Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Marguerite de Navarre (ou d'Angoulême), (suite)

Fille de Charles d'Orléans , comte d'Angoulême, et de Louise de Savoie, Marguerite d'Angoulême est la sœur de François Ier - « son seul Soleil », dira-t-elle -, auquel elle restera attachée toute sa vie : durant les premières années du règne, elle tient la première place à la cour, éclipsant même la reine Claude. Mariée à Charles d'Alençon en 1509, puis à Henri d'Albret, roi de Navarre, en 1527, elle ne retire de ces deux unions que des déceptions. Dès les années 1510, elle a découvert avec ferveur l'expérience mystique. La rencontre de Lefèvre d'Étaples, en 1517, et surtout le début de sa correspondance avec Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux, en 1521, constituent des étapes décisives de son évolution religieuse. Séduite par les idées de son directeur spirituel, Marguerite se détourne des pratiques extérieures de la dévotion et aspire à une réforme interne de l'Église ; son itinéraire la conduit même aux confins de la Réforme : protectrice temporaire de Calvin, elle traduit la Paraphrase du Pater Noster de Luther. Des années 1530 datent ses premiers textes poétiques importants, Miroir de l'âme pécheresse (1531) et Dialogue en forme de vision nocturne (1533), écrit à l'occasion de la mort de Charlotte de France, fille du roi. Les deux textes s'attirent les foudres des théologiens sourcilleux : le Miroir n'échappe à la censure de la Sorbonne que grâce à l'intervention de François Ier. Mais ce dernier, sans doute sous la pression des événements religieux, éloigne progressivement sa sœur de la vie politique française. Retirée à Nérac à partir de 1542, elle traverse une période d'amertume liée à la perception du fossé qui se creuse irrémédiablement entre les partis religieux. C'est au cours de ces années qu'elle rédige l'œuvre - inachevée - qui assurera sa fortune littéraire, l'Heptaméron. Ce recueil de nouvelles à la manière de Boccace est pour elle l'occasion d'interroger la variété des options morales et des échelles de valeurs qui coexistent dans la société du temps.

Personnage clé de la première moitié du siècle, Marguerite a su faire de sa cour de Navarre un des foyers les plus brillants de l'humanisme. De nombreux érudits et humanistes ont gravité autour d'elle : Robert Estienne, Bonaventure Des Périers, Marot et Rabelais, qui lui dédia le Tiers Livre. En suscitant des traductions de Platon, notamment celles de Marsile Ficin, elle a joué un rôle d'initiatrice dans l'émergence et la mise en débat du platonisme religieux. Passionnée par les questions de religion, elle incarne la sensibilité inquiète d'une époque qui cherche les voies d'un ressourcement spirituel.

Marguerite de Valois ou de France,

dite la Reine Margot, fille d'Henri II et de Catherine de Médicis ; reine de Navarre puis reine de France par son mariage (Saint-Germain-en-Laye 1553 - Paris 1615).

En faisant célébrer les noces de sa sœur Marguerite et d'Henri de Navarre, le 18 août 1572, Charles IX entend donner aux protestants du royaume un gage de réconciliation. Le cours des événements sera tout autre, puisque le rassemblement de la noblesse calviniste à Paris sera l'occasion, six jours plus tard, du massacre de la Saint-Barthélemy. Durant les mois qui suivent, Henri de Navarre est retenu au Louvre dans une semi-captivité, tout comme le jeune frère de Marguerite, le duc d'Alençon, dont elle embrasse le parti. C'est alors qu'elle entretient des relations amoureuses avec Boniface de La Mole, gentilhomme compromis dans l'affaire de l'évasion du duc d'Alençon et d'Henri de Navarre, et qui sera décapité en 1574. Le romanesque tragique de l'aventure - Marguerite se fait apporter la tête sanglante de son amant - fournira à Alexandre Dumas l'intrigue principale de sa Reine Margot (1845). Après l'échec de ses menées en faveur du duc d'Alençon, Marguerite obtient du nouveau roi Henri III, son troisième frère, l'autorisation de quitter la cour, où elle se sent prise en otage. Elle rejoint son mari dans son royaume de Navarre en 1578. Les époux, qui ne se sont jamais aimés, vivent séparés, et chacun mène de son côté une existence fertile en liaisons amoureuses. Ayant subi des vexations dues à son attachement persistant à la religion catholique, Marguerite retourne au Louvre en 1582. Mais elle reçoit à la cour d'Henri III des affronts qui la font retourner en Béarn. Après avoir mené une vie quelque peu aventureuse, elle est enfermée au château d'Usson, en Auvergne, sur ordre du roi : elle y demeurera de 1587 à 1605, rédigeant ses Mémoires, et multipliant les excentricités (elle fera venir des chameaux pour ses excursions). Henri de Navarre, devenu Henri IV, lui demande néanmoins son consentement pour annuler leur mariage, en 1599. Revenue quelque temps à la cour en 1605, elle fait bâtir une demeure rue de Seine, où elle s'entoure d'une brillante société de lettrés, de poètes et de philosophes.

Aucune princesse de la Renaissance n'a fasciné les chroniqueurs - son contemporain Brantôme, au premier chef - plus que Marguerite de Valois : par sa beauté, son esprit, sa culture, et surtout par cet amoralisme dédaigneux du rôle où les combinaisons politiques prétendaient la maintenir, elle a conquis une place de choix dans la galerie des « dames galantes ».

Marguerite-Marie Alacoque (sainte),

religieuse mystique (Verosvres, Saône-et-Loire, 1647 - Paray-le-Monial 1690).

Tôt orpheline de père, élevée chez les clarisses, puis par des parents qui l'humilient, Marguerite est attirée dès l'enfance par le cloître. Surmontant l'opposition familiale, elle entre en 1671 chez les visitandines de Paray-le-Monial, qu'elle choisit pour leur dévotion mariale. Elle prononce ses vœux le 6 novembre 1672. En 1673, lors de la fête de saint Jean l'Évangéliste, apôtre de l'amour, elle a une première vision : Jésus la « fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine ». L'année suivante, le Sacré Cœur lui apparaît couronné d'épines et surmonté d'une croix. En juin 1675, Jésus lui découvre « ce Cœur qui a tant aimé les hommes » et qui n'en est pas aimé, et demande que l'on répare ces outrages en consacrant une fête au Sacré Cœur. En 1689, il lui ordonne de convaincre Louis XIV d'orner ses étendards de l'image du Sacré Cœur. Maladive, Marguerite-Marie recherche les expiations et s'identifie au Christ souffrant et aimant. Elle doit d'abord affronter l'incrédulité de sa communauté. Néanmoins, encouragée par son confesseur, le Père Claude de La Colombière, elle écrit une autobiographie et une correspondance qui développent la dévotion pour le Sacré Cœur. Préparée par la prédication de Jean Eudes, relayée par les jésuites, cette piété doloriste oriente le catholicisme vers un sentimentalisme qui irrite les jansénistes et imprègne la spiritualité du XIXe siècle. Marguerite-Marie a été canonisée en 1920, et Paray-le-Monial reste un important pèlerinage.