Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

Fouché (Joseph), (suite)

Une figure clé de l'ère napoléonienne.

• Prudent lors du coup d'État de brumaire an VIII (novembre 1799), Fouché conserve sous le Consulat son ministère, qu'il modernise et auquel il donne une extension considérable. Il crée une police secrète et un réseau d'espionnage en France comme à l'étranger, constitue un fichier de notices biographiques, incluant jusqu'à celle de Bonaparte, et obtient le renfort de la gendarmerie, détachée du ministère de la Guerre. Inquiet d'une telle puissance, Bonaparte démembre le ministère en 1802, mais Fouché, devenu sénateur, demeure influent. En 1804, il pousse à l'exécution du duc d'Enghien, puis incite le Sénat à approuver l'Empire héréditaire, ce qui lui vaut de retrouver son ministère le 10 juillet.

Fouché ne cesse néanmoins d'intriguer, parfois avec Talleyrand, comme en 1808 lorsque les deux ministres cherchent un successeur éventuel à Napoléon 1er, qui guerroie alors en Espagne. En 1809, durant la campagne d'Autriche, il décide, en l'absence de l'Empereur, de lever des gardes nationales pour défendre le Nord contre les Anglais. Malgré sa méfiance, Napoléon lui accorde alors le titre de duc d'Otrante. Mais l'année suivante, ayant découvert les négociations secrètes de Fouché avec l'Angleterre, n'acceptant pas l'hostilité de celui-ci à son mariage avec Marie-Louise ainsi qu'à la présence d'anciens aristocrates à la cour, l'Empereur le renvoie, puis le nomme gouverneur des Provinces Illyriennes à Dresde (1813). Rallié aux Cent-Jours, après avoir vainement proposé ses services à Louis XVIII en 1814, Fouché redevient ministre en mars 1815, et continue de négocier avec les Bourbons et l'Angleterre. Après Waterloo, il organise l'abdication de Napoléon ainsi que le retour de Louis XVIII, et conserve son ministère en juillet 1815 grâce à l'appui des Anglais. Élu député à la Chambre un mois plus tard mais détesté des ultras, il est définitivement écarté du pouvoir en septembre 1815, avant d'être révoqué et banni en application de la loi de 1816 frappant les régicides ralliés aux Cent-Jours.

fou de cour,

durant le Moyen Âge et la Renaissance, bouffon attaché à la personne d'un prince pour le divertir et amuser la cour.

Il peut être affligé d'une difformité physique ou présenter une pathologie mentale qui prêtent à rire, ou, au contraire, être particulièrement habile à « faire le fou ». Comme les jongleurs ou les histrions, il raconte des histoires drôles, fait le pitre, réalise des tours d'adresse, déclame des lais ou des fabliaux, invente des jeux ou des devinettes. Souvent, il sait aussi chanter, jouer d'un instrument, danser, faire des acrobaties, et il possède parfois des dons de voyance.

L'habitude d'entretenir des amuseurs de ce type à la cour est ancienne. En France, on relève la présence d'un « fol », nommé Jean, dans l'entourage de Charles le Simple, vers 894. Mais c'est surtout avec l'essor des cours féodales que se développe la pratique d'employer un ou plusieurs fous à gages, usage qui, dans les derniers siècles médiévaux et à la Renaissance, devient une véritable mode. En 1316, Philippe V institutionnalise cette fonction : désormais, les fous de la cour royale sont des agents de l'État qui possèdent un office héréditaire. Parmi les plus célèbres fous des rois de France, on peut citer Hainselin Coq et Colart, respectivement bouffons de Charles VI et de Charles VII. La fin du Moyen Âge est aussi l'époque où la représentation du fou de cour se fige : vêtu de vert et de jaune (association de couleurs qui symbolise la transgression), le visage entouré d'un capuchon à oreilles d'âne orné de grelots, il porte à la main une marotte, bâton surmonté d'une tête grotesque, et parfois une vessie à la ceinture.

Le fou est le seul personnage de la cour à pouvoir tout faire et tout dire, et à parler librement au prince. Il révèle l'hypocrisie en dénonçant les travers des uns et des autres sur un mode humoristique ou burlesque. Il peut devenir le confident et l'ami du prince, qui dépense toujours des sommes considérables pour son entretien.

La grande mode des bouffons est contemporaine de l'engouement pour la « fête des fous », qui se caractérise par une permissivité totale et répond à un besoin de banaliser la folie en la contrôlant et en en faisant l'éloge. Le fou de cour est ainsi une sorte de double inséparable du souverain. Sa marotte rivalise avec le sceptre et incarne la puissance illimitée de la folie face au pouvoir temporel du prince.

Fould (Achille),

homme politique et financier (Paris 1800 - La Poubère, Hautes-Pyrénées, 1867).

Achille Fould est issu de l'aristocratie financière : la banque de son père est l'une des toutes premières sur la place parisienne. Fils cadet, il n'est pas destiné à reprendre l'affaire familiale, mais est très tôt initié à la pratique des affaires. Au terme de ses études secondaires, Achille Fould mène une existence mondaine avant d'opter pour la carrière politique : familier des princes d'Orléans, il siège à partir de 1842 à la Chambre, où il s'impose comme un spécialiste des problèmes financiers. Resté à l'écart des événements de février 1848, il est élu à la Constituante au mois de septembre. Rallié à Louis Napoléon Bonaparte, il devient l'un de ses premiers serviteurs : trois fois ministre des Finances entre 1849 et 1852, puis ministre d'État chargé, entre autres, de la Culture jusqu'en 1860, il retrouve son portefeuille des Finances de 1861 à 1867.

Soucieux de limiter les dépenses de l'État et hostile à toute taxation des revenus, Fould bénéficie de la confiance des milieux financiers et participe même, avec les frères Pereire, à la création du Crédit mobilier en 1852. Il n'hésite pas à user de son influence pour faire prospérer ses affaires privées et celles de sa famille, ce qui lui vaut de nombreuses critiques, parfois inspirées par un antisémitisme latent - d'origine juive, il s'est tardivement converti au protestantisme. Dénigrée par les historiens de la IIIe République, l'action de ce « conservateur par instinct, libéral par réflexion » a ensuite été appréciée de façon plus nuancée.