Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

roi (suite)

La succession royale

La succession royale reste longtemps coutumière. Même si Clovis succède seul à son père Childéric Ier en 481, la coutume franque de répartition équitable du patrimoine paternel entre tous les fils perdure jusqu'au Xe siècle. Elle est peu à peu remise en cause par l'habitude de privilégier le fils aîné : les Capétiens se succéderont ainsi de père en fils jusqu'au début du XIVe siècle. Mais en 1316 meurt Louis X, premier fils de Philippe le Bel, en ne laissant qu'une fille (son fils posthume, Jean Ier, ne vit pas au-delà de quelques jours). Avec l'appui des grands du royaume, l'aîné des frères de Louis X, Philippe, écarte sa nièce de la succession en évoquant la coutume de masculinité et accède au trône sous le nom de Philippe V. Ce dernier ne laissant également que des filles, la même procédure est appliquée en 1322, au profit de leur oncle Charles IV. De même, quand celui-ci meurt en 1328 sans postérité masculine, son cousin Philippe VI de Valois est reconnu comme roi par les barons du royaume afin d'exclure de la succession les descendants mâles des filles royales (notamment le futur Édouard III d'Angleterre, fils d'Isabelle de France et petit-fils de Philippe le Bel). La loi salique, loi franque redécouverte au XIVe siècle (selon laquelle « tout l'héritage de la terre doit passer au sexe viril »), ne sera alléguée qu'a posteriori, sous le règne de Charles V. La grande ordonnance de 1374 est la première à formaliser les principes de la succession royale en France. Désormais, le fils aîné du roi, ou son plus proche parent par les mâles, accède au trône (avec tutelle par la reine en cas de minorité). Pas plus que le roi ne peut choisir son successeur, l'héritier ne peut refuser la succession. La fonction royale est conçue comme l'administration temporelle d'une couronne qui appartient à la communauté du royaume et non au roi. À partir du XVIe siècle, la succession est instantanée : « Le roi est mort. Vive le roi ! ». Bien que tardif, cet automatisme successoral est parfaitement intégré. Henri IV rallie bon nombre de catholiques dès la mort de son prédécesseur, alors que son cousinage par les mâles remonte au XIIIe siècle, et que son protestantisme est contraire à la coutume. Les rois enfants Louis XIII, Louis XIV et Louis XV sont accueillis dans l'enthousiasme. Une seule obligation est constamment réitérée : un roi doit être français et catholique. C'est pourquoi Henri IV abjurera finalement sa foi protestante (1593).

Les principes de perpétuité dynastique sont donc bien établis par les règles de la succession royale. Peut-on néanmoins changer de roi ? Les théologiens abordent la question à travers deux notions fondamentales : le roi « inutile » et le roi « tyran ». La première est invoquée par les Carolingiens, qui justifient leur arrivée au pouvoir en présentant les derniers Mérovingiens comme des « rois fainéants » ; elle est reprise par les penseurs de l'époque des Lumières qui, n'osant pas s'en prendre directement à la personne de Louis XVI, ridiculisent le « bon roi Dagobert ». Quant à la seconde, aucun roi n'a été jamais été, en France, durablement considéré comme un tyran ; seuls ses conseillers portent la responsabilité des décisions considérées comme arbitraires. Jamais le tyrannicide n'a été vraiment en faveur dans l'opinion, et la maladie, pas même la folie (Charles VI), n'a autorisé à déposer un roi. Aucun corps politique n'existe d'ailleurs, face au roi, pour endosser une telle responsabilité.

Les manifestations publiques

Le roi doit imposer le respect et maintenir une distance entre sa personne et le peuple. Ses apparitions publiques sont entourées de faste et de majesté. Ritualisées à partir du XIIIe siècle, les « entrées royales » dans une ville se pratiquent jusque vers 1650. Elles ont pour but de témoigner de la nature des liens qui unissent le roi et son peuple venu l'accueillir. Une telle cérémonie se prépare longtemps à l'avance. Selon les cas, le roi entre par la plus grande porte de la cité et se rend directement à la cathédrale, ou bien il fait d'abord le tour de la ville, partout acclamé par le peuple en liesse. Il est reçu hors les murs par le corps de ville, tandis que le clergé l'attend à la cathédrale, et marque de nombreuses stations sur les places ou devant les monuments publics afin d'assister aux spectacles et d'écouter les demandes de la population. L'enfermement du spectacle royal dans la cour de Louis XIV à Versailles réduit les occasions de contacts directs entre le souverain et son peuple, et les humbles ne voient plus du pouvoir que des manifestations bien abstraites.

Seules les funérailles royales demeureront publiques. Il faut en effet pleurer le roi, mais également exprimer l'idée de la continuité du corps politique. En 1223, la dépouille mortelle de Philippe Auguste, qui a été embaumée, est conduite de Mantes à Saint-Denis, vêtue d'or, couronnée et tenant le sceptre, visage découvert. Le mannequin funéraire, apparu en Angleterre en 1327 à l'occasion de la mort d'Édouard II, est utilisé en France en 1422 pour représenter le défunt Charles VI. Dans l'attente de l'arrivée du duc de Bedford, régent en vertu du traité de Troyes (1420), on fabrique une effigie vêtue de la robe du sacre, mains et visage de cire, portant les regalia. Jusqu'en 1610, tous les rois, à l'exception de Louis XI, auront leur effigie. À la fin du XVe siècle, celle-ci est articulée, et l'héritier n'assiste plus aux funérailles paternelles. Cette pratique de représentation du roi par un mannequin, censé symboliser l'immortalité de la dignité royale, est abandonnée bien après le concile de Trente, l'Église ayant toujours marqué de fortes réticences à son égard. La mort des rois de France s'aligne alors, dans une certaine mesure, sur le lot commun.

rois fainéants,

expression péjorative longtemps utilisée par les historiens pour désigner les derniers rois mérovingiens, surtout ceux qui ont régné après Dagobert (629/639) et ont laissé leurs maires du palais gouverner : Clovis II, Childéric II, Childebert III, Chilpéric II, Thierry IV... jusqu'à Childéric III qui, en 751, est définitivement détrôné par Pépin le Bref et, tonsuré, envoyé au monastère de Saint-Bertin pour y finir ses jours.