Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

invasions barbares (suite)

Au nord de la Gaule, sans doute, même si les textes sont moins explicites, un autre fœdus, convenu vers le milieu du Ve siècle, prépara l'avènement d'un autre royaume barbare : celui des Francs Saliens, de la lignée des Clodion, Mérovée, Childéric et Clovis. Comme on le sait, l'avenir leur appartenait.

Vers la fin du ve siècle, une Gaule barbare ou une Gaule romano-barbare ?

Quelle était donc la situation de la Gaule à l'époque où, le 4 septembre 476, le Barbare Odoacre, chef de l'armée de campagne d'Italie du Nord, déposa dans son palais de Ravenne l'empereur Romulus Augustule, sonnant ainsi, et pour longtemps, le glas de toute présence impériale en Occident ?

Le Midi, fortement peuplé et romanisé, était soumis à l'autorité de Barbares nettement minoritaires : les Wisigoths, maîtres de la vaste Aquitaine, du Languedoc et, pour un court laps de temps, de la Provence ; les Burgondes, maîtres d'un petit quart Sud-Est. Le Nord et le Nord-Est, où les structures héritées de Rome s'étaient fortement effritées, étaient tombés aux mains des Francs et des Alamans, partagés entre plusieurs royautés ou plus modestes chefferies, mais désormais tellement majoritaires qu'ils déterminèrent le déroulement, bien en deçà de l'ancien limes, d'une nouvelle frontière linguistique. L'Armorique, quant à elle, où commençaient d'affluer en masse des migrants originaires de (Grande-)Bretagne qui allaient y revitaliser les parlers celtiques, restait livrée à elle-même. Seul le cœur du Bassin de Paris, depuis la plaine picarde jusqu'au val de Loire, paraissait encore placé sous autorité romaine - en fait, sous celle du maître de la milice Syagrius, dont l'armée était largement composée d'éléments barbares. Celui-ci détenait-il une légitimité plus grande que les rois fédérés ? Ces derniers avaient conclu avec Rome des pactes en bonne et due forme et, au nord, ils dominaient numériquement ce qu'il restait de populations romaines, tandis qu'au sud ils parvenaient, malgré le petit nombre de leurs troupes, à obtenir le soutien d'une partie des élites autochtones.

Les principales difficultés que les uns et les autres rencontrèrent vinrent du fait religieux. Les rois et les peuples wisigoths et burgondes étaient majoritairement ariens, c'est-à-dire qu'ils s'étaient ralliés à une forme de christianisme qui rejetait l'éternité du Fils (c'est-à-dire sa divinité à part entière) et qui fut condamnée par le concile de Nicée (325) ; quant aux rois et aux peuples francs et alémaniques, ils adhéraient encore au polythéisme germanique. Les évêques de Gaule, qui depuis la déliquescence de l'Empire étaient devenus la principale force d'encadrement des cités, pouvaient-ils accepter sans broncher qu'eux-mêmes et leurs ouailles soient dominés par des hérétiques ou par des païens ? Ils entreprirent un patient travail de conversion des rois, qui réussit davantage auprès des païens qu'auprès des ariens : assurément, le ralliement à la foi chrétienne de Clovis, roi des Francs Saliens, fut la clé de ses succès à venir. Il lui assurait la bienveillance du corps épiscopal, détenteur privilégié de l'héritage de Rome.

Ainsi, nonobstant quelques épisodes de violence destructrice, les invasions barbares ne furent pas qu'expéditions brutales de peuples acharnés à faire tomber l'Empire, et il est clair que celui-ci joua à plusieurs reprises un rôle actif dans la distribution du peuplement barbare sur son propre territoire. Non seulement les Barbares installés en Gaule, et plus généralement en Occident, n'ont donc pas cherché à détruire l'héritage impérial, mais aussi, en adhérant au christianisme, ils en ont recueilli et transmis le principal legs culturel.

Investitures (querelle des),

conflit qui opposa, entre le milieu du XIe et le début du XIIe siècle, le pape aux souverains, en particulier à l'empereur, au sujet de l'investiture des évêques.

 

Depuis les IXe et Xe siècles, les souverains, soit en vertu du caractère sacré de leur pouvoir, soit parce qu'ils sont ou s'estiment être à l'origine des possessions de nombreux monastères et d'églises épiscopales, choisissent les abbés et les évêques, auxquels ils donnent l'investiture en leur remettant l'anneau et la crosse, c'est-à-dire les attributs de leur autorité temporelle et de leur fonction pastorale. Les rois et, surtout, l'empereur - lequel a concédé aux évêques de larges pouvoirs régaliens - trouvent en ces dignitaires ecclésiastiques des relais efficaces de leur autorité. Cependant, à partir du milieu du XIe siècle, dans le cadre de la réforme grégorienne, la papauté entend soustraire les clercs, et notamment les évêques, à toute tutelle laïque. Estimant que l'évêque ne peut tenir sa fonction pastorale que de l'Église, le pape Grégoire VII (1073/1085) condamne vigoureusement l'investiture laïque par les Dictatus papae en 1075, et entre immédiatement en conflit avec l'empereur. Pendant cinquante ans, papes et empereurs vont violemment s'opposer à grand renfort d'excommunications, de dépositions, d'élections de concurrents (antipapes ou antirois) ou de campagnes militaires.

En France, la lutte est beaucoup moins violente que dans d'autres royaumes européens. Dans le Midi, les réseaux monastiques des abbayes de Cluny et Saint-Victor propagent l'influence romaine, et les princes laïcs se montrent en général favorables à la papauté. Dans les États anglo-normands, le duc Guillaume bénéficie du soutien du Saint-Siège et continue de choisir les évêques (il réforme en effet le monachisme et restaure l'Église d'Angleterre depuis la conquête de 1066 en s'appuyant sur des clercs italiens). En revanche, le roi capétien, qui étend son influence au-delà de son propre domaine grâce aux investitures, se heurte à la conception pontificale. Déjà aux prises avec l'empereur, le pape se montre d'abord conciliant. Mais, à la fin du XIe siècle, les déboires matrimoniaux du roi Philippe Ier le conduisent à plus d'intransigeance.

Cependant, la nouvelle théorie des investitures promue par le canoniste Yves de Chartres (vers 1040-vers 1116) permet de résoudre le conflit : le chapitre cathédral élit l'évêque, que l'archevêque consacre en lui remettant la crosse et l'anneau (investiture spirituelle), tandis que le souverain peut faire connaître son candidat au chapitre, investit l'évêque de son temporel et reçoit de lui un serment de fidélité. Cette nouvelle théorie est aussi celle qui triomphe en 1122, au concordat de Worms, qui met un terme au conflit qui opposait papes et empereurs, en affaiblissant toutefois considérablement l'autorité impériale. La querelle des Investitures connaît donc une ampleur très différente selon les régions et contribue, en définitive, à l'essor de la papauté.