Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Molay (Jacques de), (suite)

Né dans une famille noble, c'est sans doute vers 1265 qu'il entre à la commanderie de Beaune, devenant ainsi un membre de l'ordre du Temple. Comme l'ordre de l'Hôpital créé en 1113, l'ordre du Temple, fondé au début du XIIe siècle, est un ordre de chevalerie, à la fois militaire et religieux, qui a pour buts la protection des pèlerins et la défense des Lieux saints. Ainsi, après quelques années passées en Angleterre, Jacques de Molay part pour l'Orient vers 1275, conformément à la vocation des chevaliers de son ordre. Après la perte de Saint-Jean-d'Acre, qui marque la fin du royaume latin de Jérusalem en 1291, le Temple se replie à Chypre, où Jacques de Molay est élu grand maître de l'ordre en 1293. En 1300, il organise, sur la côte syrienne, l'une des dernières expéditions militaires d'envergure des templiers, mais cette offensive contre les Sarrasins échoue. Alors que les hospitaliers ont conquis Rhodes, Jacques de Molay et les templiers entretiennent des relations difficiles avec la royauté chypriote. Molay est alors partisan d'une croisade générale qui s'appuierait sur Chypre, et il se rend en France à la fin de 1306 pour rencontrer le pape d'Avignon, Clément V. Mais, depuis quelques mois, de graves rumeurs circulent au sujet du Temple, qui possède de nombreuses commanderies et une immense richesse foncière. On accuse les templiers d'hérésie, d'idolâtrie, de sodomie, si bien que le pape et le roi Philippe le Bel ordonnent une enquête. En octobre 1307, Jacques de Molay ainsi que des centaines de templiers sont arrêtés en France. Comme les autres membres de son ordre, le grand maître est interrogé, successivement par les agents royaux et les inquisiteurs. Il avoue, dans un premier temps, puis, en décembre 1307, se rétracte, confessant, tout comme d'autres dignitaires, qu'il craignait d'être torturé. Sept ans durant, il reste prisonnier à Paris, attendant d'être entendu par le pape. Les enquêtes sur l'ordre se poursuivent dans tous les diocèses d'Occident, et, dès 1310, plusieurs dizaines de templiers sont condamnés à être brûlés. En mars 1314, Jacques de Molay comparaît finalement devant trois cardinaux, qui le condamnent à la prison à vie. Il rejette alors en bloc toutes les accusations portées contre son ordre, désormais détruit. Le déclarant relaps, le Conseil du roi l'envoie au bûcher le 18 mars 1314.

Molé (Louis Mathieu, comte),

homme politique (Paris 1781 - château de Champlâtreux, Seine-et-Oise, 1855).

Issu d'une illustre lignée de parlementaires, Molé, dont le père est guillotiné en 1794, émigre pendant la Révolution et ne regagne la France que sous le Directoire. Ambitieux, habile, opportuniste, il est remarqué par Napoléon pour ses Essais de morale et de politique (1805). L'Empereur lui confie une préfecture (1807), puis la direction des Ponts et Chaussées (1809). Il le nomme grand juge (ministre de la Justice) en 1813. Rallié aux Bourbons, Molé devient ministre de la Marine, mais il n'apprécie guère les tendances réactionnaires du régime et entre dans l'opposition libérale. En soutenant le duc d'Orléans après les Trois Glorieuses, il assure son avenir sous la monarchie de Juillet : ministre des Affaires étrangères en 1830, il devient président du Conseil en 1836, malgré l'hostilité de Thiers et de Guizot. Serviteur dévoué du roi, fort de l'appui de ce dernier, il promulgue une amnistie générale, prône la non-intervention dans les affaires européennes, soutient l'essor des chemins de fer. Renversé en mars 1839, il siège à la Chambre des pairs comme conservateur à tendance libérale, et s'oppose à Guizot. Sa désignation par Louis-Philippe à la présidence du Conseil pendant la révolution de février 1848 n'évite pas la chute du régime de Juillet. Député de 1848 à 1851, il siège à droite et œuvre à la remise en cause des principes fondateurs de la IIe République (loi du 31 mai 1850 limitant le droit de suffrage). Il quitte les affaires publiques après le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte, qu'il condamne.

Mollet (Guy),

homme politique (Flers, Orne, 1905 - Paris 1975).

Issu d'une famille modeste, le futur professeur d'anglais pratique tôt le syndicalisme étudiant et le militantisme politique dans le cadre de la SFIO. Mobilisé en 1939, fait prisonnier, libéré en 1941, il s'engage dansla Résistance, puis prend la tête de la puissante fédération socialiste du Pas-de-Calais. Nommé secrétaire général de la SFIO en septembre 1946, grâce à une coalition d'opposants à Léon Blum et à Daniel Mayer, l'homme reste très attaché à l'enracinement ouvrier du parti et se montre soucieux de renforcer le rôle des instances partisanes par rapport à celui des députés et des ministres socialistes.

La SFIO est alors électoralement en déclin, mais lui-même bénéficie d'une solide implantation locale : maire d'Arras depuis 1945, conseiller général, député du Pas-de-Calais de 1945 à 1973. Ministre d'État dans le gouvernement Blum (décembre 1946-22 janvier 1947), chargé de l'Europe dans les cabinets Queuille et Pleven (1950-1951), il devient, à la suite de la victoire relative du Front républicain aux élections du 2 janvier 1956, le président du Conseil du plus long gouvernement de la IVe République (1er février 1956-21 mai 1957), alors que beaucoup attendaient la nomination de Pierre Mendès France. Son gouvernement est marqué par des avancées sociales (troisième semaine de congés payés), et par une politique résolument européenne : la création de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) est votée par le Parlement en juillet 1956, et le traité de Rome est signé en mars 1957. La décolonisation constitue l'autre versant de la politique de Guy Mollet : la Tunisie et le Maroc accèdent à l'indépendance en mars 1956, et Gaston Defferre fait adopter la loi-cadre sur les colonies d'Afrique noire ; mais, sur la question algérienne, Guy Mollet renonce à sa volonté d'ouverture, à la suite de son voyage à Alger le 6 février 1956. Il propose alors un projet de règlement très large, incluant un cessez-le-feu, des élections et des négociations, mais le dialogue avec le FLN est progressivement rompu, et la présence du contingent, intensifiée. En butte à l'hostilité d'une partie de la gauche (dont Pierre Mendès France et André Philip), hostilité accrue par l'expédition de Suez, le président du Conseil est alors accusé de pratiquer un « national-molletisme ».