Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

surréalisme. (suite)

Au-delà des querelles politiques, l'esprit de chapelle que dénonce Michel Leiris - le poète n'hésite pas à évoquer l'« abominable intellectualité surréaliste » - fait fuir des artistes qui explorent des voies différentes de celles choisies par Breton, vite considéré comme le « pape du surréalisme » : ainsi, Georges Bataille s'interroge sur la puissance de la jouissance et de l'érotisme, Artaud se livre à une exploration psychique vertigineuse, et Raymond Queneau axe ses recherches sur la complexité de la langue.

Au sein même du groupe, les écarts sur le sens du travail artistique sont également remarquables : c'est ainsi que, par exemple, s'oppose la production picturale raisonnée de René Magritte à celle, bouillonnante, d'André Masson. De même, il n'y a guère de similitudes entre les artistes, tel Dalí, qui n'ont pas renoncé à une figuration minutieuse - même s'il s'agit d'objets fantasmatiques - et les artistes qui, tel Miró, empruntent la voie de l'abstraction.

Pourtant, malgré ses divergences, le mouvement surréaliste exerce entre les deux guerres une profonde influence, perceptible dans sa forte capacité d'attraction. Au-delà de la poésie et de la peinture, le surréalisme a touché le cinéma (Buñuel), la photographie (Man Ray) et la sculpture (Jean Arp). Marginal dans les années 1920, il arrive à consécration dès les années 1930, notamment grâce à l'Exposition internationale de 1937. Au lendemain de la Libération, il influence d'autres familles artistiques telles que les peintres abstraits américains, et prend place parmi les chapitres les plus marquants de l'art contemporain.

surveillance (comités révolutionnaires

ou comités de), groupes de révolutionnaires exerçant des pouvoirs de police politique.

En confiant, le 11 août 1792, la police de « sûreté générale » aux municipalités, l'Assemblée législative encourage la création spontanée de « comités de surveillance ». Avec la crise de février-mars 1793, ces comités se multiplient, souvent de façon désordonnée. Soucieuse de leur donner une assise légale et de les contrôler, la Convention décrète, le 21 mars 1793, la formation d'un comité de surveillance par commune (ou par section de commune, dans les villes de plus de 25 000 habitants). Composés de douze membres élus, ces comités sont chargés de recenser les étrangers. Leur organisation est, en fait, chaotique : certains outrepassent leurs attributions, d'autres inclinent au fédéralisme. La loi des suspects (17 septembre 1793) et la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) relative au Gouvernement révolutionnaire tentent de définir strictement leurs pouvoirs. Investis de l'application des « lois révolutionnaires et des mesures de sûreté générale et de salut public » - c'est-à-dire l'établissement des listes de suspects et, éventuellement, les arrestations, et le contrôle des certificats de civisme -, les comités de surveillance doivent rendre des comptes décadaires à leur district. Les présidents et secrétaires sont renouvelés tous les quinze jours, et les membres, bientôt nommés.

Rouages essentiels du gouvernement de l'an II, ces comités fonctionnent de façon variable et certaines communes n'en ont même pas. Après le 9 Thermidor, ils deviennent un symbole de la Terreur : caricatures et comédies en font des assemblées d'ivrognes illettrés et sanguinaires. Le 7 fructidor an II (24 août 1794), la Convention réduit leur nombre à un par chef-lieu de district (sauf pour les villes de plus de 8 000 habitants) et à douze pour l'ensemble de la capitale (un pour quatre sections parisiennes). Cette mesure permet l'épuration du personnel. Toutefois, les comités conservent le droit de lancer des mandats d'arrêt, mais ils doivent procéder aux interrogatoires dans les vingt-quatre heures et informer le Comité de sûreté générale dans les trois jours des motifs de l'arrestation. Le 1er ventôse an III (19 février 1795), on limite encore leur nombre (un comité par ville de plus de 50 000 habitants) et, en prairial (juin 1795), la Convention leur interdit la dénomination de « révolutionnaires ».

L'institution des comités de surveillance précéda largement la Terreur ; nombre d'entre eux commirent des excès, bien d'autres se contentèrent, selon l'expression du conventionnel Robert Lindet, « d'affermir la tranquillité publique ».

suspects (loi des),

sous la Révolution, loi qui organise la répression pendant la Terreur.

Elle est votée le 17 septembre 1793 par la Convention, mais elle s'inscrit en fait dans une continuité législative. En effet, très tôt, la crainte du « complot aristocratique » conduit les révolutionnaires à se méfier des opposants et à vouloir les contrôler, voire les exclure de la communauté. La notion de « suspect » apparaît pour la première fois dans un texte législatif en 1791. Après le 10 août 1792, l'usage du mot se répand pour désigner l'« ennemi de l'intérieur ». Parallèlement, une justice d'exception est peu à peu mise en place, marquée par la création d'un tribunal extraordinaire et par l'adoption de mesures répressives contre les prêtres réfractaires, en 1792, puis par l'instauration du Tribunal révolutionnaire, en mars 1793. En outre, le 21 mars 1793, la Convention décrète la formation d'un comité de surveillance (ou comité révolutionnaire) par commune (ou par section de commune, dans les plus grandes villes), ces organismes étant chargés de rechercher et d'arrêter les suspects. Enfin, le 5 septembre 1793, à la suite de manifestations populaires, la Convention met la Terreur « à l'ordre du jour » et décrète « l'arrestation des suspects », mesure vivement réclamée par les sans-culottes pendant l'été.

La loi du 17 septembre, présentée au nom du Comité de législation par le juriste Merlin de Douai, organise l'application de cette décision de principe. Elle réaffirme l'ordre d'arrêter tous les suspects, et donne de ceux-ci une définition légale très large : par « suspects », on entend les « partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté », ceux à qui a été refusé un certificat de civisme, les fonctionnaires publics suspendus ou destitués, les émigrés et leurs parents s'ils n'ont pas « constamment manifesté leur attachement à la Révolution ». En outre, les comités révolutionnaires, qui sont chargés de leur arrestation, doivent eux-mêmes en dresser la liste.