Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

État-providence, (suite)

Le tournant de la seconde moitié du xxe siècle.

• À partir de la Seconde Guerre mondiale, progrès social, justice, solidarité, servent d'emblèmes aux démocraties libérales : dès 1942, les Britanniques adoptent le plan Beveridge qui crée le Welfare State, modèle de sécurité sociale qui inspirera les autres pays d'Europe. En France, le Conseil national de la Résistance (CNR) prépare un « plan complet de sécurité sociale », synthèse entre droits sociaux et droits politiques. Alexandre Parodi, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, en reprend les propositions pour rédiger l'ordonnance du 4 octobre 1945 qui crée la Sécurité sociale : le système par répartition s'impose contre la capitalisation ; les organismes privés sont écartés et la gestion est assurée par les syndicats. La solidarité nationale assure la sécurité et pallie les risques individuels ; elle substitue au salaire, fruit du travail de chacun, la notion de revenu, garanti par des transferts sociaux. À partir de 1958, le chômage est pris en charge par les Assedic (Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce), fédérées par une union nationale, l'Unedic. La garantie sociale est alors étendue à tous les acteurs économiques et assurée depuis 1967 par la gestion paritaire des caisses entre salariés et employeurs.

Mais la croissance du chômage après 1974 remet en cause l'équilibre financier de ces organismes. En outre, l'État-providence est critiqué par les marxistes, car il n'empêche pas les inégalités, et par les libéraux, aux yeux desquels il est une entrave à l'initiative individuelle. Cette conjoncture nouvelle a conduit à diverses tentatives de réforme au cours des décennies 1980-1990, même si l'État continue d'accroître ses interventions par des instruments tels que le revenu minimum d'insertion (RMI), instauré par le gouvernement Rocard en 1988 et conservé par ses successeurs. Confronté à la métamorphose du salariat, l'État-providence est en crise. Les différents projets de réforme notamment ceux concernant la Sécurité sociale et les retraites ont ainsi contribué à remettre en cause le « modèle social français ».

états généraux,

assemblées consultatives convoquées par le souverain pour obtenir le consentement de ses sujets.

Les origines de l'institution.

• Il est difficile de dater précisément la naissance des premiers états généraux du royaume de France ; il est vrai qu'à partir du début du XIVe siècle, le roi consulte plus fréquemment des représentants des clercs, des nobles et des villes, soit tous ensemble, soit séparément, par provinces ou principautés (on parlera alors d'états particuliers) ou par langues (états de « Languedoc » pour le Midi, états de « Languedoïl » pour le Nord). Dans leur forme moderne, les états naissent de l'élargissement du Conseil royal, provenant lui-même du droit féodal à demander conseil à ses vassaux. C'est pourquoi il est difficile de distinguer précisément les derniers Conseils élargis (tel celui du 10 avril 1302, dans le contexte du conflit qui oppose Philippe le Bel au pape Boniface VIII) des premiers états proprement dits (tels ceux d'août 1343, destinés notamment à pérenniser la gabelle sur le sel).

États généraux et fiscalité du royaume.

• Ce dialogue entre le prince et ses sujets est rendu nécessaire par les exigences financières sans cesse grandissantes de la monarchie. En effet, pour lever des impôts, le roi doit obtenir le consentement de ses sujets, en vertu du principe de droit romain selon lequel « ce qui intéresse tout le monde doit être approuvé par tout le monde ». Ainsi, l'histoire des assemblées représentatives est parallèle à celle de la fiscalité d'État, celle-ci étant liée aux exigences du financement de la guerre contre l'Angleterre. La crise politique et financière de 1356-1358 (qui s'ouvre avec la défaite de Jean le Bon à Poitiers et s'achève avec la révolte des Jacques et le mouvement parisien d'Étienne Marcel) assoit l'autorité des états, qui, en échange de leur consentement à l'impôt, mettent la monarchie sous contrôle. À partir de ces années, le déroulement des états obéit à un scénario presque immuable : le roi demande des subsides, les états finissent par les lui accorder en exprimant leurs doléances, le roi répondant quant à lui par une grande ordonnance de réformation du royaume. Selon la gravité de la situation et le rapport des forces, cette aspiration à la réforme est plus ou moins subversive. Ainsi, dans le contexte des luttes entre Armagnacs et Bourguignons, la réunion de l'assemblée de 1413 et la publication de l'ordonnance dite « cabochienne » prennent un tour dramatique, et se soldent par l'échec des propositions avancées par les états. Mais, par la suite, Charles VII obtient plus facilement le vote des levées d'impôts, comme à Tours, en 1434, où il manifeste également la cohésion du royaume autour de son souverain et use ainsi d'un mode efficace de propagande.

Une institution d'exception.

• Pourtant, Charles VII dès 1439, puis Louis XI se passent de plus en plus volontiers des états pour lever les impôts. Leur rôle financier ne se maintient que dans le cadre des provinces, contrairement à la situation de l'Angleterre, qui poursuit son évolution vers une monarchie contrôlée. De ce fait, les états généraux deviennent une institution d'exception. Leur réunion est dès lors motivée par la gravité de la situation politique : c'est le cas à Tours, en 1484, où Louis XI doit défendre la pragmatique sanction de Bourges et les libertés gallicanes. Mais c'est le cas également des sessions d'Orléans en 1560, et de Blois en 1576 et 1588, lorsque la crise religieuse se conjugue avec la détresse financière de la monarchie. Celle-ci parvient alors à utiliser les divisions partisanes des états pour en limiter l'autorité politique. Les représentants de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie n'arrivent à s'accorder que sur une seule chose : la nostalgie d'un âge d'or révolu. C'est pourquoi la convocation des états généraux ne provoque souvent, du XIVe au XVIe siècle, que des appels unanimes mais vains au retour « du temps du bon roi Saint Louis ». Il en est de même, à nouveau, en 1614, lorsqu'ils sont convoqués pour résoudre les problèmes posés par la mort d'Henri IV. La vieille noblesse d'épée y affronte la classe montante des officiers. Or, ces derniers contrôlent la nouvelle procédure de 1614 : des cahiers de doléances sont rédigés dans chaque paroisse et servent à composer ceux du bailliage, où sont élus les députés du tiers état. Lorsque Louis XVI se résout à convoquer les états généraux, il renoue avec une pratique politique presque oubliée, puisque entre 1614 et 1789, et malgré les pressions du clan nobiliaire lors de la Fronde, ils n'avaient jamais été réunis.