Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIII (suite)

Au cours de ces états généraux (les derniers avant 1789), marqués par des dissensions entre les trois ordres, la monarchie apparut comme l'arbitre par excellence. L'évêque de Luçon, Richelieu, s'était fait remarquer dans ces discussions ; il devint le conseiller de Marie de Médicis. Sur le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche, la reine mère n'avait pas cédé : il fut donc célébré à Bordeaux en 1615. Mais les oppositions ne désarmaient pas. En 1616, Marie fit arrêter Condé, qui resta emprisonné jusqu'en 1619.

« Un coup de majesté »

Le jeune roi supportait de plus en plus mal la tutelle de sa mère et de son favori Concini qui l'humiliait. Il prépara un coup de force avec Charles d'Albert de Luynes et quelques familiers. Le 24 avril 1617, sur ordre du roi, sans jugement, le maréchal d'Ancre fut exécuté, et la joie éclata dans la capitale. Ce « coup de majesté » signifiait que Louis XIII allait désormais assumer le pouvoir : il éloigna sa mère, rappela les vieux ministres de son père - les prudents « barbons » - et s'appuya sur son ami Luynes, qui devint connétable de France. Louis XIII dut faire face aux intrigues conduites par Marie de Médicis, qui n'acceptait pas cette défaite ; il y eut même un affrontement entre des troupes royales et des partisans de la reine mère en 1620. Surtout, Louis XIII se méfiait des protestants, dont son père avait été le protecteur. Sa politique entraîna le soulèvement des réformés, mais les expéditions militaires menées contre eux en 1620-1621 échouèrent. La mort de Luynes permit à Marie de Médicis de reprendre de l'influence et de rentrer au Conseil. Elle mit en avant son protégé, Richelieu : le roi obtint pour lui, en 1622, le chapeau de cardinal.

Aux oppositions intérieures s'ajoutaient les tensions internationales. La situation s'était brutalement envenimée en Bohême et dans l'Empire, et le conflit entre catholiques et protestants dégénérait en une guerre européenne. Louis XIII suivit les conseils des barbons et resta prudent. Prince catholique, il ne soutint pas les princes protestants, et proposa une médiation qui facilita la victoire catholique de la Montagne Blanche (8 novembre 1620). Or, cette bataille entre les Impériaux et les protestants de Bohême ne régla rien, et d'autres belligérants devaient entrer en lice. Sur les conseils de Marie de Médicis, et non sans hésitations, Louis XIII appela Richelieu à son Conseil en 1624 ; il allait lui demander de définir une ligne de conduite face à ces périls. Louis XIII avait trouvé un homme capable d'imaginer pour la monarchie française une politique ambitieuse de grande puissance, et assez talentueux pour rassembler les moyens humains et financiers de la réaliser.

Portrait d'un roi

Quelle était la personnalité de Louis XIII en 1624, à 23 ans ? C'était d'abord un catholique très pieux qui avait la plus haute idée de sa mission sur terre, comme roi et comme chrétien. Il était donc très jaloux de son autorité et de sa réputation, se montrant implacable dès qu'il avait la sensation qu'on lui avait désobéi : il n'hésitait pas alors à condamner à mort, même les plus grands, même des êtres qu'il avait aimés. Il consacrait beaucoup de temps et de soin aux affaires de l'État, mais c'était aussi un homme sombre et méfiant. Il n'aima pas sa femme, Anne d'Autriche : son mariage, consommé en 1619, ne lui apporta aucune joie. Il fallut le hasard d'un orage pour que fût conçu le futur Louis XIV, en décembre 1637. Le roi s'unit néanmoins de nouveau à la reine, puisqu'un autre fils, Philippe, naquit en 1640. « Il n'est guère contestable que Louis XIII eut des tendances homosexuelles profondes » (Pierre Chevallier) : en effet, il donnait sa confiance à des favoris auxquels le liait une passion amoureuse, sans doute platonique ; les principaux furent Luynes, François de Barradat, Claude de Saint-Simon (le père du mémorialiste) ; il y eut aussi des femmes, telles que Louise Angélique de La Fayette ou Marie de Hautefort ; enfin, le dangereux Cinq-Mars.

Louis XIII se plut toute sa vie à exercer des travaux manuels, ce qui inspira cette épitaphe : « Il eut cent vertus de valet, et pas une vertu de maître. » Néanmoins, ce goût le rendit proche des humbles, et sans doute populaire. Il savait aussi composer de la musique et dessiner. Plus tard, il écrivit des articles pour la Gazette, créée en 1631 par Théophraste Renaudot. « Ainsi fut-il l'un des premiers journalistes français » (Pierre Chevallier). Surtout, Louis XIII aimait la chasse, la vénerie et la fauconnerie, et, dès 1624, il se réfugia souvent dans le petit château de Versailles. Cette passion contribua à le rendre solitaire, car il était timide. Il l'était d'autant plus qu'il était bègue : Richelieu craignit qu'on ne le nommât Louis le Bègue, mais il fut surnommé Louis le Juste. N'appréciant guère la vie sociale, Louis XIII était volontiers médisant, mesquin, parfois inhumain, toujours avare. De santé fragile, comme Richelieu, il était pourtant un roi-soldat qui, sans avoir de larges vues stratégiques, se plaisait à conduire en personne son armée et à partager la vie des soldats.

Richelieu, principal ministre

Le cardinal de Richelieu dut d'abord s'imposer au roi et, en écartant ses rivaux, devint principal ministre (Premier ministre) en 1624. Il put dire qu'il lui était plus difficile de conquérir les quatre pieds carrés du cabinet du roi que de remporter des victoires sur les champs de bataille européens. Richelieu rendait toujours compte au roi des affaires importantes, et ne prenait pas de décision sans lui demander son avis, pour laisser toujours au monarque le dernier mot. En retour, Louis XIII entérinait le plus souvent les choix de son ministre et les orientations de sa politique, lui laissait le rôle de mécène et de protecteur des arts et des lettres, l'aidait à bâtir sa fortune et celle de sa famille, souvent même lui abandonnait le faste du pouvoir. Le roi soutint aussi son conseiller dans les moments difficiles, car les ennemis et les adversaires ne manquèrent pas, d'autant qu'une grave incertitude politique demeura longtemps, puisque le couple royal n'eut pas d'enfant avant 1638. Jusqu'à cette date, le successeur probable de Louis XIII était donc son frère Gaston d'Orléans, prince séduisant et léger, qui incarnait l'espoir de tous les mécontents. Contre Richelieu, les conspirations se multiplièrent. En 1626, le roi réagit en faisant emprisonner ses demi-frères, les Vendôme, puis il fit juger le comte de Chalais, parce qu'il s'était mêlé à des intrigues de la cour auxquelles la reine Anne d'Autriche n'était pas étrangère.