Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

républicain (parti ou mouvement). (suite)

De nouveaux équilibres tendent à s'établir. Certes, les hommes de 1848 (Edgar Quinet, Louis Blanc) demeurent influents et n'abandonnent pas leurs perspectives, c'est-à-dire un « gouvernement direct du peuple » nourri par un républicanisme sentimental sinon messianique. Mais s'imposent de plus en plus les républicains formés au comtisme, au culte de la science. Juristes, ils réprouvent la violence et le despotisme, au profit d'une conquête progressive des esprits. Adeptes d'un pouvoir spirituel qui nourrisse la « morale républicaine », à l'instar d'Auguste Comte, ou simplement rationalistes, tel Jules Ferry, ils veulent rompre avec toutes les entraves à la liberté individuelle, qu'imposent l'Église comme le gouvernement autoritaire. Leur république est une démocratie libérale qui repose sur la promotion sociale individuelle plus que sur l'émancipation collective. Jules Ferry, Paul Bert et Léon Gambetta en sont les principaux « commis voyageurs ». Ils tendent à marginaliser ceux qui prétendent imposer des mutations révolutionnaires et l'organisation d'un mouvement populaire, voire ouvrier (Charles Delescluze).

La défaite de Sedan et la chute de l'Empire, en septembre 1870, offrent aux républicains une divine surprise. Certes, les émeutes populaires permettent la proclamation, le 4 septembre, de la république, mais c'est la dernière fois que les républicains prennent appui sur une tentative révolutionnaire pour mettre en œuvre leur projet. Ils gardent leur attachement au suffrage universel, mais, instruits des limites de la formation politique du pays, il leur faut d'abord éviter tout césarisme, construire le régime des libertés, puis « républicaniser les esprits », c'est-à-dire bâtir dans la durée une république nouvelle. Le refus d'apporter un appui explicite à l'insurrection communale de 1871, tout en condamnant la dureté de la répression menée par les versaillais, donne aux nouveaux dirigeants républicains un autre visage : il lève tout soupçon insurrectionnel, condamne implicitement la Terreur, même si, selon le mot célèbre de Clemenceau, « la Révolution française est un bloc ». Au total, au nom de la démocratie politique et des libertés publiques, monarchistes modérés et républicains peuvent se retrouver pour fonder une république de raison qui, dans le même mouvement, entraîne la revendication ouvrière dans une forme d'exil intérieur.

Dans la seconde partie des années 1870, de surcroît, le contexte historique a changé : la république, d'abord politiquement incertaine sur ses bases, s'enracine après le remplacement, à la présidence de la République, du monarchiste Mac-Mahon par Jules Grévy, en 1879. Désormais, les républicains, déjà majoritaires à la Chambre et au Sénat, sont également maîtres du pouvoir exécutif : de « Marianne au combat », on est alors passé à « Marianne au pouvoir » (Maurice Agulhon).

Républicains indépendants,

à l'origine, groupe parlementaire de 36 députés constitué en décembre 1962.

Ce n'est pas un hasard si cette appellation reprend celle du groupe modéré que présidait Paul Reynaud à l'Assemblée constituante de 1946. Alors que les Républicains indépendants de 1946 sont devenus l'une des composantes du Centre national des indépendants et paysans (CNIP), parti de la droite libérale, ceux de 1962 en sont les dissidents. Ils refusent la politique d'opposition au gaullisme préconisée par le CNIP après son échec aux élections de novembre 1962. Le 3 juin 1966, le groupe devient parti, sous le nom de Fédération nationale des républicains indépendants (FNRI), présidée par Valéry Giscard d'Estaing ; celui-ci résume par le célèbre « oui, mais » l'attitude de sa formation, qui entend demeurer dans la majorité tout en sauvegardant son indépendance ; c'est le refus de « marier la carpe et le lapin », dit encore Michel Poniatowski, chargé de l'organisation du parti entre 1969 et 1974. L'histoire de la FNRI se confond alors avec la carrière de Valéry Giscard d'Estaing. Paradoxalement, c'est lorsque celui-ci est élu président de la République, en 1974, que les Républicains indépendants connaissent de nouvelles difficultés. Le courant giscardien dépasse en effet très largement leur représentation parlementaire (55 sièges en 1973), et ils n'ont d'autre solution que de se fondre dans d'autres formations comme le Parti républicain, créé en mai 1977, puis l'Union pour la démocratie française (UDF), créée le 1er février 1978.

république

La définition la plus simple de la république, c'est de n'être pas la monarchie.

Dans un royaume ou un empire, le chef de l'État est désigné par hérédité au sein d'une famille ; en république, il est un citoyen choisi parmi les autres citoyens. C'est aussi par là que la république se distingue, quoique moins nettement, de la dictature : un dictateur, même issu du peuple, n'arrive pas toujours au pouvoir par élection, et le quitte rarement de son plein gré. Aussi tenons-nous aujourd'hui la république comme exclusive de la dictature tout autant que de la monarchie, et le simple fait de cette exclusion implicite atteste que nous lions la république aux idées, réputées bonnes, de libéralisme et de respect du droit. Car la république n'est pas seulement un système constitutionnel, elle est aussi un idéal. La bonne idée que la république et les républicains ont d'eux-mêmes peut s'étayer d'une tradition culturelle ancienne, celle qui, venue d'Athènes et de Rome, mettait au sommet des vertus le dévouement du citoyen à la chose publique (res publica, en latin), donc le goût de la politique et le respect de ses institutions. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, « républicain » était déjà un mot connu, nom ou adjectif, pour désigner non pas nécessairement celui qui voulait chasser les rois, mais celui qui avait un idéal de bonne et lucide citoyenneté. En outre, à partir de 1776, cette admiration philosophique pour les républiques de jadis avait été relayée par celle qu'inspirait, à peine moins exotique, la république d'un pays neuf, celle de Benjamin Franklin et de George Washington. Bien des Français des années 1780 qui n'envisageaient pas - ou pas encore - de chasser Louis XVI étaient « républicains » par admiration pour cette expérience civique en terre vierge.