Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Résistance. (suite)

Pourtant, peu à peu, ces initiatives se renforcent et les premières convergences apparaissent. On distingue souvent deux types d'organisations résistantes : les mouvements - organisations politiques clandestines qui entendent privilégier la diffusion de la propagande ou de la contre-propagande - et les réseaux, qui, très tôt, s'engagent dans une lutte de type paramilitaire (évasion, renseignement, voire sabotage). Toutefois, cette distinction, commode pour établir rétrospectivement des classifications, ne doit pas être systématisée, tant il est vrai que la plupart des grands mouvements disposaient de leurs propres réseaux.

En zone sud, Henri Frenay parvient à former une petite équipe (Bertie Albrecht, Robert Guédon, Claude Bourdet) qui diffuse un périodique, les Petites Ailes (qui, en août 1941, deviennent Vérités). Au même moment, des professeurs de droit de Lyon, de Clermont-Ferrand et de Montpellier, comme François de Menthon ou Pierre-Henri Teitgen, anciennement engagés dans des organisations démocrates-chrétiennes, diffusent le périodique Liberté. À la fin de 1941, les groupes de Frenay et de de Menthon s'unissent pour former le réseau Combat. À l'été 1941, à Clermont-Ferrand, Emmanuel d'Astier de La Vigerie fonde Libération-Sud, qui reçoit les ralliements des époux Aubrac, de Robert Lacoste ou de Jean Cavaillès. Le plus tard venu des grands mouvements de zone sud est Franc-Tireur, formé à Lyon, au début de 1942, par des résistants aux origines politiques très diverses (Élie Péju, Jean-Pierre Lévy, Marc Bloch).

En zone nord, cinq principaux mouvements de résistance se distinguent. L'Organisation civile et militaire (OCM) est constituée au début de 1941 par la convergence d'initiatives d'officiers (les colonels Heurteaux et Touny) et d'anciens adhérents de la Confédération des travailleurs intellectuels (Maxime Blocq-Mascart). Libération-Nord, fondé par le syndicaliste Christian Pineau, regroupe de nombreux anciens militants de la SFIO ou de la CGT et diffuse Libération. Ceux de la Résistance (CDLR) de Lecompte-Boinet et Ceux de la Libération (CDLL) de Médéric associent diffusion de la propagande et formation de groupes de sabotage. Enfin, les communistes forment, en mai 1941, le Front national. Initialement destiné à fédérer l'ensemble des oppositions à Vichy, le Front national devient, après l'entrée en guerre de l'URSS, le principal vecteur de la résistance politique du PCF. Sur le modèle des fronts antifascistes d'avant-guerre, il affiche un pluralisme officiel (Georges Bidault, Louis Marin ou Mgr Chevrot en furent membres), même si tous les postes de responsabilité sont sous le contrôle des communistes (en particulier de Villon). Le Front national présente, en outre, l'originalité de multiplier les sections à la fois géographiques et corporatistes : il y a les Fronts des avocats, des paysans, des médecins et même des cinéastes et des architectes. Dans la mesure où chaque section diffuse ses périodiques, le Front national se retrouve, dès 1942, à la tête d'une imposante presse clandestine forte de plusieurs dizaines de titres.

Il est impossible de mentionner ici l'ensemble des réseaux de résistance (plus de 260 sont répertoriés) qui agissent en France durant la guerre. Observons que les réseaux, qui constituent la cheville ouvrière de la Résistance, en sont également la face la plus mal connue. Une grande partie d'entre eux sont rattachés aux services spéciaux alliés. L'un des premiers réseaux agissant en France, le réseau « Famille », est formé par des officiers polonais travaillant pour le compte des Britanniques. Ces derniers, précisément, sont particulièrement actifs en France. Dès juillet 1940, Churchill crée un service spécialement chargé des missions clandestines en Europe occupée, le Special Operations Service (SOE), dont la branche française est dirigée par le colonel Buckmaster ; le SOE contrôle, en France, nombre de réseaux, dont le fameux réseau « Alliance ». La France libre, qui voit d'un fort mauvais œil ce qu'elle considère comme une mise sous tutelle britannique de la Résistance, s'efforce également de développer ses propres réseaux. Le colonel Passy, responsable des services secrets de la France libre (le BCRA), et ses agents parviennent ainsi à constituer une efficace toile d'araignée dont la Confrérie Notre-Dame est la branche la plus active. En 1943, de vastes « centrales » sont constituées, qui coordonnent et rendent plus efficace l'action de plusieurs réseaux. Les Américains, tard venus dans la guerre secrète en Europe, contrôlent également certains réseaux en France (« Hi-Hi », « Ho-Ho »...).

À l'origine, l'activité des réseaux est fort modeste : il s'agit de constituer des filières d'évasion pour les aviateurs britanniques ou pour les personnalités de la Résistance qui doivent (re)gagner Londres. Il faut ainsi organiser d'épuisantes filières qui traversent la France, les Pyrénées et l'Espagne pour aboutir au Portugal et à Gibraltar. La collecte des renseignements militaires constitue l'autre activité principale des réseaux. Les Alliés, bien avant le débarquement, sont friands de renseignements sur les mouvements des troupes allemandes en France. On connaît le fameux exemple de l'ingénieur Stosskopf, du réseau Alliance, qui parvient à ravir aux Allemands les plans de la base sous-marine de Lorient. Le problème principal que rencontrent les réseaux est celui de la transmission des informations. L'acheminement par les Pyrénées, aléatoire et dangereux, est aussi peu efficace car très long ; il y a donc de fortes chances pour que les informations soient périmées lorsqu'elles parviennent à Londres. Les émissions radio présentent également d'importants inconvénients : elles sont fort dangereuses (tout « pianiste » émettant en continu plus de dix minutes a de fortes chances d'être repéré par les voitures « gonio » des Allemands), et n'autorisent la transmission ou la réception que de brefs messages, en aucun cas de textes très longs et, encore moins, de plans. La seule solution passe par des opérations d'atterrissages-décollages en France par petits avions Lysander. Il faut pour cela sélectionner des terrains, recruter et former des équipes de réception, missions dans lesquelles se spécialisent certains réseaux.