Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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G

gabelle,

nom donné à l'origine à divers impôts indirects, puis qui désigne, à partir du XIVe siècle, l'impôt sur le sel et, par extension, l'administration qui le perçoit.

Sous l'Ancien Régime, le sel, moyen essentiel de conservation des aliments, est une denrée de première nécessité. La France en est un gros producteur, grâce aux marais salants de l'Atlantique et de la Méditerranée. Au XVIIe siècle, ses exportations, particulièrement vers les pays du nord de l'Europe, constituent à la fois un élément appréciable du commerce extérieur et un moyen de pression diplomatique. Il n'est donc pas étonnant que la monarchie ait voulu contrôler le commerce d'un produit « stratégique », et que, toujours à court d'argent, elle ait cherché à en faire une source de revenus. Ainsi, dès 1342, une ordonnance de Philippe VI instaure la gabelle, impôt sur le sel qui sera supprimé puis rétabli à plusieurs reprises, jusqu'à son institution définitive à la fin du siècle. Les greniers royaux, qui sont approvisionnés par des marchands, détiennent le monopole de la vente du sel, et les sujets, à l'exception des plus pauvres, sont obligés d'en acheter une quantité minimale. À partir de 1578, la vente du sel est affermée à plusieurs adjudicataires, puis, à partir de 1681, les greniers à sel sont confiés à la Ferme générale.

Comme toute la fiscalité d'Ancien Régime, la gabelle est extrêmement complexe. Une ordonnance de 1680 fixe enfin la législation et distingue six régions. Les pays de « grande gabelle », soit la majeure partie du royaume, supportent la taxation la plus forte, tandis que celle-ci est plus modérée dans les pays de « petite gabelle » (en gros, la vallée du Rhône, le Languedoc et le Roussillon), et encore plus faible dans les « pays de salines » (Franche-Comté, Lorraine, Alsace). Sont exemptés la Bretagne et certaines provinces frontalières, telles celles du Nord, ainsi que les « pays rédimés », qui ont racheté l'impôt (le Sud-Ouest et une partie de l'Auvergne). Enfin, un régime spécial dit « de quart bouillon » s'applique à certaines terres normandes. Au total, le prix du sel varie dans une proportion de 1 à 40.

Une telle diversité ne peut que conduire à la fraude, qui est largement pratiquée dans tous les milieux, y compris nobles et ecclésiastiques, malgré une répression très sévère à l'encontre des faux sauniers (contrebandiers). Généralement très lourde, la gabelle est particulièrement impopulaire et donne lieu à de nombreuses révoltes. Sont dénoncés, outre le prix excessif du sel, le temps perdu à aller s'approvisionner dans des greniers à sel en nombre insuffisant et mal gérés, la mauvaise volonté, la lenteur, les fraudes, voire la violence des gabelous. Enfin, la répartition de l'impôt est très injuste, et certains privilégiés bénéficient du « franc salé », qui permet d'obtenir le sel à un prix bien moindre. Attribut honni de l'Ancien Régime, la gabelle est abolie le 1er décembre 1790.

Gaillard (Félix),

homme politique (Paris 1919 - en mer, au large de Jersey, 1970).

Licencié en droit, diplômé de l'École libre des sciences politiques, Félix Gaillard est reçu, en 1943, à l'Inspection des finances, tout en participant à la Résistance aux côtés du délégué général du Comité français de libération nationale, Alexandre Parodi. En 1944, ce dernier le choisit comme chef de cabinet au ministère du Travail. Après une mission aux États-Unis aux côtés de Jean Monnet (1944-1946), Gaillard est élu député radical de Charente, puis appelé au sous-secrétariat d'État aux Affaires économiques (novembre 1947-juillet 1948). À partir de 1951, il est secrétaire d'État à la présidence du Conseil dans les ministères Pleven, Faure, Pinay et Mayer, et travaille notamment au développement de l'énergie atomique. Nommé ministre des Finances en juin 1957, il s'engage dans une politique d'assainissement financier qui conduit à réduire les crédits budgétaires et à augmenter les impôts. Au terme de la crise provoquée par la discussion de la loi-cadre de 1957 sur l'Algérie et par la démission du cabinet Bourgès-Maunoury, Félix Gaillard forme, en novembre, un gouvernement de « défense républicaine », qui ne résistera pas plus de cinq mois aux événements algériens. Président du Parti républicain radical et radical-socialiste de septembre 1958 à octobre 1961, et rallié au général de Gaulle dans un premier temps, Félix Gaillard rejoint l'opposition dès 1962, désapprouvant la manière dont s'exerce le pouvoir gaullien.

galériens,

en théorie, criminels de droit commun condamnés à ramer sur les galères du roi, qui sont basées à Marseille.

Ils en composent la chiourme, jusqu'à la réunion du corps des galères avec celui des vaisseaux en 1748, année à partir de laquelle les condamnés sont envoyés au bagne.

En réalité, tous les rameurs ne sont pas des criminels : figurent parmi eux des esclaves, essentiellement musulmans, barbaresques - appelés à tort « Turcs » - faits prisonniers par les navires du Très Chrétien, afin de punir leurs razzias provençales et languedociennes, lancées notamment à l'époque de la foire de Beaucaire. À ces pirates et corsaires des régences, Tripolitains, Tunisiens, Algériens, Saletins, s'ajoutent, jusqu'au règne de François Ier, des hommes libres, rameurs volontaires : les bonnevoglie. Ce n'est qu'à partir de 1544 que les délinquants sont envoyés aux galères, le roi exigeant de ses parlements qu'ils condamnent à cette peine plutôt qu'à la mort, afin de peupler les chiourmes levantines d'une main-d'œuvre gratuite, jeune, robuste et enchaînée - le plus souvent à vie - à son banc de souffrance et d'infamie, où l'effort déployé impose à chacun de consommer jusqu'à 10 litres d'eau par jour ! Colbert poursuivra cette politique, supprimant les bonnevoglie et ne conservant, à côté des condamnés, que des esclaves achetés - à Majorque, Gênes, Marseille, et surtout à Malte ou à Livourne, où Anton Paolo Franceschi, le plus riche des Corses, possède en permanence 400 esclaves régulièrement mis en vente sur le marché livournais dans les années 1685-1695. Au sein de cette chiourme cosmopolite aux crânes rasés, à la casaque rouge, figurent aussi des chrétiens orthodoxes, Grecs, Albanais, Russes, Polonais, achetés à Constantinople ; des Lorrains, des Savoyards, des Suisses, des Allemands, vendus par leur pays ; des Noirs, dont la couleur, inconnue des religieuses dunkerquoises, les stupéfie lorsqu'une galère de Louis XIV s'aventure au ponant ! Au milieu de ces esclaves, de ces auteurs de crimes de sang, de ces déserteurs, voleurs, faux-monnayeurs, faux sauniers et contrebandiers du tabac, quelques vagabonds, mendiants, « déviants sexuels », semblent égarés. Et que dire des 3 000 protestants condamnés à ramer, entre la révocation de l'édit de Nantes (1685) et la mort de Louis XIV (1715) ? Hommes de foi et du Désert, ils viennent grossir les rangs des 38 000 galériens qui arrivent à Marseille entre 1680 et 1715, à l'issue d'un éprouvant voyage - la « chaîne ».