Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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tribunaux. (suite)

Le système judiciaire contemporain.

• Après les expériences révolutionnaires, le système judiciaire se simplifie et se modernise. Le principe de la séparation des pouvoirs et celui de l'inamovibilité des juges l'emportent désormais.

Trois types de juridictions voient le jour : créés en 1800, 361 tribunaux de première instance (d'arrondissement) demeurent quasiment inchangés jusqu'en 1919 ; 27 cours d'appel (plus celle de Chambéry, après 1860) reçoivent en 1856 la compétence sur les appels de tout leur ressort ; enfin, les cours d'assises sont instaurées en 1810 pour juger sans appel les affaires criminelles les plus importantes dans un département. En 1808, le Code d'instruction criminelle redéfinit un arsenal de condamnations plus « modernes », incluant la peine capitale, qui ne sera abolie qu'en 1981. Les tribunaux pour enfants complètent le système, en 1912. Puis deux réformes, en 1927 et en 1958, affinent l'organisation de l'ensemble.

Aujourd'hui, on distingue les juridictions de l'ordre administratif et les juridictions de l'ordre judiciaire, civiles et pénales ; le tribunal des conflits peut être saisi pour arbitrer les conflits de compétence entre ces deux ordres. Ainsi, les 33 tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'État (qui fait office de juge de premier ressort, d'appel ou de cassation, selon les cas) connaissent des litiges qui surgissent entre l'État ou l'administration et les particuliers.

Concernant la justice civile, on trouve, au premier degré, une seule juridiction de droit commun : le tribunal de grande instance, qui a son siège au chef-lieu de chaque département et de certains arrondissements. Tous les autres tribunaux - dit « d'exception » - ont des compétences expressément définies par la loi : parmi ceux-ci, on compte les 473 tribunaux d'instance, mais aussi des juridictions plus spécialisées. Ainsi, l'essor industriel et tertiaire a contribué à la naissance des conseils de prud'hommes, qui s'occupent des conflits individuels entre les salariés et leurs employeurs. Les tribunaux de commerce, qui connaissent des litiges nés à l'occasion des relations commerciales, se révèlent très actifs, en temps de crise économique, pour statuer en matière de « procédures collectives » (faillites). Les tribunaux paritaires des baux ruraux sont saisis des litiges entre propriétaires et exploitants agricoles locataires, et le tribunal des affaires de sécurité sociale du contentieux lié aux cotisations et prestations de sécurité sociale. Au civil, l'appel est une voie de recours de droit commun permettant un nouvel examen d'une affaire par une juridiction supérieure, la cour d'appel.

En matière pénale, on distingue les contraventions, les délits et les crimes. Les premières sont passibles d'une peine d'amende et sont jugées par le tribunal de police. Les délits sont du ressort des 191 tribunaux correctionnels, qui peuvent prononcer des peines d'amende, d'emprisonnement (d'une durée inférieure à dix ans) ou de travaux d'intérêt général. Quant aux crimes - meurtres, assassinats, viols, incestes, hold-up, etc. –, ils relèvent des 102 cours d'assises, où siègent neuf jurés aux côtés de trois magistrats (le président et ses deux assesseurs). Pour les délits, un appel peut être interjeté devant la chambre des appels correctionnels de l'une des 35 cours d'appel, mais les jugements sanctionnant les crimes ne sont pas susceptibles d'appel puisqu'ils sont rendus par un jury populaire, censé représenter la nation. Toutefois, une <a href=»http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_sur_la_pr%C3%A9somption_d%27innocence» title=»Loi sur la présomption d'innocence»>loi de juin 2000</a> instaure que la cour d'assises peut aussi connaître des appels formés contre les arrêts d'une autre cour d'assises ayant statué en premier ressort. Au niveau supérieur, enfin, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, siégeant à Paris, reçoit d'éventuels pourvois et statue, non pas sur le fond, mais en vue de vérifier si les règles de droit ont été bien appliquées par les cours d'appel pour un délit et par les cours d'assises pour un crime. Si elle casse la décision de ces juridictions, l'affaire est alors renvoyée devant une autre cour d'appel ou d'assises.

Un besoin impérieux de réforme de la carte judiciaire s'est manifesté, à la suite de grands déséquilibres régionaux qui ont surgi dans le traitement de certains contentieux. Cependant, pour conserver les prérogatives judiciaires et les emplois, certains élus de petites villes refusent la disparition d'instances trop peu chargées, tandis que d'autres tribunaux se trouvent engorgés. Sont donc apparus, en matière civile, les « audiences foraines » (tribunaux ambulants) et le principe du juge unique (institué notamment pour les affaires familiales) pour répondre à un souci d'efficacité face au nombre croissant d'affaires soumises à la justice. Le Conseil constitutionnel a cependant condamné l'extension de ces pratiques au criminel. En fait, l'adaptation des tribunaux à la société d'aujourd'hui se veut plus que jamais pragmatique.

tricoteuses,

surnom donné aux femmes révolutionnaires, dont l'apparition et le sens soulèvent plusieurs interrogations historiques.

On croit aujourd'hui qu'il désignait pendant la Révolution les femmes du peuple qui auraient tricoté dans les assemblées ou devant la guillotine, et on lui associe donc une image de férocité sanguinaire. Or, le terme n'apparaît qu'en 1795, dans le discours « modéré », où il est d'ailleurs très peu fréquent, nettement moins que l'expression « habituées des tribunes ». De plus, il n'est alors jamais employé pour évoquer l'assiduité aux exécutions (on préfère parler des « furies de guillotine »), mais en référence à l'action politique des militantes, à leur présence active dans les tribunes de la Convention ou des clubs - où aucun témoignage n'indique qu'elles y auraient tricoté, pas plus que devant la guillotine. En revanche, « tricoteuses » semble avoir été une injure (rare) au XVIIIe siècle. Pourquoi alors ce qualificatif, peu usité, a-t-il éclipsé les autres, plus expressifs ? Caractériser par une fonction domestique (le tricot), la femme qui fait acte politique souligne la déviance de celle qui franchit la barrière entre privé (féminin) et public (masculin), et l'anormalité de sa présence dans l'espace politique. Déviance qui est censée déboucher sur la férocité : une fois franchi le seuil de leur maison, les femmes deviendraient des monstres. Au XIXe siècle, l'imaginaire et la littérature (en particulier Dickens dans Tale of two Cities) ont ainsi fait passer les tricoteuses des tribunes publiques au pied de l'échafaud, et les ont érigées en symbole de la violence, révolutionnaire, féminine, populaire.