Marguerite de Navarre (ou d'Angoulême), (suite)
Fille de Charles d'Orléans , comte d'Angoulême, et de Louise de Savoie, Marguerite d'Angoulême est la sœur de François Ier - « son seul Soleil », dira-t-elle -, auquel elle restera attachée toute sa vie : durant les premières années du règne, elle tient la première place à la cour, éclipsant même la reine Claude. Mariée à Charles d'Alençon en 1509, puis à Henri d'Albret, roi de Navarre, en 1527, elle ne retire de ces deux unions que des déceptions. Dès les années 1510, elle a découvert avec ferveur l'expérience mystique. La rencontre de Lefèvre d'Étaples, en 1517, et surtout le début de sa correspondance avec Guillaume Briçonnet, évêque de Meaux, en 1521, constituent des étapes décisives de son évolution religieuse. Séduite par les idées de son directeur spirituel, Marguerite se détourne des pratiques extérieures de la dévotion et aspire à une réforme interne de l'Église ; son itinéraire la conduit même aux confins de la Réforme : protectrice temporaire de Calvin, elle traduit la Paraphrase du Pater Noster de Luther. Des années 1530 datent ses premiers textes poétiques importants, Miroir de l'âme pécheresse (1531) et Dialogue en forme de vision nocturne (1533), écrit à l'occasion de la mort de Charlotte de France, fille du roi. Les deux textes s'attirent les foudres des théologiens sourcilleux : le Miroir n'échappe à la censure de la Sorbonne que grâce à l'intervention de François Ier. Mais ce dernier, sans doute sous la pression des événements religieux, éloigne progressivement sa sœur de la vie politique française. Retirée à Nérac à partir de 1542, elle traverse une période d'amertume liée à la perception du fossé qui se creuse irrémédiablement entre les partis religieux. C'est au cours de ces années qu'elle rédige l'œuvre - inachevée - qui assurera sa fortune littéraire, l'Heptaméron. Ce recueil de nouvelles à la manière de Boccace est pour elle l'occasion d'interroger la variété des options morales et des échelles de valeurs qui coexistent dans la société du temps.
Personnage clé de la première moitié du siècle, Marguerite a su faire de sa cour de Navarre un des foyers les plus brillants de l'humanisme. De nombreux érudits et humanistes ont gravité autour d'elle : Robert Estienne, Bonaventure Des Périers, Marot et Rabelais, qui lui dédia le Tiers Livre. En suscitant des traductions de Platon, notamment celles de Marsile Ficin, elle a joué un rôle d'initiatrice dans l'émergence et la mise en débat du platonisme religieux. Passionnée par les questions de religion, elle incarne la sensibilité inquiète d'une époque qui cherche les voies d'un ressourcement spirituel.