Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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fortifications. (suite)

Au XVIIIe siècle, cette conception est développée par Montalembert et aboutit à la construction de forts détachés concentrant les moyens de défense. Ce système, qui n'exclut pas le maintien d'une enceinte bastionnée, est adopté pour la fortification de Lyon en 1830 et de Paris en 1840. Le siège de la capitale en 1870-1871 démontre néanmoins que ces forts sont trop proches de l'enceinte et n'empêchent pas l'artillerie allemande de bombarder les quartiers de la rive gauche.

La survivance des fortifications fixes à l'époque contemporaine.

• Au lendemain de la perte de l'Alsace-Lorraine, le général Séré de Rivière établit des « rideaux défensifs » le long des Hauts de Meuse, autour de Toul et de Verdun ainsi qu'entre Épinal et Belfort. Mais, à peine achevés, ces forts construits en maçonnerie se révèlent inutiles, du fait des progrès extrêmement rapides de l'artillerie. Aussi faut-il renforcer les ouvrages par des carapaces en béton ou par des cuirassements en acier. Pourtant, pendant la bataille de Verdun, ces forts feront preuve d'une résistance bien supérieure à celle que l'on attendait.

Au lendemain de la guerre, en dépit des garanties offertes par le traité de Versailles, la France décide la construction d'un nouvel ensemble fortifié, la ligne Maginot. Ce système, qui ne couvre que la frontière du nord-est, comporte deux séries de fortifications. Tout d'abord de gros ouvrages, construits de 1929 à 1935, dotés de « blocs d'entrée » et de « blocs actifs » équipés d'armes automatiques, de mortiers et de lance-grenades. Ces blocs sont associés à d'imposantes installations souterraines, qui abritent des casernements et des magasins à l'abri des gaz. À partir de 1935, grâce à la priorité accordée au réarmement de l'armée et de l'aviation, le génie entreprend la construction d'ouvrages d'infanterie beaucoup plus réduits et vulnérables. En fait, la ligne Maginot est révélatrice d'une stratégie éminemment défensive, sans efficacité lors de l'attaque allemande de mai 1940.

De la Seconde Guerre mondiale, la France a encore hérité des fortifications allemandes du « mur de l'Atlantique » et, surtout, les remarquables bases de sous-marins de Brest, Saint-Nazaire, Lorient ou La Pallice, qui se révélèrent quasiment invulnérables jusqu'à la fin du conflit.

Foucauld (Charles Eugène, vicomte de Foucauld de Pont-Briand, puis le Père de),

officier et prêtre (Strasbourg 1858 - Tamanrasset, Algérie, 1916).

L'itinéraire religieux et la personnalité de Charles de Foucauld, au carrefour de la vie militaire et de l'expérience mystique, du christianisme et de l'islam, demeurent un objet de controverse et de mystère.

Issu d'une famille de l'aristocratie, très tôt orphelin, élève du lycée de Nancy, où il perd toute foi religieuse, puis des écoles militaires de Saint-Cyr et de Saumur, le sous-lieutenant de Foucauld expérimente en garnison (Pont-à-Mousson, Sétif) la vacuité d'une vie de débauche et de désœuvrement, avant une première expérience saharienne (1881-1884), où il découvre, à l'occasion d'une exploration du Maroc encore indépendant, la fascination du désert et de l'islam. De retour en France, sous la double influence de sa cousine Marie de Bondy et de l'abbé Huvelin, vicaire de Saint-Augustin à Paris, il retrouve la foi en octobre 1886 : « Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui. »

Sa conversion, entière, violente, définitive, lui ouvre un chemin d'itinérance et de recherche, émaillé de tentatives infructueuses et d'intenses expériences spirituelles. Placé sous la direction de l'abbé Huvelin, puis entré à la Trappe de Notre-Dame-des Neiges, il gagne l'Orient sous le nom de frère Marie-Albéric et vit pauvrement, de juillet 1890 à septembre 1896, au prieuré de Notre-Dame d'Akbès (Syrie). Envoyé ensuite à Rome, il obtient de s'établir à Nazareth en qualité de domestique d'un couvent de clarisses (mars 1897-août 1900) et part sur les traces de Jésus ; de retour à la Trappe des Neiges, il est ordonné prêtre à Viviers, en juin 1901. C'est au Sahara qu'il entend conduire la « vie de Nazareth » au contact de l'islam : grâce à l'appui des autorités militaires françaises, il établit deux ermitages, à Béni-Abbès, près de la frontière marocaine, puis à Tamanrasset, au cœur du Hoggar. Celui qui se veut le « frère universel » des musulmans et des chrétiens, des militaires français et des hommes du désert, quoique dépourvu de disciples et dénué de ressources, s'emploie à rédiger un dictionnaire franco-touareg, une traduction de l'Évangile, des recueils de poésie touarègue, de nombreux écrits spirituels et les statuts d'un nouvel ordre des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus (1909). Il est assassiné au cours d'une razzia, le 1er décembre 1916, dans son ermitage de Tamanrasset.

Fouché (Joseph),

duc d'Otrante, homme politique (Le Pellerin, Loire-Atlantique, 1759 - Trieste, Italie, 1820).

Ministre de la Police, intrigant et secret, craint et méprisé à la fois, Fouché inspire, du fait de ses multiples revirements et de sa longévité politique, une méfiance générale mêlée de fascination. Cultivant des amitiés et des clientèles dans tous les partis, il passe tantôt pour un grand homme d'État et un jacobin sincère, tantôt pour un opportuniste, voire un traître uniquement préoccupé de ses intérêts. Il est, de fait, l'une des figures les plus énigmatiques de la Révolution et de l'Empire. Ses Mémoires (1824), d'une authenticité douteuse, présentent d'importantes lacunes et visent surtout à rendre cohérent un parcours chaotique.

La Révolution : hésitations, actions, esquives.

• Fils d'un armateur nantais, Fouché entre au séminaire de l'Oratoire en 1781, puis enseigne dans différents collèges. Membre du Club des jacobins de Nantes en 1790 - qu'il préside en 1791 -, il reste un modéré jusqu'en 1793. Proche des girondins à la Convention, où il a été élu député en septembre 1792, il ne devient montagnard que lors du procès de Louis XVI, votant au dernier moment pour la mort de celui-ci, et se rapproche des extrémistes, tels Hébert et Chaumette. Cependant, de mars 1793 à mars 1794, il ne fréquente guère la capitale : représentant en mission, il se forge une sombre réputation, notamment dans la Nièvre et l'Allier, où il organise, de juin à octobre 1793, une déchristianisation systématique et s'en prend aux propriétaires, puis à Lyon, où, après la fin du siège et sous les ordres de Collot d'Herbois, il participe à une répression féroce. Rappelé à Paris, il est exclu des Jacobins en juin 1794 et, surveillé, vit dans une semi-clandestinité. Intriguant alors parmi les députés menacés, dénoncé par Robespierre pour son œuvre déchristianisatrice, il ne joue pourtant aucun rôle ni dans la journée du 9 thermidor an II (27 juillet 1794), ni lors de la réaction thermidorienne, durant laquelle il demeure proche de la gauche extrême. Sans doute arrêté à l'été 1795, il est amnistié à l'automne, et vit dès lors de petits emplois. Lié successivement à deux hommes forts du Directoire - Barras et Sieyès -, il occupe très brièvement le poste d'ambassadeur auprès de la République cisalpine (1798) - où il s'enrichit -, puis de la République batave (1799), et devient, le 20 juillet 1799, ministre de la Police générale, chargé de mettre un terme à l'agitation jacobine, tâche dont il s'acquitte avec zèle.