Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

réfractaires (prêtres),

sous la Révolution, prêtres ayant refusé de prêter le serment de fidélité à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution, imposé par la Constitution civile du clergé.

L'Assemblée nationale adopte la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790, qui fait des clercs de véritables fonctionnaires. Mais sa mise en application tarde, ce qui complique la vente des anciens biens du clergé, devenus « biens nationaux ». Pour éclaircir la situation, l'Assemblée met le clergé de France à l'épreuve : initialement, le serment était prévu uniquement pour les nouveaux ecclésiastiques élus, mais la loi du 24 juillet l'étend à tous les fonctionnaires en exercice ; puis, le 27 novembre 1790, un décret exige la prestation du serment sous huit jours, sous peine d'être considéré comme démissionnaire. Prêter serment de « maintenir de tout leur pouvoir la Constitution » revient ainsi, pour les prêtres, à accepter une nouvelle organisation de l'Église, que condamne la majorité du haut clergé (puis le pape, en mars-avril 1791). L'intransigeance de l'Assemblée conduit à un schisme d'une ampleur imprévue : il n'y a que sept évêques, dont Talleyrand, qui acceptent le serment ; un tiers seulement des ecclésiastiques députés de l'Assemblée jurent fidélité. Pour l'ensemble de la France, 45 à 48 % des ecclésiastiques sont réfractaires. Il faut cependant noter de fortes variations régionales : l'ouest de la France, le sud du Massif central, le Pays basque, le Roussillon, l'Alsace, le Nord et le Pas-de-Calais sont fortement réfractaires ; parallèlement, les « jureurs » (appelés aussi « prêtres assermentés » ou « constitutionnels ») sont majoritaires dans le Bassin parisien et le Sud-Est.

Ni l'âge, ni l'origine sociale ou géographique, ni le revenu, ni la formation, n'expliquent les raisons du choix de prêter serment ou non. Il semble que les réseaux de relations existant entre les ecclésiastiques ont pu jouer contre la prestation du serment. Les liens entre les prêtres et leurs paroissiens ont pu également avoir une certaine influence. Le choix des prêtres reflète alors l'opinion de la population face aux innovations révolutionnaires.

Après une courte tentative de cohabitation, le pouvoir lutte contre les prêtres réfractaires. En 1792, ils sont susceptibles d'être déportés s'ils ne s'exilent pas. Plus de 200 d'entre eux sont assassinés lors des massacres de septembre 1792. En 1793, la peine de mort est promise aux prêtres signalés pour leur incivisme. Près de 30 000 réfractaires partent à l'étranger, d'autres participent aux insurrections contre-révolutionnaires. Avec la séparation de l'Église et de l'État de février 1795, certains rentrent en France. Mais, jusqu'en 1799, les périodes de répression succèdent à celles de liberté. Le concordat de 1801 apaise finalement les tensions.

régale,

droit pour le roi de France de percevoir les revenus des abbayes et évêchés vacants (régale temporelle) et de disposer des bénéfices qui en dépendent (régale spirituelle), ce second aspect n'étant attesté que depuis Philippe Auguste (1190).

L'origine de ce droit remonte à l'époque carolingienne, quand le roi nommait les évêques et les abbés au même titre que les comtes, tous détenteurs d'un « honneur », d'une charge publique. Lorsque l'évêque décédait, les biens attachés à sa fonction retombaient donc dans la main du roi jusqu'à ce que celui-ci nomme un nouveau titulaire. Sous les premiers Capétiens, la régale n'est perçue que dans le domaine royal. Bien que ce droit se développe aux XIIIe et XIVe siècles, on n'en trouve de formulation juridique claire qu'en 1438, dans la pragmatique sanction de Bourges. Certains diocèses, notamment du Dauphiné, du Languedoc et de Provence, estiment cependant que la régale ne leur est pas applicable. Cette contestation est à l'origine d'un conflit qui oppose Louis XIV à la papauté : après la déclaration royale du 10 février 1673 affirmant l'existence du droit de régale sur tous les diocèses du royaume (à l'exception de ceux qui s'en étaient rachetés), deux dignitaires languedociens - Nicolas Pavillon et François de Caulet, respectivement évêques d'Alet et de Pamiers - refusent de s'incliner. Innocent XI, pape depuis 1676, leur apporte son soutien. Le 3 février 1682, à la suite d'un accord avec le clergé, le roi promulgue un édit qui règlemente l'exercice du droit de régale dans tout le royaume. Cependant, le vote de la déclaration des Quatre Articles (affirmation des libertés gallicanes) par l'assemblée du clergé de France en mars 1682 conduit le pape à s'opposer à l'édit de février et à refuser l'investiture des nouveaux évêques nommés par le roi jusqu'en 1689. Cette querelle ne s'apaise qu'en 1693, lorsque le pape Innocent XII (1691/1700) accepte l'exercice du droit de régale tel que le prévoyait l'édit de 1682.

Régence

La France a connu sept régences, mais la Régence par excellence est celle exercée par Philippe d'Orléans pendant la minorité de Louis XV, de 1715 à 1723.

Cette brève période s'inscrit en réaction contre l'autoritarisme des dernières décennies du règne précédent. Le siècle de Louis XIV s'achève, et celui des Lumières est en train de poindre. Qu'il s'agisse de politique, de religion, ou d'esthétique, la volonté de changement se manifeste partout, et en même temps. Et la frénésie de plaisir qui s'empare de l'aristocratie et d'une partie de la bourgeoisie n'est que la réponse d'une société trop longtemps tenue sous l'étouffoir d'un monarque vieillissant et confit en dévotion.

L'établissement de la Régence

Le jeune Louis XV n'ayant que 5 ans à la mort de son arrière-grand-père (1er septembre 1715), une régence s'impose. Cette charge est traditionnellement dévolue à la mère du souverain mineur, ou au premier prince du sang ; les lois fondamentales de la monarchie ne précisant rien sur ce point, on doit s'en remettre à la coutume. La mère de l'enfant-roi étant morte depuis trois ans, le pouvoir semble devoir revenir de droit au duc d'Orléans, fils de Monsieur, frère de Louis XIV. Cependant, le vieux monarque, se méfiant du prince qu'il soupçonnait d'avoir conspiré contre lui, avait déposé un testament auprès du parlement de Paris. En vertu de cet acte, son neveu se voit dépouillé de ses principales prérogatives au profit d'un Conseil de régence, où le duc du Maine, fils bâtard légitimé du défunt, doit jouer un rôle essentiel. Le 2 septembre 1715, Philippe d'Orléans demande au parlement d'ouvrir le testament et revendique la régence, qui lui est officiellement déférée. Le parlement casse le testament, et le prince obtient ainsi le gouvernement du royaume et la tutelle de Louis XV. Au reste, ce n'est pas la première fois que le parlement agit de la sorte : déjà, en 1643, il avait annulé le testament de Louis XIII. En retour, cette docilité appelle récompense : le 15 septembre, le Régent rend aux magistrats le droit de remontrances supprimé depuis 1673.