Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

Rocroi (bataille de),

victoire remportée par le duc d'Enghien, le futur Grand Condé, sur les Espagnols, le 19 mai 1643.

Dans le conflit qui oppose la France à l'Espagne depuis 1635, la frontière du Nord est la plus difficile à défendre, comme l'a montré l'affaire de Corbie (ville de la Somme prise par les Espagnols en août 1536, et reconquise en novembre de la même année). Le gouverneur des Pays-Bas, don Francisco de Melo, veut profiter du désarroi causé par la mort de Richelieu (4 décembre 1642) et l'agonie de Louis XIII pour prendre Rocroi et marcher sur Paris par les vallées de l'Aisne et de la Marne. Il dispose de 20 000 fantassins aguerris et de 8 000 cavaliers. En face, le jeune duc d'Enghien, chaperonné par le vieux maréchal de L'Hôpital, a reçu l'ordre de ne rien hasarder : toute défaite serait un désastre. Il se porte cependant au secours de Rocroi, avec 14 000 fantassins et 6 000 cavaliers. Sûr de sa force, Melo ne cherche pas à surprendre les Français pendant qu'ils se disposent sur le plateau, le 18 mai. Le lendemain, la cavalerie française de Gassion, sur l'aile droite, enfonce celle du duc d'Albuquerque. Puis, par un vaste mouvement tournant, Enghien lui fait prendre à revers l'autre aile espagnole, qui mettait en danger l'aile gauche française. Après l'avoir balayée, il se tourne contre le dispositif central de l'ennemi, constitué par les tercios, « cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne », toute hérissée de piques, dont parlera Bossuet dans l'oraison funèbre de Condé. Il faut trois assauts furieux pour rompre les meilleurs fantassins du monde. On compte 7 000 morts et 6 000 prisonniers dans les rangs espagnols, qui perdent en outre toute leur artillerie et des dizaines de drapeaux. Melo échappe de peu à la capture ; Bernard de Fontaine, le chef des tercios, est tué sur la chaise d'où, cloué par la goutte, il dirigeait ses troupes. La réputation d'invincibilité du tercio s'évanouit en une journée, à la surprise de l'Europe. S'il a été bien conseillé par Gassion, partisan, comme son maître, le Suédois Gustave-Adolphe, de l'attaque à outrance et du choc de cavalerie, le duc d'Enghien a été l'âme du succès, se dépensant sans compter à la tête de ses hommes, les galvanisant par son exemple : on le voit partout « étonner de ses regards étincelants ceux qui échappent à ses coups » (Bossuet). À la victoire, il ajoute la clémence, faisant cesser le massacre des vaincus. La bataille de Rocroi fonde la gloire d'un général de 22 ans, lui donnant à jamais la réputation d'une « grande âme » (« l'Alexandre des Français »). Elle inaugure aussi le règne de Louis XIV, roi de 4 ans, qui, la veille, a tenu le lit de justice confiant la régence à sa mère Anne d'Autriche.

Rœderer (Pierre Louis),

homme politique, conseiller d'État et comte de l'Empire (Metz 1754 - Bois-Roussel, Orne, 1835).

Fils d'un procureur général près le parlement de Metz, il suit des études de droit à Strasbourg tout en se passionnant pour les écrits des philosophes des Lumières. Il devient avocat à Metz en 1771, puis achète une charge de conseiller au parlement en 1780. Tirant profit des bouleversements de l'été 1789, il s'impose à la tête de l'hôtel de ville messin avant d'être élu à l'Assemblée constituante, le 27 octobre 1789. Politiquement proche de Sieyès, il siège avec la gauche modérée. Le 10 août 1792, c'est lui qui suggère à la famille royale de se placer sous la protection de la Législative. Accusé d'avoir donné l'ordre de tirer sur la foule aux Tuileries, il doit s'enfuir et se cacher jusqu'au 9 thermidor, après quoi il fait œuvre de journaliste et se montre partisan d'un État fort, capable de sauvegarder les acquis de 1789. Acteur du coup d'État du 18 brumaire aux côtés des Idéologues, puis conseiller d'État, il est l'un des proches de Bonaparte jusqu'en 1802. Il entre alors au Sénat puis devient ministre des Finances de Joseph Bonaparte dans le royaume de Naples. En 1810, il est nommé secrétaire d'État du grand-duché de Berg. Fidèle de la dernière heure en 1814, il se rallie à Napoléon durant les Cent-Jours et reçoit le titre de pair de France. Retiré sur sa terre normande de Bois-Roussel sous la Restauration, il se consacre à la rédaction d'ouvrages historiques ou politiques. La monarchie de Juillet lui permet de reprendre sa place à la Chambre des pairs.

roi

De Clovis à Charles X, le roi, entouré de son Conseil, gouverne le royaume, investi de pouvoirs dont les modalités d'exercice ont beaucoup varié au cours des siècles.

Il a pour ministère de défendre le pays contre ses ennemis et d'y faire triompher la paix et le bien commun par une bonne justice, en faisant peser sur chacun une fiscalité raisonnable. Pour les sujets, aimer le roi est aussi bien un devoir qu'un sentiment ; le souverain leur apparaît comme un personnage à la fois proche et lointain, doté de pouvoirs et de qualités spécifiques qui en font une sorte d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. Cette idée, renforcée à partir du VIIIe siècle par l'onction du sacre, reçue des mains de l'Église, demeurera très vivace dans un pays où le roi est également thaumaturge.

Figurations du souverain

Théologiens et penseurs ont symbolisé le roi par diverses images destinées à le situer par rapport à ses sujets et à montrer comment le monarque et ceux-ci sont indissociables. Dès le XIIe siècle, le royaume est présenté comme un corps dont le roi est la tête ; les ecclésiastiques : les yeux, le cerveau ou le cœur ; les nobles : la poitrine ou les mains ; et le peuple : le ventre ou les pieds. Chacun joue son rôle et doit remplir son office, dans l'intérêt commun. Tête et corps sont soudés : pas de roi sans peuple, pas de peuple sans roi. À partir du XIIIe siècle, le jeu d'échecs, alors en vogue, devient une illustration des hiérarchies politiques. Le roi l'emporte en dignité sur toutes les autres pièces, soumises à son commandement et éclairées par la gloire de ses vertus. Durant la partie, chacun cherche son chemin dans les cases blanches - le bien - et dans les cases noires - le mal. Au XIVe siècle, le roi devient symboliquement le pilote d'un bateau, image du royaume. Les passagers y embarquent dès leur naissance et la mort seule leur fait quitter l'équipage. Le roi-pilote dirige le navire depuis un palais qui surmonte la poupe. Au-dessous de lui figure le peuple des marchands, encadré par les nobles, les conseillers royaux et les clercs. Le roi seul a une vue claire de la route à suivre. À la même période, on montre également le roi à l'image du Christ-jardinier, jardinier d'un royaume où, protégées par des palissades qui sont autant de frontières, les brebis (le peuple) paissent tranquillement au bord des fontaines.