur leur monument aux morts, rapportent dans une urne un peu de la terre sacrée : horreur et gloire mêlées contribuent à pérenniser le souvenir de la bataille dans la France d'après-guerre. C'est probablement en 1940 que l'on prendra la mesure du terrible désastre qu'a constitué Verdun. Si, dans la France traumatisée par la défaite et par l'exode, le « maréchalisme » est si largement répandu, n'est-ce pas que « Pétain-Verdun » - celui qui aimait ses hommes, ce qui revenait à aimer la France - jouit d'un grand prestige populaire ? 1940 s'inscrit incontestablement dans le souvenir mythifié et horrifié de la bataille de Verdun.

En 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl, main dans la main à Douaumont, symbolisent la réconciliation franco-allemande. En 1996, Jacques Chirac, entouré de jeunes gens venus de toute l'Europe, proclame à Verdun que l'Europe en paix est devenue une réalité.

Verdun (partage de),

partage de l'Empire carolingien en trois royaumes, opéré en 843 par les trois fils de l'empereur Louis le Pieux.

L'ordinatio imperii de 817 organisait la succession de Louis le Pieux dans le respect de la coutume franque du partage de l'héritage paternel entre tous les fils, tout en tenant compte de la nouvelle dimension impériale du pouvoir franc : l'aîné, Lothaire, recevait le titre impérial, l'essentiel du royaume franc et l'autorité sur ses frères, Pépin et Louis, pourvus de royaumes marginaux (Aquitaine et Bavière). Le remariage de Louis le Pieux avec Judith (819) et la naissance de Charles le Chauve (823) ruinent ces dispositions en introduisant un nouveau prétendant, soutenu par le puissant clan aristocratique de sa mère. De graves dissensions opposent alors Louis et ses différents fils. Sa mort, en 840, aggrave encore la situation.

L'Empire franc est divisé, de fait, entre quatre prétendants : Lothaire, l'aîné et le seul à porter le titre impérial, Louis, roi à l'est de l'Empire, Charles, roi à l'ouest, et Pépin II, petit-fils de Louis, roi en Aquitaine. Chacun s'efforce de s'emparer des trésors et des fiscs impériaux et d'obtenir le soutien des grands clans aristocratiques. Pépin II est rapidement marginalisé par Charles, qui s'allie avec son demi-frère Louis contre leur puissant aîné, Lothaire. Le 25 juin 841, à la bataille de Fontenoy-en-Puisaye, près d'Auxerre, Charles et Louis l'emportent sur Lothaire. Le 14 février 842, les deux demi-frères renouvellent solennellement leur alliance à Strasbourg, avant de marcher sur Aix-la-Chapelle et de contraindre Lothaire à négocier. En juin, les trois hommes se rencontrent près de Mâcon : ils prévoient de diviser équitablement l'Empire et désignent chacun quarante experts, chargés de définir la part de chacun. En août 843, ils se retrouvent à Verdun, où ils procèdent au partage : Lothaire conserve le titre impérial et obtient un royaume central, appelé plus tard Lotharingie, qui s'étend de la Frise à l'Italie ; Louis le Germanique obtient le royaume oriental, la Francie de l'Est, et Charles le Chauve le royaume occidental, la Francie de l'Ouest. Le partage cherche avant tout à répartir équitablement l'ensemble des fiscs, des évêchés et des comtés de l'Empire. En particulier, il divise entre les trois souverains le cœur de l'Empire, où se trouvent les grandes résidences royales : Lothaire obtient Aix-la-Chapelle et Liège, Louis, Worms et Francfort, et Charles, Laon et Paris.

Le partage de Verdun a des conséquences considérables. Tout d'abord, il marque la fin de l'unité de l'Empire, ce que déplorent nombre de contemporains, en particulier parmi les clercs, qui entretiennent dès lors une idéologie impériale appelée à se perpétuer, en particulier en Germanie et en Italie. Ensuite, il manifeste l'avènement du royaume de Francie occidentale, le futur royaume de France, et celui du royaume de Francie orientale, bientôt appelé « Germanie ». Les frontières de la Francie occidentale sont ainsi durablement fixées le long de quatre rivières : l'Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône. En outre, dans le royaume occidental, le glissement du centre du pouvoir vers l'ouest, de la région de Laon et Reims vers celle de Paris et Orléans, accentue la rupture avec le cœur de l'ancien Empire. Enfin, le partage provoque une première territorialisation de la grande aristocratie : contraintes de choisir un seul souverain auquel prêter serment de fidélité et duquel tenir ses honneurs, les grandes familles restreignent leur horizon à un seul royaume. D'une certaine manière, le partage de Verdun a donné naissance au royaume de France.

Vergennes (Charles Gravier, comte de),

diplomate et homme politique (Dijon 1719 - Versailles 1787).

Issu d'une famille de parlementaires dijonnais, Charles Gravier, après des études chez les jésuites, entre dans la carrière diplomatique dans le sillage de son grand-oncle, l'ambassadeur Chavigny, qu'il accompagne comme secrétaire à Lisbonne (1740), puis à Francfort (1743). Remarqué par le marquis d'Argenson, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, il est envoyé auprès de l'Électeur de Trêves (1750), puis au congrès d'Hanovre (1752). Initié au « secret du roi » - une diplomatie secrète qui vise à constituer, avec la Pologne, la Suède et l'Empire ottoman, un bloc favorable à la France en Europe orientale -, il est nommé ambassadeur à Constantinople (1754-1768), où il presse le sultan de résister à la Russie, puis à Stockholm (1771), où il appuie le coup d'État de Gustave III contre la Diète alors dominée par le parti prorusse, dit « des Bonnets » (1772).