Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Action catholique,

ensemble des mouvements catholiques qui, au XXe siècle, visent à relancer l'apostolat, notamment laïc, et à influer sur l'organisation de la société par le biais d'une pensée et d'actions cohérentes inspirées de l'Évangile.

L'action catholique, somme de mouvements riches par leur diversité plus qu'organisation structurée, naît dès la fin du XIXe siècle d'une volonté et d'une prise de conscience. Volonté, en premier lieu, de peser, au moyen d'une doctrine chrétienne, sur les débats contemporains ; l'heure est opportune : l'encyclique Rerum novarum (1891) a doté l'Église d'une doctrine sociale, et le pontife lui-même a prôné l'acceptation du régime républicain. Prise de conscience, ensuite, de la déchristianisation des masses, phénomène connu pour la classe ouvrière mais qui gagne aussi le monde des campagnes. En 1886 est créée l'Action catholique de la jeunesse française (ACJF), qui, malgré son recrutement aristocratique et bourgeois, veille à promouvoir parmi ses cadres des représentants ouvriers et paysans. À l'extrême fin du siècle, le Sillon de Marc Sangnier s'essaie à concilier catholicisme et démocratie. Sa condamnation par Pie X, qui l'accuse dès 1910 de se faire le fourrier du socialisme, témoigne déjà des ambiguïtés propres à tous les mouvements d'Action catholique, partagés entre l'apostolat et l'engagement politique, entre l'autonomie des laïcs et la soumission à l'autorité de l'Église.

L'entre-deux-guerres donne lieu à une floraison de mouvements : la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), fondée en 1924 en Belgique par l'abbé Cardijn, essaime en France dès 1926. Sur son modèle se créent bientôt la Jeunesse agricole chrétienne (JAC), la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et la Jeunesse indépendante chrétienne (JIC). Se développe aussi l'Action catholique des adultes, qui deviendra le Mouvement populaire des familles, puis le Mouvement de libération ouvrière, avant qu'un rappel à l'ordre de la hiérarchie ecclésiastique n'aboutisse à une refonte du mouvement, qui se transformera en Action catholique ouvrière. À cette époque se définissent les méthodes d'action tandis que les organisations se structurent.

Les années cinquante, après l'épreuve de la guerre et l'engagement de nombreux mouvements dans la Résistance, sont une période de développement. L'épiscopat, qui a fait de la France un pays de mission, lance l'expérience des prêtres-ouvriers, avant de se raviser brutalement, apeuré par le poids croissant de la politique dans l'action. Cette politisation n'épargne pas les mouvements laïcs, qui connaissent, autour des grands débats de l'heure, tels ceux suscités par la guerre d'Algérie, troubles et scissions, sanctionnés par une reprise en main de l'autorité ecclésiale.

Malgré ces vicissitudes, l'Action catholique intervient dans la vie de la nation : si elle échoue à pénétrer profondément le monde ouvrier, déjà structuré, elle joue un rôle important dans l'organisation des syndicalismes agricole et étudiant. Au-delà du seul devenir des mouvements, elle contribue à la formation intellectuelle d'une partie des élites de la France des années soixante-dix.

Action française (l'),

mouvement (né en 1899), revue (créée la même année), ligue (fondée en 1905) et quotidien (1908-1944) nationalistes.

École de pensée contre-révolutionnaire, l'Action française a exercé une forte emprise sur la société française pendant près d'un demi-siècle.

Une école réactionnaire, nationaliste et antirépublicaine.

• Née à la suite de l'humiliation de Fachoda (1898) et en pleine crise de l'affaire Dreyfus (1894-1906), l'Action française apparaît comme une réponse de quelques jeunes nationalistes exaspérés par l'évolution du régime parlementaire et par les critiques qui s'élèvent, dans le camp dreyfusard, contre l'armée et la magistrature. Le ciment qui unit ses fondateurs - Maurice Pujo, Henri Vaugeois et Charles Maurras - associe deux éléments : le rejet de l'« anarchie » individualiste héritée de la Révolution française, d'une part ; une volonté de reconstruire la France à partir de nouvelles bases en tenant compte des intérêts du « pays réel », d'autre part. Ainsi prend corps la nécessité du retour à la « Mon-Archie », conçue par Maurras comme une « contre-révolution spontanée ». Celle-ci doit permettre l'expulsion des « quatre États confédérés : juifs, protestants, francs-maçons et métèques » que la République, régime de l'étranger, a laissé s'établir sur le territoire national.

La revue l'Action française est fondée le 10 juillet 1899 ; la Ligue naît le 15 janvier 1905, l'Institut d'Action française le 14 février 1906. Ce dernier entend, par l'enseignement, procéder à la « régénération » de l'esprit public et « nationaliser » l'idée de royauté. L'indispensable propagande est assurée par le journal, devenu quotidien le 21 mars 1908, que vendent les « camelots du roy » (16 octobre 1908), également responsables du service d'ordre dans les meetings. D'autres personnalités rejoignent alors le mouvement : le tribun et écrivain Léon Daudet, fils d'Alphonse Daudet, l'historien Jacques Bainville, l'historien d'art Louis Dimier, Léon de Montesquiou, qui sera fauché par la Grande Guerre en 1915.

Les étapes d'une histoire.

• Pendant quelque quarante ans, la Ligue combat ses adversaires républicains. Ses incessantes polémiques lui attirent d'abord les sympathies des catholiques, hardiment défendus lors de la querelle des Inventaires au début du siècle, puis celles des patriotes, que la situation internationale et les pronostics alarmistes de Daudet (l'Avant-guerre, 1913) inquiètent, et que séduisent les vues antirépublicaines développées par Maurras. Dès le début de la Grande Guerre, le patriotisme l'emporte : l'intérêt national exige l'« union sacrée ». L'Action française s'y rallie donc aussitôt ; elle va même jusqu'à soutenir en 1917 son adversaire Clemenceau, parce que celui-ci révèle, face à la crise, des qualités de chef.

L'hostilité au « mauvais traité » de Versailles vaut à la Ligue un grand prestige. Mais, en 1924, la victoire du Cartel des gauches marque une nouvelle étape : la Ligue est concurrencée par la Fédération nationale catholique (créée en 1924), tandis que l'avertissement puis la condamnation du quotidien nationaliste par le pape Pie XI en décembre 1926 la privent de la part la plus importante de sa clientèle. Dans les années trente, les dirigeants de l'Action française affrontent de nouveaux problèmes, que ni les pâles solutions corporatistes ni les projets d'« union latine » ne sont en mesure de résoudre. Le déclin est amorcé, malgré le maintien des effectifs (entre 30 000 et 60 000 membres) et du tirage du quotidien (variant de 40 000 à 90 000 exemplaires, selon les époques). La Seconde Guerre mondiale va précipiter ce déclin, en dépit d'un retour de faveur sous le gouvernement de Vichy. Le soutien apporté à la « révolution nationale », qui peut être l'occasion de restaurer un État « national », et la défense de la « seule France » y afférente dissimulent mal, sous l'apparence de la traditionnelle rhétorique antiallemande, une complicité de fait avec l'occupant. L'engagement dans la Résistance de nombreux militants en rupture de ban avec leurs dirigeants constitue, cependant, une réalité trop souvent minimisée par les historiens.