Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
O

orléanisme, (suite)

Gouvernement du juste milieu, pour les notables et par les notables, se défiant des transformations brutales et des manifestations démocratiques (le plébiscite bonapartiste comme le suffrage universel républicain), l'orléanisme associe donc libéralisme et conservatisme social. C'est dans cette dualité qu'il trouve sa cohérence et qu'il regroupe ses partisans au gré de l'évolution des régimes politiques : ces derniers appartiendront, en 1848, au parti de l'Ordre ; ils rallieront pour un temps, en 1869, l'Empire libéral. Mais, de la même manière, nombre d'entre eux soutiendront l'adoption de lois constitutionnelles républicaines en 1875. L'orléanisme, que son nom même semble lier à une époque, connaît en réalité une postérité sous les couleurs de la famille libérale.

Orléans (Ferdinand Philippe Louis, duc de Chartres, puis duc d'),

fils aîné de Louis-Philippe Ier (Palerme, Italie, 1810 - Neuilly-sur-Seine 1842).

Après l'exil lors de sa prime enfance, il rejoint Paris au début de la Restauration. Il y reçoit une solide éducation bourgeoise et libérale, au collège Henri-IV, puis à l'École polytechnique. Colonel de hussards en 1824, il fait arborer à son régiment la cocarde tricolore lorsqu'il a connaissance des événements révolutionnaires qui se déroulent à Paris en juillet 1830. Il est général quand il est envoyé à Lyon pour réduire l'insurrection des canuts (1831), mission dont il s'acquitte avec modération. Puis il participe à la prise d'Anvers (1832) et à la conquête de l'Algérie (1835). En 1836, il crée le corps des chasseurs à pied. Son mariage avec la duchesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin, de confession luthérienne, soulève des critiques : mésalliance, dépense inconsidérée pour le budget de la France, concession faite au protestantisme. Pourtant, sa prestance et ses belles manières - il est en 1834 l'un des membres fondateurs du Jockey-Club -, ses exploits militaires, ses amitiés dans le monde littéraire et artistique, et ses idées politiques plutôt progressistes - il est sensible aux arguments des libéraux et des patriotes - le rendent populaire, au-delà même des rangs de la bourgeoisie. Son père veut en faire l'héritier du trône, mais le duc se tue en juillet 1842 dans un accident. La douleur de la famille royale est largement partagée ; l'avenir de la monarchie de Juillet est compromis.

Orléans (Gaston, comte d'Eu, duc d'),

frère cadet de Louis XIII, appelé, pour cette raison, « Monsieur » (Fontainebleau 1608 - Blois 1660).

Duc d'Anjou jusqu'à la mort, en 1611, du deuxième fils d'Henri IV et de Marie de Médicis, puis duc d'Orléans (1626), Gaston d'Orléans reçoit une instruction soignée. Protecteur d'hommes de lettres - tels les poètes Voiture, Saint-Amant, Tristan L'Hermite ou le grammairien Vaugelas -, il est aussi amateur d'art, grand collectionneur de livres, tableaux, monnaies et antiques. Son esprit vif, ses manières séduisantes, s'accompagnent cependant d'un caractère inquiet, pusillanime, et ses contemporains lui font grief d'abandonner ses amis compromis dans ses intrigues. Son goût des plaisirs le conduit à s'entourer d'une petite cour de débauchés, qu'il nomme ses « vauriens ». En 1626, il épouse Marie de Bourbon, la riche duches-se de Montpensier, qui mourra l'année suivante en donnant le jour à une fille, Anne Marie Louise (la future Grande Mademoiselle). Louis XIII, dont l'union reste stérile jusqu'en 1638, veut casser le mariage secret contracté par Gaston d'Orléans avec Marguerite de Lorraine en 1632, et qui ne sera reconnu en France qu'en 1643.

L'action politique de Gaston d'Orléans est autant marquée par une volonté de s'affirmer face à un frère condescendant que par une hostilité à la tyrannie de Richelieu et par une préférence pour une monarchie tempérée, associant les grands au pouvoir. Le manifeste qu'il publie en 1631 montre qu'il est soucieux des misères du peuple et désireux de réduire la pression fiscale. Il est mêlé à plusieurs conspirations contre Richelieu, notamment celle du comte de Chalais, maître de la garde-robe de Louis XIII, condamné à mort en 1626. En 1631, il entraîne dans sa rébellion les états du Languedoc, dont le gouverneur, Henri II de Montmorency, est exécuté en 1632. Retiré à Bruxelles, Gaston d'Orléans négocie une réconciliation avec son frère, et regagne la France en 1634. Il sert avec honneur lors de l'invasion espagnole de 1636, mais est à nouveau compromis dans le complot de Cinq-Mars et de François de Thou (1642), et doit s'humilier devant le roi et le Cardinal en livrant le nom de ses complices.

La mort de Richelieu (décembre 1642) et de Louis XIII (mai 1643) lui permet enfin de participer pleinement aux affaires. Lieutenant général du royaume pendant la régence d'Anne d'Autriche, il joue, grâce à sa popularité et à ses relations au parlement de Paris, un rôle de médiateur au début de la Fronde. S'il est ensuite de tous les partis et lasse ses alliés par son indécision (« Il pensait tout et il ne voulait rien », écrit Retz), il se tient en retrait des emportements de sa fille ou des excès de Condé. Exilé dans son château de Blois, pour lequel François Mansart commence une aile admirable, il revient à la piété. Le religieux qui prononce son oraison funèbre voit en lui, non sans raison, le « médiateur entre le roi et ses sujets », une « heureuse alliance de la souveraineté du monarque avec la liberté des peuples ».

Orléans (Louis Philippe Joseph, duc d'),

dit Philippe Égalité, aristocrate et homme politique (Saint-Cloud 1747 - Paris 1793).

Arrière-petit-fils du Régent, duc de Montpensier, duc de Chartres, puis duc d'Orléans, ce prince est passé à la postérité sous le nom de Philippe Égalité, qui lui est donné par la Commune de Paris, en 1792. Pour les uns, il incarne les vices de l'Ancien Régime, pour les autres, les horreurs de la Révolution. Son action a suscité maintes controverses, ses détracteurs royalistes l'ayant désigné dès 1789 comme le responsable des journées révolutionnaires.

Dès sa jeunesse, il reprend la tradition frondeuse de la branche cadette : au parlement, dont il est le premier pair, il critique le pouvoir royal. À l'instar des magistrats de cette cour, il rêve d'un pouvoir royal contrôlé par les corps intermédiaires. Cette attitude provocatrice ne l'empêche cependant pas de vouloir servir le roi. Il brigue un commandement sur mer, que Louis XVI consent à lui donner. Mais son incompétence ayant été manifeste lors du combat d'Ouessant (1778), il abandonne la Marine. Moqué à la cour, persuadé que ses mérites n'ont pas été reconnus, il cultive l'art de déplaire, et se lance dans une opposition systématique qui achève de lui aliéner le roi, et surtout la reine, contre laquelle il se répand en violentes calomnies. Le duc d'Orléans protège artistes et savants, s'entoure d'hommes pétris des idées nouvelles et passe dans l'opinion pour un prince éclairé. Sa demeure parisienne, le Palais-Royal, devient le haut lieu de la contestation. Lors de la réunion des États généraux, il fait rédiger par Choderlos de Laclos et Sieyès des modèles de cahiers de doléances préconisant une monarchie constitutionnelle et annonçant la régénération du royaume par le tiers état. Député de la noblesse, il est l'un des promoteurs de la réunion des trois ordres destinée à former une Assemblée constituante. Élu à la présidence de cette assemblée, il décline aussitôt cet honneur. Pour un certain nombre de députés libéraux, à commencer par Mirabeau, il apparaît comme un parfait monarque de substitution au cas où Louis XVI refuserait de cautionner les mesures adoptées par la Constituante. Le 14 juillet, un complot ourdi dans l'entourage du tribun d'Aix a sans doute pour but de le faire nommer lieutenant-général du royaume ou régent. Le prince se dérobe. Trois mois plus tard, on l'accuse d'avoir organisé la marche des femmes sur Versailles, le 5 octobre, dans l'espoir de s'emparer d'un pouvoir qu'il n'a jamais convoité. Lorsque la régence est envisagée après la fuite de Varennes, il annonce qu'il refuse cette charge. Élu député à la Convention après la chute de la monarchie, il siège parmi les députés de la Montagne, dont il devient aussitôt l'otage, ce qui le conduit à voter la mort du roi, son cousin. Son fils aîné (le futur roi Louis-Philippe) ayant suivi Dumouriez dans les rangs autrichiens, il est arrêté pour complot contre la sûreté intérieure de l'État et guillotiné.