Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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référendum, (suite)

La Constitution qui lui succède, celle du Directoire, en l'an III (1795), restreint le champ d'application du référendum (lequel n'est toujours pas mentionné). Elle ne prévoit de recourir à cette votation que dans le cas d'une révision constitutionnelle, au terme d'une procédure longue et compliquée, qui ne sera, au reste, jamais mise en œuvre. Sous les différents régimes napoléoniens, la consultation directe du peuple n'est également envisagée qu'en matière constitutionnelle, pour approuver de nouvelles institutions : celles du Consulat (1799), du consulat à vie (1802), de l'Empire (1804), et enfin l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire (1815). En outre, Napoléon Bonaparte personnalise le procédé : alors que les libertés publiques sont bâillonnées, il utilise le vote populaire pour faire ratifier sa prise de pouvoir. Le plébiscite se distingue donc du référendum car il a pour but d'assurer un triomphe personnel et une légitimation du césarisme. Un demi-siècle plus tard - après deux régimes monarchiques (la Restauration et la monarchie de Juillet) et une République (la deuxième), qui ne font aucune place au référendum -, le Second Empire exploitera à son tour cette pratique en faisant appel au peuple pour abolir la Constitution de 1848, restaurer l'Empire, puis adopter l'« Empire libéral » (plébiscites de 1851, de 1852, et de 1870).

Après la chute du Second Empire (1870), la IIIe République, régie par les lois constitutionnelles de 1875, ne prévoit pas de procédure référendaire. Le vote du peuple est alors exclusivement sollicité pour désigner des représentants. Les pratiques plébiscitaires du Premier et du Second Empires ont en effet discrédité - pour longtemps - toute autre consultation directe, et, de ce fait, seul le régime représentatif est jugé compatible avec l'orthodoxie républicaine.

Consécration de la procédure référendaire.

• À la Libération, le général de Gaulle et le Gouvernement provisoire (GPRF) qu'il préside décident de recourir au référendum pour résoudre le problème des institutions : en effet, tous les actes du régime de Vichy ayant été déclarés nuls, on aurait pu revenir au statu quo ante, c'est-à-dire à la IIIe République, et procéder à des élections législatives dans le cadre des lois constitutionnelles de 1875. Mais le général de Gaulle ne souhaite pas « revenir aux errements d'hier » ; il ne veut pas davantage d'une Assemblée constituante dont les pouvoirs ne seraient pas délimités, à un moment où, notamment, le Parti communiste gagne en influence. Ainsi, par le référendum du 21 octobre 1945, deux questions sont posées aux électeurs : « Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ? Si le corps électoral a répondu « oui » à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu'à la mise en vigueur de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet de loi ci-contre ? ». En répondant majoritairement « oui » aux deux questions (respectivement, 96,4 % et 66,3 % des suffrages exprimés), les Français repoussent le retour aux institutions de la IIIe République et acceptent la limitation des pouvoirs de l'Assemblée constituante. Cette première sollicitation de l'avis du peuple depuis l'ère napoléonienne (à laquelle participent, pour la première fois, les femmes) est suivie par une série de nouvelles consultations. Alors que, depuis le 20 janvier 1946, de Gaulle a quitté le pouvoir pour marquer son désaccord avec les orientations des constituants, le 5 mai 1946, l'électorat rejette le projet de Constitution du 19 avril. En revanche, le 13 octobre suivant, il accepte, sans enthousiasme (36 % de « oui », 31,2 % de « non », 31,2 % d'abstention), un deuxième projet, qui devient ainsi la Constitution de la IVe République. Celle-ci fait une place modeste et classique au référendum en le cantonnant au domaine constitutionnel (article 3) ; les conditions de recours à cette procédure sont, en outre, étroitement limitées (article 90).

Les référendums sous la V• e République.

De retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle veut restaurer l'autorité de l'État en donnant au président de la République des pouvoirs importants - notamment celui de recourir au référendum -, afin de lui permettre de jouer son rôle d'arbitre au-dessus des partis. Pour cela, la consultation du peuple devient un outil de gouvernement destiné à répondre à la gravité de certaines situations.

Selon l'article 3 de la Constitution de 1958, « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Par ailleurs, le champ d'application du référendum est notablement élargi. La pratique référendaire n'est pas réservée seulement à l'approbation d'une révision constitutionnelle (article 89) ou d'engagements internationaux (article 53). Elle peut s'appliquer également à certaines matières législatives : « Tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d'un accord de souveraineté ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui [...] aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » (article 11).

Plusieurs référendums d'autodétermination locaux sont organisés : à Wallis-et-Futuna (27 décembre 1959), en Algérie (1er juillet 1962), à Djibouti (19 mars 1967 et 27 juin 1977) et aux Comores (8 février et 11 avril 1976). Tous les autres référendums (voir tableau ci-dessus) l'ont été en vertu de l'article 11, qui, contrairement à l'article 89, n'implique ni proposition initiale ni vote du Parlement avant l'approbation populaire. En outre, à chaque fois qu'il recourt à un référendum de portée nationale, le général de Gaulle remet son mandat en jeu ; ce qui autorise ses détracteurs à dénoncer un détournement « plébiscitaire » de la pratique référendaire. En effet, il utilise cette procédure, à la fois, pour rendre irréversible une mesure politique qu'il juge essentielle et pour retremper sa propre légitimité. Ainsi, après la victoire du « non » au référendum du 27 avril 1969, il cesse immédiatement d'exercer ses fonctions.