Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIII (suite)

Renforcer l'autorité royale à l'intérieur

Richelieu travaillait à affermir le pouvoir royal. Auprès du roi, il n'y eut plus de connétable après 1626. Ni d'amiral de France : ce fut le Cardinal qui, devenu grand maître de la navigation, lança une ambitieuse politique de défense des côtes, de présence sur mer et d'expansion outre-mer. Le démantèlement des forteresses à l'intérieur du royaume et l'édit de 1626 contre les duels furent perçus comme une volonté de soumettre la noblesse indocile et querelleuse. Louis XIII refusa son pardon à un duelliste impénitent, modèle de la jeunesse turbulente, François de Montmorency-Bouteville, qui fut décapité, malgré les prières de tous ses parents. Quant aux réformes, préconisées par le garde des Sceaux Michel de Marillac, par le biais d'une ordonnance qui est connue sous le nom de « Code Michau », elles restèrent en grande partie lettre morte : les préoccupations essentielles portaient désormais sur l'ordre à l'intérieur et la guerre à l'extérieur.

Louis XIII s'engageait, en effet, dans une action contre les protestants. La Rochelle était devenue la capitale du protestantisme français et la base de tous les soulèvements huguenots. La cité avait noué des liens étroits avec les Anglais, qui étaient inquiets de la volonté française de constituer une puissante marine. Une flotte anglaise, commandée par Buckingham, débarqua sur l'île de Ré en 1627, mais ne put s'y maintenir. Comme les Rochelais soutenaient l'opération anglaise, une armée royale vint assiéger leur ville. Louis XIII y assista en personne, mais ce fut Richelieu qui conduisit les opérations et qui ajouta au siège un blocus maritime total. La cité capitula le 27 octobre 1628. Le roi et son ministre y entrèrent quelques jours plus tard. Louis XIII accorda un pardon général, mais La Rochelle ne devait donc pas devenir « la république huguenote de l'Atlantique » (Yves-Marie Bercé). Cette campagne scella l'union entre le roi et son ministre. De nouveaux soulèvements éclatèrent en Languedoc, et il fallut y mener encore des campagnes. Finalement, le monarque signa en 1629 l'édit de grâce d'Alès, qui maintenait la tolérance religieuse établie par l'édit de Nantes mais mettait fin aux places de sûreté, donc à la puissance politique des protestants.

La « guerre couverte »

Parallèlement, la France était entraînée dans le conflit européen, à propos de la succession de Mantoue : Charles de Nevers, qui vivait en France, était l'héritier naturel de ce duché, et il s'en empara sans attendre l'investiture de l'empereur, son suzerain, qui ne le reconnut pas. L'Italie du Nord devenait le théâtre de l'affrontement entre les grandes puissances. Le roi d'Espagne décida d'assiéger la ville de Casale, dans le Montferrat, qui appartenait au duché et qui menaçait une route essentielle pour l'empire espagnol. Après la capitulation de La Rochelle, Louis XIII chercha à dégager la cité italienne assiégée. Les troupes françaises franchirent les Alpes, brisant toute résistance au pas de Suse (6 mars 1629), et ce combat, conduit par Louis XIII, établit pour la postérité la réputation militaire du roi. Mais rien n'était acquis, puisque les Impériaux arrivaient à leur tour. Une grande négociation s'engagea à Ratisbonne en 1630. Lorsqu'ils apprirent la prise de Mantoue par les Impériaux en juillet 1630, les envoyés français prirent peur et acceptèrent de signer un traité humiliant (13 octobre 1630), que Louis XIII, encouragé par Richelieu, refusa de ratifier. Au même moment, devant Casale, une trêve miraculeuse était obtenue entre Espagnols et Français, grâce à l'intervention d'un émissaire du pape, Jules Mazarin. En définitive, l'empereur, en reconnaissant Charles de Nevers comme duc de Mantoue, mettait fin à cet imbroglio italien et éloignait le spectre d'une guerre directe avec la France, au moment où il devait affronter le roi luthérien de Suède, Gustave-Adolphe, soutenu par la diplomatie et l'argent français.

Le choix décisif

Pendant ces événements dramatiques, Richelieu était apparu comme un partisan de la guerre contre les princes catholiques. Le 11 novembre 1630, la reine mère fomenta un complot contre son ancien protégé - agissant peut-être au nom du parti dévot ? - qu'inquiétait et effrayait sa politique. Ce « grand orage » fit espérer une disgrâce du Cardinal, qui se crut perdu. Ce fut Louis XIII qui trancha : l'épisode est connu sous le nom de « journée des Dupes ». Le roi signifia à Richelieu qu'il lui conservait sa confiance, fit arrêter et punir ses adversaires, dont le garde des Sceaux Marillac. Cela conduisit Marie de Médicis à un exil volontaire, dont elle ne revint jamais. Gaston avait, lui aussi, quitté le royaume. Toutefois, le choix royal ne désarma pas les ennemis de Richelieu, et la confiance durable accordée par Louis XIII à son ministre ne fut jamais totale et incontestable, tant le roi était jaloux de son pouvoir et de sa liberté de décision. Quant aux négociations menées avec le duc de Savoie après la crise en Italie du Nord, elles assurèrent à la France la forteresse de Pignerol, sur le versant piémontais des Alpes : c'était, selon la vision du temps, une « porte » pour pénétrer en Italie et y opérer militairement.

En effet, le maintien de Richelieu au pouvoir signifiait que la même politique de « guerre couverte », qui visait à intervenir indirectement en Europe, se prolongeait. Les succès suédois affaiblirent la situation de l'empereur et du camp catholique dans l'Empire. Pour avoir accès aux terres impériales, le roi de France, allié du roi de Suède, prenait possession, par étapes, de la Lorraine. Finalement, Louis XIII accorda sa protection à l'Électeur de Trèves, qui lui confia la garde de ses forteresses. Le monarque français dut aussi trouver des alliés : outre la Suède, il gagna en 1631 l'alliance du puissant duc de Bavière, catholique, et renouvela aussi en 1635 celle, traditionnelle, avec les Hollandais calvinistes des Provinces-Unies.

Cette marche à la guerre supposait des préparatifs militaires coûteux, et donc des impôts plus lourds et plus nombreux. Elle n'allait pas non plus sans résistances ; les opposants plaçaient alors leurs espoirs en Gaston d'Orléans. Entraîné dans cette conjuration, le maréchal de Montmorency, qui s'estimait mal récompensé par le roi et par Richelieu, souleva alors le Languedoc. Battu à Castelnaudary, il fut fait prisonnier, jugé, et condamné à mort : Louis XIII refusa d'accorder son pardon au révolté, qui fut décapité le 30 octobre 1632, en dépit de son appartenance à l'un des plus grands lignages du royaume.