Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Touraine, (suite)

L'extension capétienne et les résistances féodales.

• Au début de l'époque féodale, vers la fin du Xe siècle, les frontières du comté de Touraine, désormais héréditaire, se stabilisent. Pendant plusieurs siècles, et à l'image d'autres territoires, la Touraine, fief dépendant des rois de France, est un enjeu pour les Capétiens, désireux d'unifier leur domaine et de contrôler les grands seigneurs féodaux. Dans la première moitié du XIe siècle, tandis que les maisons de Blois et d'Anjou se disputent la Touraine, qui se hérisse de châteaux forts, Thibaud III de Blois, comte de Touraine, refuse de rendre hommage au roi de France. Aussi, ce dernier donne-t-il le comté à Geoffroi II Martel, comte d'Anjou, qui conquiert la province en 1044. La Touraine, incorporée à l'héritage angevin, fait désormais partie de l'empire des Plantagenêts, qui comprend également le Maine, la Normandie et bientôt l'Aquitaine. Elle devient anglaise lorsque Henri Plantagenêt, comte d'Anjou, accède au trône d'Angleterre, en 1154, sous le nom d'Henri II. Dès lors, les rois de France n'ont de cesse de reprendre cet empire à la dynastie anglaise. Après avoir confisqué les fiefs français du roi anglais Jean sans Terre, sous prétexte de félonie, Philippe Auguste conquiert la Touraine (1205), qui devient une sénéchaussée héréditaire. Jean sans Terre reconnaît cette conquête par le traité de Chinon (1214), confirmé par le traité de Paris (1259), qui rattache la Touraine au domaine royal de France. Cependant, érigée en duché-pairie au XIVe siècle, la province est détachée du domaine royal et donnée en apanage aux princes du sang. Restée fidèle à la couronne de France durant la guerre de Cent Ans, elle accueille Charles VII, qui décide de la rédaction de ses coutumes, établies de 1453 à 1461, avant celles du reste du royaume.

Aux XVe et XVIe siècles, La Touraine devient la résidence favorite des rois de France et le centre politique et intellectuel du royaume, avant d'être éclipsée par la région parisienne. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, elle forme, avec les duchés d'Alençon, d'Anjou et de Berry, le nouvel apanage d'Alençon constitué en faveur du frère d'Henri III, François d'Anjou. À la mort de ce dernier (1584), l'apanage est donné à Henri de Navarre, dernier grand possesseur de fiefs (qui accédera au trône de France sous le nom d'Henri IV). En 1607, le roi est contraint par les parlements de prendre un édit royal qui fait revenir ses biens patrimoniaux, dont la Touraine, à la couronne.

tour de France,

voyage initiatique qu'entreprenaient les jeunes ouvriers artisans afin de parfaire leur formation tant morale que professionnelle.

Apparue dès le Moyen Âge, cette pratique se développe à partir du XVIe siècle. Le tour de France, organisé par les compagnons, constitue un long et dur apprentissage : à la fois pédagogie et épreuve, il enseigne la connaissance des différentes techniques du métier mais aussi celle des hommes, et doit conduire à l'éveil de la conscience pour atteindre un idéal moral et social. L'ordre, la discipline, l'amour du travail bien fait, le dépassement de soi, la fidélité et la solidarité sont les principales valeurs acquises le long de ce périple.

De cette formation spirituelle découlent de nombreux rites secrets, qui varient selon les sociétés compagnonniques (les Devoirs) et dont la compréhension est réservée aux seuls initiés qui ont accompli le tour. Trois initiations jalonnent le voyage : l'adoption, la réception et la finition. Quittant sa famille et son maître, le jeune apprenti doit être accepté comme aspirant par la société qu'il a choisie. Suivi par un tuteur, il est soumis d'abord aux plus basses tâches. Puis, plus tard, après avoir exécuté un chef-d'œuvre prouvant la maîtrise de son métier, il est reçu compagnon. Enfin, au terme d'un voyage de plusieurs années, le « compagnon fini », homme fait, « remercie la société » et rentre chez lui.

Baptisé d'un surnom, voyageant le plus souvent à pied, sac au dos et muni d'une canne emblématique remise par la société, l'ouvrier est tenu de s'arrêter dans des villes déterminées. À chacune de ces étapes, il est assuré du gîte et du couvert dans un foyer (la « cayenne »), siège de la direction locale de la société, où vivent d'autres compagnons. Deux autorités respectées dirigent la cayenne : la « mère », hôtesse dévouée, et le « premier en ville », régulièrement élu, qui pourront mettre le compagnon à l'amende à chaque manquement moral, amende destinée à grossir la bourse commune. Dès l'arrivée du compagnon, le « rouleur », qui tient registre, lui cherche un emploi dans un atelier ou une boutique, et l'introduit auprès de l'employeur. Lorsqu'il repart sur la route du tour (le « trimard »), une escorte, en grande tenue, lui fait la « conduite en règle » en l'accompagnant à la limite de la ville. Temps fort de la vie du compagnon, le tour de France devient une pratique minoritaire dans la seconde moitié du XIXe siècle, du fait de la révolution industrielle.

Tour de France,

course cycliste par étapes créée en 1903. Venue d'Angleterre dans les années 1880, la bicyclette a tôt fait de conquérir la France.

L'avenir pourrait apparaître radieux pour le quotidien sportif le Vélo, qui a alors la mainmise sur les courses, si son directeur, Pierre Giffard, dreyfusard convaincu, n'interdisait ses colonnes au comte de Dion, industriel entreprenant mais antidreyfusard notoire. L'homme d'affaires réplique en lançant l'Auto-Vélo (devenu rapidement l'Auto), dont il confie les destinées à un ancien recordman de l'heure, Henri Desgrange, lequel décide d'organiser « la plus grande course cycliste du monde ».

Couru du 1er au 18 juillet 1903, de jour comme de nuit, dessinant une boucle intérieure en six étapes - de Paris à Paris -, ce premier Tour de France connaît un immense succès populaire, voit Maurice Garin triompher et l'Auto « terrasser » le Vélo. Desgrange ne cesse ensuite d'encadrer et d'organiser « son » Tour : les étapes deviennent plus nombreuses, et la course épouse progressivement la forme de l'Hexagone ; la montagne vient durcir l'épreuve ; en 1930, les formations nationales remplacent les équipes commerciales, pour la plus grande joie de l'Action française, qui voit dans la course un moyen de satisfaire son idéologie. Les classements se multiplient : au maillot jaune - apparu dès 1919 - viennent s'ajouter un maillot du meilleur grimpeur, un autre pour la régularité, etc. Des véhicules extra-sportifs apparaissent, embryon de cette caravane et de ce « village » publicitaires qui font désormais du Tour le prétexte sportif d'un gigantesque cirque ambulant aux enjeux économiques déterminants. Car derrière la compétition se cache une véritable entreprise : la Société du Tour de France. Filiale du groupe de presse Amaury - organisateur de l'épreuve depuis 1947 -, elle s'occupe non seulement du quotidien de la course, mais surtout de la mise sur pied de la « Grande Boucle » : négociation avec les villes-étapes, aménagement du parcours avec les autorités administratives, exploitation des droits télévisés, etc.