Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Tallien (Jean Lambert),

homme politique (Paris 1767 - id. 1820).

Fils d'un maître d'hôtel du marquis de Bercy, il fait des études de droit qui le conduisent à divers emplois de clerc et de secrétaire. En 1789, il s'engage dans la Révolution et devient membre de la Société des amis de la Constitution (le Club des jacobins). En 1791, il fonde un journal, l'Ami des citoyens. Tallien est alors un de ces multiples relais qui diffusent les décrets de l'Assemblée nationale. Secrétaire-greffier de la Commune de Paris après le 10 août 1792, il est élu en septembre député à la Convention par la Seine-et-Oise et siège à la Montagne. Il entre au Comité de sûreté générale et participe activement à la chute des girondins, en juin 1793 ; envoyé en mission en août, il est chargé d'organiser la « levée en masse » puis d'établir le Gouvernement révolutionnaire en Gironde (décembre 1793). Son train de vie fastueux, sa liaison avec Thérésa Cabarrus, fille d'un agioteur et divorcée d'un marquis, son « modérantisme », enfin, provoquent son rappel et l'arrestation de sa compagne. Surtout, Tallien incarne un courant de la Montagne dont le projet politique (guerre de conquête, déchristianisation) et la versatilité (violence et modérantisme) heurtent les conceptions des robespierristes. Aussi est-il l'un des acteurs de leur chute, lors du 9 Thermidor. Sous la Convention thermidorienne, il pousse à la répression antijacobine et entre au Conseil des Cinq-Cents. Poursuivi par son passé terroriste, il voit sa carrière politique s'achever après l'expédition d'Égypte, où il accompagna Bonaparte. Il finit sa vie dans la misère et la maladie.

Tanger (crise de),

crise internationale suscitée en 1905 par l'empereur d'Allemagne Guillaume II, qui veut contrer les ambitions de la France au Maroc.

Fruit de l'antagonisme franco-allemand, cet épisode constitue l'un des nombreux révélateurs des tensions qui surgissent entre les deux grandes puissances européennes au cours de la « paix armée ». La France, qui a colonisé l'Algérie et mis en place son protectorat sur la Tunisie, entend faire valoir des droits au Maroc, où elle a déjà obtenu des avantages économiques, afin d'exercer son autorité sur l'ensemble de l'Afrique du Nord. Aussi, lorsqu'une insurrection d'une partie des tribus menace l'État chérifien, qui se débat en outre dans une crise financière profonde, Paris propose-t-il au sultan de l'aider à rétablir l'ordre.

Décidé à n'être pas exclu d'un pays d'Afrique encore indépendant, et voulant tester la capacité de réaction de l'Entente cordiale réalisée entre la France et l'Angleterre (1904), Guillaume II provoque, le 31 mars 1905, à Tanger, un incident diplomatique sérieux, en faisant explicitement part de son intention d'empêcher la France de s'établir au Maroc. Son initiative suscite d'importants remous sur la scène politique française : le ministre des Affaires étrangères Delcassé, partisan d'une politique radicale à l'égard de l'Allemagne, désavoué par le président du Conseil Rouvier, est contraint de démissionner (6 juin 1905) : ce dernier estime en effet que la France, en proie à de graves problèmes intérieurs, ne peut se permettre un conflit avec le Reich. Il se résigne à accepter l'internationalisation de l'affaire marocaine : une conférence réunissant les représentants de treize puissances (parmi lesquelles le Maroc, les États-Unis, la Russie et la plupart des pays d'Europe occidentale) siège à Algésiras de janvier à avril 1906. Loin de conforter le point de vue allemand, l'acte d'Algésiras confie à la France et à l'Espagne l'organisation et l'encadrement de la police dans les ports marocains, donnant à ces deux pays le moyen d'exercer une influence prépondérante auprès du sultan.

tardenoisien,

dernière civilisation des chasseurs-cueilleurs mésolithiques, environ de 7 000 à 5 000 ans avant notre ère, caractérisée par la production d'outillage en silex de petite taille et de forme très régulière.

Par une évolution endogène, la civilisation du tardenoisien (du nom de la région du Tardenois, dans le sud du département de l'Aisne, où ont été fouillés de nombreux sites) succède à celles de l'azilien et du sauveterrien. Elle est définie essentiellement par la forme de ses pointes de flèches - parmi lesquelles les archéologues ont distingué de nombreuses variantes –, et notamment par des pointes trapézoïdales. Il s'agit en général d'objets de très petite taille, très soignés, qui constituent le point d'aboutissement de la tendance au « microlithisme » du mésolithique et témoignent aussi de la valorisation de la chasse dans ces sociétés. Plusieurs de ces pointes devaient sans doute être montées sur une même hampe de flèche pour être efficaces. On trouve en outre, d'exécution nettement plus sommaire, un outillage courant, pour le travail de l'os ou des peaux, mais aussi des pics de grande taille (macrolithiques), sans doute destinés au travail du bois : ces pics sont dits « montmorenciens » parce qu'on les a exhumés dans la forêt de Montmorency.

Le sol acide des forêts où ont été retrouvés la plupart des campements tardenoisiens a peu favorisé la conservation des vestiges. On connaît néanmoins quelques traces de foyers, ainsi que de très rares sépultures à inhumation. En forêt de Fontainebleau et dans le Tardenois, plusieurs gravures rupestres semblent pouvoir être attribuées au tardenoisien. Elles présentent des motifs géométriques élémentaires, rainures profondes, grilles, ainsi que lignes d'ovales peints.

Les populations du tardenoisien - les dernières à pratiquer une économie de chasseurs-cueilleurs - sont nécessairement entrées en contact avec les premiers colons agricoles du rubané, qui apparaissent dans le Bassin parisien vers 5 000 ans avant notre ère : en effet, on a découvert dans certains de ces villages néolithiques des poteries grossières, et des pointes de flèches dont la forme est proche de celle caractéristique du tardenoisien.

Tardieu (André),

homme politique (Paris 1876 - Menton, Alpes-Maritimes, 1945).

Issu d'une famille de la vieille bourgeoisie parisienne, Tardieu collectionne les prix au concours général, figure en tête du concours d'admission à l'École normale supérieure, pour en démissionner aussitôt. En 1897, il entre au Quai d'Orsay, qu'il quitte dès 1900 pour rejoindre le cabinet de Waldeck-Rousseau, où il rédige la loi de 1901 sur les associations. Sa carrière se poursuit à l'Inspection générale du ministère de l'Intérieur et comme enseignant à Harvard, à l'École libre de sciences politiques et à l'École de guerre ; il tient également, de 1903 à 1914, le « bulletin de l'étranger » du Temps, voix officieuse du Quai d'Orsay. Élu député de Seine-et-Oise en 1914, puis mobilisé, il est nommé en 1917 haut-commissaire de France aux États-Unis, où il gère aussi bien les relations financières que la propagande ; il seconde ensuite Clemenceau lors de la conférence de la paix, incarnant, comme lui, l'intransigeance nationaliste. Ministre des Régions libérées, il démissionne en 1920 quand Clemenceau est écarté du gouvernement. Il n'est pas réélu en 1924 mais seulement en 1926, lors d'une partielle à Belfort. Ministre des Travaux publics puis de l'Intérieur sous Poincaré, il dirige le gouvernement à trois reprises, entre 1929 et 1932 : il entend relancer l'économie par un vaste « plan d'outillage national », crée le ministère de la Santé et la retraite des anciens combattants, impose la gratuité de l'enseignement secondaire, généralise allocations familiales et assurances sociales. En fait, il veut acheter la paix sociale par des réformes, mais aussi renforcer le pouvoir exécutif et fonder un bipartisme à l'anglaise. La crise économique obère ces projets : les élections de 1932 sont pour lui un échec personnel. À la suite des événements du 6 février 1934, il est nommé ministre d'État par Doumergue. Il vise alors à élargir le collège qui élit le président de la République, à faciliter la dissolution, à introduire le référendum, à ôter l'initiative des dépenses aux députés, mais se perd en polémiques avec les radicaux. Ses projets s'ensablent et, fin 1934, il se retire dans le Midi, croyant peser encore sur l'opinion par ses livres, telle la Révolution à refaire, qui prône la réforme de l'État. En 1939, une attaque cérébrale brise ce personnage brillant qui, par orgueil, a cru pouvoir faire fi des traditions parlementaires, a critiqué souvent injustement les radicaux, dont il était séparé plus par le style que par les idées, puis, par dépit, s'est rapproché de l'antiparlementarisme, voire des ligues, en une dérive qui a pu faire oublier son action sociale, et l'influence de ses idées sur la Constitution de 1958.