Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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socialisme. (suite)

La guerre entraîne des bouleversements importants pour le socialisme. Elle montre la faiblesse de l'internationalisme. Après l'assassinat de Jaurès, le 31 août 1914, la grande majorité des socialistes se rallie à l'« union sacrée » ; trois socialistes - dont Jules Guesde - participent aux premiers gouvernements de guerre. Néanmoins, une opposition pacifiste relève peu à peu la tête. La révolution russe de 1917 va changer le rapport des forces. La SFIO quitte le gouvernement en septembre 1917. En 1919, les socialistes se trouvent devant le choix d'adhérer ou non à la IIIe Internationale, créée par Lénine. Au congrès de Tours (décembre 1920), les partisans de l'adhésion sont majoritaires. La question fondamentale qui sépare les nouveaux communistes et les socialistes (Léon Blum comptant parmi ces derniers) est celle du rôle de la démocratie dans le socialisme : est-elle une fin inséparable du socialisme ou un moyen qui peut être sacrifié au nom de la révolution ? Le choix est essentiel mais il n'a pas, sur le moment, la clarté que lui confère le temps.

Les socialistes, en effet, ne veulent pas abandonner l'idée de révolution pour ne pas perdre leur légitimité de parti ouvrier. Les courants qui composent la SFIO dans l'entre-deux-guerres se déterminent d'abord par rapport à cet enjeu : une gauche marxiste, la « Bataille socialiste », qui cherche l'unité avec les communistes, s'individualise derrière Jean Zyromski ; un centre guesdiste, autour du secrétaire général Paul Faure, rejette le principe de la participation gouvernementale pour conserver l'identité socialiste ; une droite composite est tentée par l'accord avec les radicaux. Léon Blum, qui s'impose à la Chambre des députés comme la principale figure du groupe socialiste et dirige le journal le Populaire, tente d'ordonner le débat en proposant une distinction entre la « conquête du pouvoir » - quand les conditions sont réunies pour changer le régime de propriété - et l'« exercice du pouvoir » - qui permet des réformes mais non une transformation de la société. Le « soutien sans participation » des socialistes aux gouvernements radicaux du Cartel des gauches (1924-1925) ne satisfait ni la droite ni la gauche socialistes. La querelle de la participation finit par provoquer une crise. Les « néosocialistes », derrière Marcel Déat, remettent en cause la dualité « programme maximum » et « programme minimum », et proposent des réformes de structure par l'État national. En 1933, les « néos » quittent la SFIO pour fonder un parti qui ne put se développer.

La crise des années 1930 change les données. La menace fasciste ouvre la voie à un mouvement populaire d'ampleur. Le changement d'orientation de l'Internationale communiste permet un rapprochement entre socialistes et communistes. Le Front populaire est la première expérience d'exercice réel du pouvoir pour le socialisme, contribuant, par les réformes qu'il met en place, à la transformation durable de la société française. Mais les difficultés économiques entraînent des déceptions. Surtout, le danger de guerre montre les limites de l'antifascisme, et le pacifisme suscite de graves dissensions au sein de la SFIO. En 1936, Léon Blum déçoit de nombreux socialistes en optant pour la non-intervention en Espagne afin de ne pas s'aliéner l'alliance britannique, indispensable en cas de guerre. Après les accords de Munich (1938), l'opposition entre Léon Blum, qui défend l'effort de guerre contre les dictatures et accepte l'alliance avec l'URSS, et Paul Faure, qui refuse toute guerre par principe et nourrit une grande méfiance à l'égard du communisme, paralyse la SFIO. Ce conflit traverse tous les courants du parti. Seule une minorité de parlementaires, groupés autour de Léon Blum, refuse les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940. La SFIO, devenue clandestine, se reconstruit dans la Résistance, notamment sous l'impulsion de Daniel Mayer.

Une troisième force ?

• Espoirs et désillusions marquent les années de l'immédiat après-guerre pour les socialistes. Leurs idées influencent les réformes de la Libération. Ils jouent un rôle majeur dans les gouvernements du général de Gaulle (1944-1946) et du tripartisme (1946-1947). Mais les socialistes se trouvent aussi confrontés à la concurrence, à gauche, d'un Parti communiste qui est alors au sommet de son influence électorale et, au centre, d'un nouveau parti, le Mouvement républicain populaire (MRP). Les médiocres résultats électoraux des socialistes précipitent une crise identitaire. À Léon Blum et Daniel Mayer, qui veulent ouvrir le parti et donner clairement une définition humaniste du socialisme et faire de la SFIO un parti de gouvernement qui s'accepte comme tel, une majorité composite, animée par Guy Mollet, oppose l'identité traditionnelle du parti, défend le principe de la lutte des classes et l'unité d'action avec le Parti communiste. Le congrès d'août 1946 voit la victoire de Guy Mollet.

Mais la rupture du tripartisme en mai 1947, le contexte international de guerre froide et la montée en puissance du Rassemblement du peuple français (RPF) conduisent la SFIO à entrer dans des coalitions dites « de troisième force » (1947-1951). Elle vit un malaise permanent, prise entre une doctrine inchangée et les contraintes de politiques qui lui ôtent toute initiative réelle. Elle connaît un déclin électoral et militant. En 1954, le radical Pierre Mendès France, plus que le socialiste Guy Mollet, paraît incarner le renouveau de la gauche non communiste. La guerre d'Algérie accuse encore les divisions de la gauche. Privilégiant le contexte de la guerre froide dans sa perception du nationalisme algérien, une majorité de socialistes derrière Guy Mollet, chef du gouvernement du Front républicain en 1956 et 1957, acceptent les contraintes de ce qui devient la guerre d'Algérie. Une minorité met en accusation la politique menée en Algérie et dénonce l'usage de la torture. Mais c'est l'attitude conciliante de Guy Mollet à l'égard du retour au pouvoir du général de Gaulle après la crise de mai 1958 qui entraîne une scission à l'automne, avec le départ d'une minorité qui fonde le Parti socialiste autonome (PSA).