Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

deux cents familles (les), (suite)

Le nombre précis de « deux cents » désigne les deux cents principaux actionnaires de la Banque de France, qui, seuls, siègent à l'Assemblée générale. Par extension, il englobe les grands conseils d'administration, où se retrouvent souvent les mêmes noms. Et l'exemple de la Banque de France peut illustrer la mainmise de quelques-uns sur les rouages fondamentaux du pays. Sans doute peut-on débattre à propos de leur nombre exact, discuter de leur poids réel sur les choix politiques en invoquant les échecs du sidérurgiste François de Wendel, ou s'interroger sur le rôle des liens familiaux - par exemple, entre les Schneider, les de Wendel, les Citroën, les Mame, etc. Mais, tout comme d'autres slogans, celui des « deux cents familles » doit son importance à son utilisation politique au moins autant qu'à son fondement réel : il offre un moyen de rassembler la nation entière contre une poignée d'hommes, pour élargir des bases électorales, affronter une menace extérieure (l'Allemagne nazie), ou créer un unanimisme politique. Pour les communistes, il est plus simple à manier que le concept de lutte des classes, et plus conforme à leur désir de toucher les classes moyennes après 1934 ; les radicaux y retrouvent la défense des « petits » face aux « gros », tout en visant la Banque de France, qui a fait échouer le Cartel des gauches ; quant à l'extrême droite, elle y projette souvent ses fantasmes antisémites. Bien des facteurs expliquent donc le succès de ce slogan populiste dans la France en crise des années trente.

deuxième division blindée (2e

 DB), division créée en Afrique du Nord le 24 août 1943 et constituée d'éléments issus des forces françaises libres du Tchad, sous le nom de « deuxième division légère française libre ».

Rassemblée dès le mois de septembre à Temara, près de Rabat, au Maroc, elle compte 16 000 hommes et environ 4 500 véhicules. Équipée et inspectée par les Américains, la 2e DB s'entraîne au combat entre septembre 1943 et avril 1944, avant d'être transférée en Grande-Bretagne. Partie de Southampton le 29 juillet, elle est la seule division française qui débarque en Normandie, à Utah Beach, le 1er août 1944. Intégrée à la IIIe armée du général Patton, elle est cette grande unité blindée voulue par le général de Gaulle pour représenter la France, aux côtés des Alliés, dans les combats pour la libération du territoire. « La 2e DB, déclara-t-il le 7 avril 1944 à Temara, débarquera et sera engagée en France. Elle y vaincra puis elle portera le fer et le feu de l'autre côté du Rhin. » Sous les ordres du général Leclerc, la 2e DB prend part à la campagne de France : elle combat en Normandie, puis libère Paris - épisode mémorable entre tous -, poussant ensuite son avantage vers la Moselle (du 8 septembre au 31 octobre). Après la prise de Baccarat, le 31 octobre, elle participe aux combats pour la libération de Strasbourg (du 16 au 27 novembre), avant d'être engagée en Alsace et en Lorraine au cours des campagnes de l'hiver ; une partie de ses éléments participent ensuite à la réduction de la poche de Royan (du 14 au 18 avril). Dès le 22 avril, elle combat en Allemagne et occupe Berchtesgaden le 5 mai 1945. Elle est dissoute le 31 mars 1946 ; elle a perdu 4 987 hommes.

Dévolution (guerre de),

conflit entre la France et l'Espagne pour le contrôle d'une partie des Pays-Bas espagnols (1667-1668).

La première guerre menée par Louis XIV est d'abord une opération de prestige : le jeune roi cherche à remporter des victoires faciles. L'armée, réorganisée par Le Tellier et Turenne, ne demande qu'à servir. L'Espagne, en paix avec la France depuis 1659, apparaît comme une proie tentante : Charles II n'a que 4 ans lorsqu'il succède à Philippe IV, en 1665, et l'administration et l'armée sont alors en déclin. Il reste à trouver un prétexte. Un article du droit privé brabançon avantage, en cas d'héritage, les enfants du premier lit : c'est le droit de dévolution. La reine de France, Marie-Thérèse d'Autriche, fille née du premier mariage de Philippe IV, peut donc faire valoir ses prétentions sur les Pays-Bas espagnols - quoique ce droit ne s'applique pas au domaine public. La renonciation à son héritage moyennant 500 000 écus, stipulée dans son contrat de mariage, est caduque, car la dot n'a jamais été versée.

Fort de ce prétexte, Louis XIV revendique le Brabant, le Limbourg, une partie de la Flandre, de la Franche-Comté et du Luxembourg. Sans plus attendre, il entre en Flandre ; l'Espagne lui déclare la guerre le 14 juillet 1667. Accompagné de sa femme et de ses deux maîtresses, il met le siège devant Lille, qui tombe au bout de quinze jours, le 27 août. La Flandre est occupée, mais les maladies qui frappent l'armée et le harcèlement de francs-tireurs empêchent Turenne de s'emparer de Bruxelles. La campagne est interrompue dès la mi-septembre. Tout en négociant avec l'Autriche un partage des possessions espagnoles (traité secret du 19 janvier 1668), Louis XIV organise avec Condé une campagne d'hiver, saison où les armées sont d'ordinaire au repos. En février 1668, Condé entre en Franche-Comté : en vingt jours, Dole, Salins et Besançon tombent aux mains des Français.

Les Provinces-Unies, alliées de la France, s'inquiètent alors de la puissance nouvelle de Louis XIV. Avec l'Angleterre, qu'elles viennent pourtant de combattre, et la Suède, elles concluent à La Haye la Triple-Alliance défensive du 23 janvier 1668. Devant cette redistribution du jeu européen, Hugues de Lionne, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, partisan de la paix, et qui, depuis l'automne, propose à l'Espagne « l'alternative » (céder une partie de la Flandre ou bien de la Franche-Comté), l'emporte sur Turenne et Condé, favorables à la guerre. La paix est signée à Aix-la-Chapelle, le 2 mai 1668. La France gagne plusieurs places fortes, dont Lille, Douai et Tournai, ce qui laisse présager de futures avancées.

dévot (parti),

courant catholique politiquement influent sous le règne de Louis XIII.

Après les guerres de Religion s'affirme un renouveau de la piété catholique, dont témoigne l'Introduction à la vie dévote de François de Sales (1609). Les élites y sont sensibles : dans le salon de Mme Acarie, veuve d'un parlementaire ligueur et qui finira carmélite, se rencontrent clercs et laïcs férus de spiritualité. Pierre de Bérulle y fait figure de guide ; on y a le souci de bâtir une société chrétienne, dans l'esprit du concile de Trente, préoccupation qui conduit à des engagements politiques. La régence de Marie de Médicis, bien disposée à l'égard des dévots, souvent d'anciens ligueurs, leur permet de déployer leur zèle antiprotestant. En politique étrangère, ils poussent à un rapprochement avec l'Espagne, ennemie traditionnelle mais puissance catholique. Ils applaudissent au mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche, symbole de cette évolution, et au conflit engagé contre les réformés du Midi. L'entrée de Richelieu au Conseil (1624) leur agrée : le cardinal, protégé de la reine mère, a contribué, en tant qu'évêque de Luçon, au renouveau catholique. La même année, Michel de Marillac, issu d'une grande famille dévote, devient surintendant des Finances, avant d'être nommé garde des Sceaux en 1626.