Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Villers-Cotterêts (ordonnance de), (suite)

Toutes ces dispositions, notamment la tenue des registres paroissiaux, n'entreront que lentement dans les faits. Mais, par son ampleur, l'ordonnance de Villers-Cotterêts marque une étape décisive dans l'unification de la France ainsi que dans les progrès de la culture de l'écrit et d'une mémoire de l'État fondée sur la constitution et le contrôle d'archives.

vin.

La France produit et exporte du vin depuis le Ier siècle.

L'histoire de ses vignobles exportateurs et de leurs grands crus a été bien étudiée, et l'on n'ignore rien de la manière dont les conjonctures commerciales les ont tour à tour favorisés. En revanche, l'histoire des vins paysans, consommés par leurs producteurs, est si mal connue qu'on a pu nier qu'il en ait existé avant la fin du XIXe siècle. On a travaillé sur les cépages et sur les techniques vinicoles, mais on découvre à peine l'histoire des manières de boire dans les différentes régions d'Europe, des fonctions du vin à différentes époques, des changements du goût et de ce qui les explique.

Les débuts du vignoble français

Les Gaulois mangeaient du raisin, mais ils ignoraient l'art viticole. Grands buveurs néanmoins, ils ne se contentaient pas de leur cervoise mais étaient friands des vins que leur apportaient les marchands italiens. Ce sont les Romains qui, après avoir conquis la Gaule, y ont installé la viticulture. Et, dès le Ier siècle, les vins gaulois s'exportaient en Italie. Nonobstant l'évolution des goûts et de la géographie viticole, le pays qui devait devenir la France n'a pas cessé depuis lors de produire et d'exporter des vins réputés.

En 92, dans l'espoir d'éliminer cette concurrence, l'empereur Domitien a ordonné l'arrachage de la moitié des vignes des provinces gauloises. En vain : au cours du IIe siècle, significativement, le tonneau celtique s'est substitué aux amphores grecques et romaines. Tournés surtout vers l'exportation à destination des régions du Nord, les grands crus gaulois sont alors installés aux frontières septentrionales de la Narbonnaise : à Gaillac, d'une part, dont le vignoble précède dans le temps celui de Bordeaux ; autour de Vienne, d'autre part. Celse et Pline l'Ancien ont vanté le cépage produisant les vins viennois, l'allobrogicum, que les Allobroges ont vraisemblablement trouvé à l'état sauvage dans les forêts rhodaniennes, mis en culture, puis amélioré. Il était sans doute proche de la syrah, qui donne aux grands vins de Côte-Rôtie et de L'Hermitage leur caractéristique parfum de violette, et de la mondeuse noire (ou grosse syrah), cépage traditionnel des bons rouges de Savoie. Quant au biturica, ancêtre du groupe des carmenets (qui comprend le cabernet, le cabernet-sauvignon, le merlot, le petit verdot, le carmenère et le sauvignon), ce serait un plant épirote adapté au climat bordelais par les Bituriges Vivisques.

Au IIIe siècle se sont constitués les vignobles de la Côte-d'Or et du Rhin. Puis, après qu'en 276 l'empereur Probus a abrogé l'édit de Domitien, toutes les régions à l'ouest de l'axe Rhône-Rhin se sont à leur tour lancées dans la viticulture. Au IVe siècle, les vins de Lutèce séduisent déjà l'empereur Julien.

Le commerce et la religion

À cette implantation des vignobles, il y a dès l'origine deux moteurs : le commerce et la religion. C'est tantôt l'un qui domine et tantôt l'autre : le commerce, dès avant la conquête romaine puisque les vins romains et leurs marchands précèdent largement les légions en Gaule ; et il impose de nouveau sa logique à partir des Xe et XIe siècles. Mais, entre-temps, l'influence de la religion est prédominante.

Le christianisme a besoin de vin pour son rituel. La christianisation s'est donc accompagnée - du sud au nord de la Gaule - d'un développement de la viticulture. C'était d'autant plus inévitable que le négoce, aux temps barbares (Ve-Xe siècle), était réduit à sa plus simple expression. On planta donc des vignes dans toute la Chrétienté, ou du moins bien au-delà des limites climatiques actuelles. Peu importait que le vin ne fût pas bon, pourvu que ce fût du vin. Car aucune autre boisson, alcoolisée ou non, n'a été admise en remplacement du jus de raisin fermenté - et cela explique sans doute que, dans les cultures européennes, le concept de vin soit tout à fait autre que celui de bière ou de cidre, alors que les Arabes ou les Chinois différencient moins les diverses boissons fermentées, et les distinguent souvent mal des alcools distillés.

Pendant le haut Moyen Âge, les moines ont beaucoup travaillé à l'expansion de la vigne et à la qualité du vin. Après le Xe siècle, ils continuent dans cette voie, pour les besoins rituels, mais surtout pour leur boisson quotidienne. Et comme ils ne consomment pas toute leur production, ils mettent sur le marché d'assez grandes quantités de bons vins.

Le commerce, qui n'avait jamais totalement disparu, s'est en effet développé à partir du XIe siècle, grâce à l'essor démographique et à la renaissance des villes. Les marchés nordiques - surtout ceux d'Angleterre et de Flandre - favorisent les vignobles les plus septentrionaux : non seulement les vins de l'Île-de-France, transportés par bateaux sur la Seine jusqu'à Rouen et, de là, expédiés en Angleterre ou dans les ports flamands, mais aussi les vins du Beauvaisis, du Soissonnais, de la région de Laon, qui s'exportent vers les Flandres par les rivières ou les routes terrestres.

Les crus en vogue

À cette époque, l'appellation « vins de France » désigne tous les vins du bassin de la Seine, au nord du pont de Sens, qui les sépare des « vins de Bourgogne », c'est-à-dire de la région d'Auxerre et de Chablis. Cette classification n'éclatera qu'au début du XVIIe siècle, les « vins de Champagne » en plein essor se distinguant désormais des « vins de Paris » en déclin. D'entre les vins de France, les meilleurs blancs étaient extraits du fromenteau - une sorte de pinot gris - et les meilleurs rouges du morillon, dont une rue de Paris conserve la mémoire.

À partir du XIIe siècle, les marchands anglais et flamands cherchent à diversifier leurs sources d'approvisionnement pour atténuer les brusques variations de récolte et de prix. Comme ils fréquentent le Poitou - et particulièrement le port en eau profonde de La Rochelle - pour s'approvisionner en sel, un vignoble est créé dans cette région, qui, en quelques années, concurrence les vignobles français. Puis, les ports poitevins ayant été conquis par le roi de France (1224), les Anglais se tournent dès 1225 vers les vins gascons, qu'ils vont chercher à Bordeaux. Ces vignobles atlantiques ne doivent pas faire oublier les vins de Beaune - appréciés à la cour d'Avignon mais aussi en Flandre, en particulier sous la dynastie bourguignonne -, les vins d'Orléans - alors fameux entre tous les vins de Loire -, ni celui de Saint-Pourçain - vin bourbonnais chéri de la cour pontificale.