Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Robespierre (Maximilien Marie Isidore de), (suite)

Cette trop subtile balance l'a obligé à des dosages tout aussi subtils ; elle a donné une « souplesse » à ses discours, qui peut être entendue soit comme une adaptation après coup aux situations, soit comme une désignation symbolique des événements, soit enfin comme une pratique ordinaire d'avocat. On comprend dès lors que l'homme a suscité nombre de malentendus. Socialement, il revendique une position de porte-parole, appelant à une révolution permanente, en s'appuyant sur l'idée fondamentale qu'il convient toujours de trouver la légitimité dans le peuple. Cependant, au quotidien, cette position théorique revendiquée lui donne les moyens de contrôler fermement les voies d'accès au pouvoir à la Convention, puis elle finit par l'isoler complètement et par permettre à des manœuvriers de retourner contre lui ses propres principes.

Ces paradoxes et ces contradictions expliquent que ses contemporains n'aient pas toujours bien compris Robespierre et que ses biographes aient simplifié l'analyse du personnage, versant sans nuance dans l'éloge ou le dénigrement. Il n'a pourtant été ni un pur esprit rationalisateur, ni un manipulateur diabolique, ni un homme frustré appliquant maladroitement des principes mal compris, ni le maître absolu de la Révolution ; il aura été davantage un individu porté par une recherche sans faiblesse de nouvelles conditions de vivre en politique, osant proposer des notions inédites. Il est en tout cas impossible de le considérer comme porteur d'une vision totalitaire de la société, puisque sa quête de l'universel ne vise pas l'établissement d'un contrôle des relations entre les individus, mais exprime seulement la volonté d'élever à la dignité politique la part d'universel contenue en chacun. Reste qu'il a couvert de son autorité ou de son silence des violences extrêmes et qu'il n'a pas réussi à « fixer » la Révolution ; enfin, il a eu recours, lui aussi, aux exécutions d'adversaires ; si bien que les souvenirs laissés par la Révolution et les interprétations qui en ont découlé, ont retenu avant tout la violence de ses discours et les actes qui furent commis, sinon en son nom, du moins pendant sa vie publique, pour en faire le prototype des dictateurs paranoïaques du XXe siècle.

Rocard (Michel),

homme politique (Courbevoie, Hauts-de-Seine, 1930).

Fils du physicien Yves Rocard, Michel Rocard fait un brillant parcours : il est reçu à l'ENA en 1954, avant d'intégrer l'Inspection des finances en 1958. Mais ce jeune technocrate est aussi un militant représentatif de la génération de la guerre d'Algérie : alors qu'il a adhéré aux Étudiants socialistes dès l'âge de 19 ans, en désaccord avec la politique algérienne de Guy Mollet, il rompt avec la SFIO en 1958. En avril 1960, il participe à la création du Parti socialiste unifié (PSU), dont il assume la direction de 1967 à 1973. Proche de Pierre Mendès France, il est partisan d'un socialisme moderne et ne croit guère à la stratégie d'union de la gauche suivie par François Mitterrand dès 1965. En 1969, candidat du PSU à l'élection présidentielle, il obtient 3,66 % des voix, puis ravit à Maurice Couve de Murville, ancien Premier ministre, le siège de député des Yvelines. Peu à peu isolé au sein d'un PSU qui se radicalise, il participe à la campagne de François Mitterrand de 1974, avant de rejoindre le Parti socialiste. Il y incarne la « deuxième gauche », plus autogestionnaire et décentralisatrice qu'étatiste et jacobine, dénonce l'« archaïsme » de la direction après l'échec de la gauche aux législatives de mars 1978, et figure parmi les minoritaires lors du congrès de Metz (1979).

« Candidat à la candidature » en vue de l'élection présidentielle de 1981, il doit finalement s'effacer devant François Mitterrand, qui remporte la victoire. Successivement ministre du Plan (1981-1983) et de l'Agriculture (1983-1985), il démissionne du gouvernement Fabius le 4 avril 1985 pour protester contre l'adoption du scrutin proportionnel. Après avoir dû renoncer de nouveau à se présenter à l'élection présidentielle de 1988, il est nommé Premier ministre par François Mitterrand. Il règle alors le conflit néo-calédonien (signature des accords Matignon, ratifiés par référendum le 6 novembre 1988), instaure un revenu minimum d'insertion (RMI) et amorce une réforme du financement de la protection sociale (création de la CSG). Malgré des avancées dans les domaines de l'éducation nationale et de la politique de la ville (notamment par une solidarité financière entre les communes), il ne peut mener à bien tous les « chantiers » qu'il a engagés. En outre, l'« ouverture » dont il est partisan se limite au débauchage de quelques ministres centristes sans déboucher sur une nouvelle majorité parlementaire. « Remercié » en mai 1991, il doit quitter Matignon, mais soigne alors son image de présidentiable. Après la défaite des socialistes aux élections législatives de mars 1993 (lui-même étant battu dans les Yvelines), il remplace Laurent Fabius au poste de Premier secrétaire du PS. Toutefois, la déroute de la liste qu'il conduit aux élections européennes de juin 1994 (14,5 % des suffrages) met un terme à ses ambitions présidentielles : contesté dans ses propres rangs, il démissionne de la direction du PS (assumée temporairement par Henri Emmanuelli), et abandonne son mandat de maire de Conflans-Sainte-Honorine. S'il continue d'apporter une contribution active au débat politique national et européen, il doit laisser à Lionel Jospin le rôle de chef de file des socialistes. Le destin politique de Michel Rocard apparaît comme une victoire à la Pyrrhus : bien que son réalisme de gauche l'ait emporté dès 1982, il n'a pas été en mesure de s'imposer face à François Mitterrand, ni de lui succéder.

Rochambeau (Jean-Baptiste Do-natien de Vimeur, comte de),

maréchal de France (Vendôme 1725 - Thoré, Loir-et-Cher, 1807).

Issu d'une ancienne famille du Vendômois connue depuis 1378, Rochambeau se distingue durant la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748), à la bataille de Lawfeld (1747), puis se fait remarquer en 1760 à Clostercamp, pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Colonel, maréchal de camp en 1761, conseiller du comte de Saint-Germain en 1769, secrétaire d'État à la Guerre, il est nommé lieutenant général des armées du roi en 1780. En 1781, il s'illustre dans la guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique en contribuant à la capitulation de Yorktown. Devenu ensuite gouverneur de Picardie, il siège en 1788 à l'Assemblée des notables, où il vote pour le doublement de la représentation du Tiers aux États généraux. En 1791, son commandement du corps de troupes envoyé soutenir la cause des Insurgents lui vaut le bâton de maréchal de France. La même année, il est placé à la tête de l'armée du Nord, qu'il commande jusqu'en mai 1792. Son échec à Quiévrain et, surtout, sa naissance (il est cousin du roi) lui valent les cachots révolutionnaires. Libéré par Thermidor, il rédige ses Mémoires, publiés sous Louis-Philippe (1836-1838).