Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

Henri IV (suite)

Entre paix et guerre

Toutefois, c'est surtout la paix qui rend compte du succès de la reconstruction du royaume ; un succès sans doute relatif, qui cache un mécontentement larvé des élites urbaines contre la fiscalité ou des gentilshommes contre les clauses d'un édit de 1600 exigeant l'authentification de la noblesse sur trois générations. Un succès qui s'explique également par la dynamique de la propagande henricienne, qui est poursuivie. Celle-ci exalte dans le roi l'être divin sans lequel le royaume retournerait au chaos. Mise en forme dans l'atelier du graveur Jean Leclerc, elle diffuse l'effigie du souverain en Hercule, Apollon, Mars, Auguste, ainsi que l'image des événements majeurs concernant la famille d'« Henry, race des Dieux, le plus puissant des Roys ». La politique henricienne est donc un art de montrer le roi en majesté et de répandre son image de « dieu terrien », façonnant un nouvel âge d'or.

Et c'est peut-être dans ce cadre idéologique qu'il faut replacer la politique étrangère d'un souverain qui se veut l'expression de la raison universelle et se pense comme le modérateur de l'équilibre européen face à l'Espagne : dans cette optique, l'espace français est renforcé à l'occasion de la guerre contre la Savoie, à l'issue de laquelle sont annexés la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex (1601). En outre, Henri IV joue un rôle d'intermédiaire dans les négociations qui conduisent le duc de Savoie à reconnaître l'indépendance de Genève (1603). Par l'alliance de Hall de février 1610, il se fait le soutien des princes d'Empire face à la maison d'Autriche, tandis que les relations avec l'Angleterre et les Provinces-Unies sont suivies, afin de contrer l'hégémonisme espagnol. Il est encore le prince de la médiation entre le pape et Venise... Mais la fragilité de ce « repositionnement » de la France comme puissance européenne éclate dès 1609, à l'occasion de la succession des duchés de Clèves et de Juliers, occupés sur ordre de l'empereur par l'archiduc Léopold, au détriment de deux prétendants protestants soutenus par la France. Cette « affaire » révèle que le principe d'équilibre européen passe par un abaissement des Habsbourg. Henri IV, poussé par Sully, qui y a peut-être vu le moyen de réaliser un problématique « grand dessein », fait le choix de la guerre : il est prévu que le roi prenne la tête de l'armée le 19 mai, après la cérémonie de couronnement de Marie de Médicis à Paris.

De sa mort à ses vies posthumes

Dans une capitale décorée de représentations de l'éternité de la dynastie qui a accédé avec lui au trône de France, Henri IV est assassiné le 14 mai 1610 par François Ravaillac, un catholique illuminé dont le geste est une ultime reviviscence de l'imaginaire des ligueurs. Mais cette mort est comme le révélateur de la puissance même de l'idéologie d'une royauté de la Raison, puisqu'elle n'entraîne pas le retour de la guerre civile. Bien au contraire, elle contribue à la pérennité de cette idéologie, dans la mesure où elle favorise immédiatement, à travers la production massive d'oraisons funèbres, l'essor d'une légende privilégiant les images d'un roi pacificateur et magnanime, clément et brave, ami du peuple et dispensateur de la « poule au pot ».

Cette légende évoluera au cours des siècles, comme si l'ambiguïté même du « bon roi Henri » permettait toutes les identifications. Au temps de Marie de Médicis, les dévots en font l'un des leurs, tandis que, sous le règne de Louis XIV, il est la figure de l'« honnête homme », et que, sous la Régence, il devient libertin. Sous la plume de Voltaire, Henri le Grand est décrit comme le vainqueur contre l'intolérance, le héros de la liberté de conscience face aux fanatismes, le prince attendri par les malheurs de son peuple, un despote éclairé avant la lettre. On le perçut aussi comme un précurseur des doctrines physiocratiques.

Historiquement, son règne apparaît comme l'âge d'or perdu qu'il faudrait retrouver. Au XIXe siècle, la légende henricienne est d'abord utilisée à l'occasion de la restauration bourbonienne, avant de se stabiliser dans une image populaire du Vert-Galant restaurateur de la France, une image de bravoure, de bonté et de paillardise... Cette disponibilité des imaginaires à authentifier dans la figure du Béarnais un idéal politique, moral ou national demeure encore aujourd'hui.

Henriot (Philippe),

journaliste, homme politique et principal propagandiste du régime de Vichy (Reims 1889 - Paris 1944).

Philippe Henriot arrive à Vichy en 1940, après avoir suivi un parcours traditionnel. Issu de la droite catholique, professeur dans l'enseignement privé, puis viticulteur, militant de la Fédération nationale catholique du général de Castelnau, il est élu député conservateur en 1932 puis en 1936. Devenu fortement hostile au régime républicain, il exprime son antisémitisme et son nationalisme avec violence dans la presse d'extrême droite, de Gringoire à Je suis partout.

Au lendemain de la défaite, il met son éloquence au service de la Révolution nationale du maréchal Pétain. Son anticommunisme viscéral l'amène à se rapprocher très tôt des ultras de la Collaboration et à fréquenter les milieux allemands à Paris. Ses causeries à Radio-Vichy, à partir de 1942, et son adhésion à la Milice lui valent d'être nommé secrétaire d'État à l'Information et à la Propagande en janvier 1944, dans un gouvernement ultra-radical. Il consacre alors toute son énergie et ses deux éditoriaux radiophoniques quotidiens à la lutte contre la Résistance, s'en prenant aux « ennemis de la France », Anglo-Saxons, juifs, communistes, gaullistes.

Figure emblématique du régime à un moment où la propagande de masse et les nouveaux moyens de communication sont au cœur de la lutte, Henriot est une cible toute désignée pour la Résistance, qui l'abat le 28 juin 1944. Le régime lui organise des obsèques nationales.

héraldique.

Science historique, l'héraldique a pour objet l'étude des armoiries.

Emblèmes composés de figures et de couleurs dont l'agencement sur un écu ou un blason obéit à des règles spécifiques de codification, celles-ci s'apparentent à une sorte de carte d'identité. Apparues en Europe occidentale dans le courant du XIIe siècle, au moment où s'affirme l'émergence d'une conscience individuelle, elles deviennent une marque de distinction sociale progressivement étendue à l'ensemble de la classe chevaleresque, puis à celle de la petite et moyenne noblesse. Dès la première moitié du XIIIe siècle, elles sont adoptées par les communautés civiles (villes, corps de métiers, juridictions...) ou ecclésiastiques (abbayes, ordres religieux...). Elles prennent alors un caractère héréditaire nettement plus marqué. À la fin du XVe siècle, leur nombre se chiffre par milliers. Sous l'Ancien Régime, le port des armoiries est si répandu dans le royaume qu'un recensement est décidé en 1696 sous la forme d'un « Armorial général », destiné à servir de base d'imposition.