Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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mai 1877 (crise du 16),

mémorable crise politique des débuts de la IIIe République, qui opposa le président de la République Mac-Mahon aux républicains et permit à ces derniers d'imposer leur interprétation des lois constitutionnelles de 1875.

Une situation propice à la crise naît de la victoire républicaine aux élections législatives de février 1876 : un président élu pour sept ans par l'Assemblée de 1871 et un Sénat conservateur se voient opposer une Chambre des députés à majorité républicaine issue du suffrage universel. Or, les lois constitutionnelles n'affirment pas clairement la prééminence de l'un ou l'autre des organes du gouvernement : le président de la République peut dissoudre la Chambre, mais les ministres sont responsables devant cette dernière. C'est la question religieuse qui crée véritablement les conditions d'un conflit ouvert. Plusieurs évêques publient des mandements invitant Mac-Mahon à s'engager en faveur du pape Pie IX. Le 4 mai 1877, Gambetta prononce à la Chambre le mot resté célèbre : « Le cléricalisme ? Voilà l'ennemi ! » Jules Simon, républicain modéré, nommé président du Conseil en remplacement de Dufaure le 13 décembre 1876, doit alors accepter le vote d'un ordre du jour qui invite le gouvernement à réprimer les manifestations ultramontaines. Le 12 mai, puis le 15, il s'incline à nouveau devant la Chambre au sujet de la publicité des séances des conseils municipaux et de l'abrogation des peines pour délits de presse. Le 16 mai, Mac-Mahon fait parvenir à Jules Simon une lettre dans laquelle il lui demande « s'il a conservé sur la Chambre l'influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues », ce qui entraîne la démission de celui-ci. Son remplacement par de Broglie manifeste clairement la volonté du président de ne pas s'incliner. La Chambre ayant voté un ordre du jour de défiance, Mac-Mahon la dissout le 25 juin avec l'accord du Sénat. Pendant l'été, Mac-Mahon et Gambetta s'affrontent par discours interposés, le chef de file républicain qualifiant le 16 mai de « coup d'État » et incitant Mac-Mahon à « se soumettre ou se démettre ».

Aux élections du 14 octobre, les républicains perdent 40 sièges sur les 363 qu'ils détenaient, mais restent majoritaires, malgré la pression administrative en faveur des candidats conservateurs. Le cabinet entend rester en place, mais le refus du Sénat de voter la confiance conduit de Broglie à démissionner. Après plusieurs tentatives pour nommer un ministère de son choix, Mac-Mahon cède : le 14 décembre, il rappelle le républicain Dufaure et, le 15, dans un message à la Chambre, il renonce à recourir de nouveau à la dissolution. Le régime prend définitivement une orientation parlementaire, renforcée par la démission de Mac-Mahon, le 30 janvier 1879, et par son remplacement par Jules Grévy, qui déclare immédiatement : « Je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale. »

mai 1958 (crise du 13),

journée insurrectionnelle des Français d'Alger qui favorise le retour du général de Gaulle au pouvoir et entraîne la chute de la IVe République.

Le coup de force d'Alger.

• Politiquement et moralement affaiblie par la détérioration de la situation en Algérie, la IVe République connaît une crise larvée depuis le printemps 1957. Après le bombardement par la France, le 8 février 1958, du village tunisien de Sakhiet-Sidi-Youssef, la crise devient gouvernementale : accusé de faiblesse devant les pressions américaines, le président du Conseil Félix Gaillard est renversé par le Parlement, le 15 avril. Faute de majorité stable, le président René Coty ne désigne son successeur que le 8 mai, le MRP Pierre Pflimlin, favorable à une reprise conditionnelle des négociations avec le FLN. Le débat d'investiture est fixé au 13 mai. Ce jour même, les pieds-noirs, fortement hostiles à Pierre Pflimlin, profitent d'une cérémonie d'hommage à trois militaires français exécutés par le FLN pour envahir les rues d'Alger. Il n'y a plus de véritable autorité civile en Algérie depuis le départ du ministre résidant Robert Lacoste ; quant à l'armée, elle souhaite en majorité l'avènement d'un régime fort en métropole. C'est donc sans réelle opposition que les manifestants, emmenés par Pierre Lagaillarde, s'emparent du siège du Gouvernement général. Un comité de salut public dirigé par le général Massu se met en place : il réclame la formation d'un gouvernement de salut public. À Paris, par un réflexe de défense républicaine, une majorité de députés accordent leurs suffrages à Pierre Pflimlin.

L'appel à de Gaulle.

• Mais, à Alger, les milieux gaullistes, prépondérants au sein des comités de salut public qui se multiplient, s'efforcent de capter le bénéfice de la crise au profit du général de Gaulle, seul capable, à leurs yeux, de sauver l'Algérie française. Le 15 mai, une étape décisive est franchie quand, sur les conseils de Léon Delbecque, le général Salan, pourtant investi des pleins pouvoirs civils et militaires, lance un appel à de Gaulle. Ce dernier, qui n'est plus intervenu publiquement depuis 1955, n'a jamais désavoué ceux qui, à Alger ou à Paris, militent en faveur de son retour. Sans avoir fait connaître précisément ses intentions sur l'Algérie, il désapprouve les institutions de la IVe République. Convaincu que seule une grave crise lui permettra de s'imposer aux parlementaires, il souhaite néanmoins respecter la légalité. Ainsi, il annonce « qu'il est prêt à assumer les pouvoirs de la République » (15 mai), et précise ensuite qu'il n'a pas « l'intention de commencer une carrière de dictateur à 67 ans » (19 mai). Alors que les comités de salut public préparent un débarquement militaire en métropole - le déploiement en Corse, le 24 mai, de parachutistes venus d'Alger doit être suivi du plan « résurrection » -, une partie de la classe politique engage des tractations avec le général de Gaulle.

La fin de la IV• e République.

Le 27 mai, ce dernier déclare « qu'il a entamé le processus régulier nécessaire à l'établissement d'un gouvernement républicain ». Le lendemain, Pierre Pflimlin démissionne, et les dirigeants de la gauche organisent une manifestation pour la défense de la République. Le président Coty fait alors appel « au plus illustre des Français », qui forme un gouvernement de large union auquel participent Guy Mollet et Pierre Pflimlin. Malgré l'opposition des communistes et d'une partie des socialistes et des radicaux, de Gaulle est investi par les députés le 1er juin. Son gouvernement reçoit les pouvoirs spéciaux en Algérie, les pleins pouvoirs pour six mois et la mission de réformer la Constitution.