Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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templiers, (suite)

L'organisation de l'ordre et son rôle historique.

• Après des débuts difficiles, l'ordre reçoit l'appui de saint Bernard, qui écrit à son intention la Louange de la nouvelle chevalerie, où il oppose la chevalerie du monde, qui combat au péril de son âme, et la chevalerie du Christ, celle des templiers, conjuguant les vertus des moines et des chevaliers et, ainsi, assurée de gagner le ciel. Dès lors, le recrutement s'amplifie et les donations affluent.

Comme tous les membres d'ordres religieux, les templiers sont soumis au triple vœu d'obéissance, de pauvreté et de chasteté. Mais leur mission première étant la lutte armée contre les Infidèles, les règles monastiques sont adoucies pour eux : méditation, travail manuel et intellectuel et, surtout, jeûnes et abstinences occupent une place réduite, l'accent étant mis sur l'entraînement, l'obéissance, la discipline. L'ordre est très hiérarchisé. À sa tête, le maître, élu à vie ; il s'appuie sur un chapitre (collège de frères) et est assisté d'un maréchal pour les activités militaires. Les chapelains font office de clergé, les chevaliers et les sergents d'armes combattent, et les frères de métiers accomplissent les besognes utilitaires dans les forteresses en Terre sainte et, plus encore, dans les nombreuses maisons ou commanderies que le Temple vient à posséder en Occident, principalement en France (plus de 1 000). Le recrutement des chevaliers s'effectue dans les milieux aristocratiques au XIIIe siècle : il n'est plus ouvert désormais qu'aux nobles. Le manteau blanc (à croix rouge depuis 1143) leur est réservé ; les sergents sont vêtus de bure brune ou noire.

Les possessions du Temple en Europe, généralement bien gérées par les frères, (gestion qui les oppose parfois au clergé séculier jaloux de leurs privilèges, et leur vaut une réputation de richesse excessive et d'avarice) lui permettent de disposer de revenus considérables ; la majeure partie est acheminée en Terre sainte pour entretenir les forteresses et fournir aux frères combattants les chevaux et les armes nécessaires. Ces transferts de capitaux conduisent les templiers à développer des activités de type bancaire (dépôt, change, « lettres de crédit » etc.) qui accroissent leur richesse et excitent les convoitises.

Le rôle historique de l'ordre du Temple n'est pas négligeable. Avec les deux autres ordres guerriers, Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (transformés en ordre militaire entre 1130 et 1140) et chevaliers Teutoniques (créés en 1190), ils forment l'ossature permanente, motivée et disciplinée des contingents chrétiens en Terre sainte, constitués des armées féodales d'Outremer et surtout des croisés temporaires venus d'Occident. Leur connaissance des lieux et des mentalités fut très utile, et leur comportement au combat, souvent héroïque ; Saladin ne s'y trompait pas en faisant décapiter, après sa victoire à Hattin (1187), tous les moines-soldats capturés - à l'exception du maître Gérard de Rideford. Toutefois, la défense des États d'Outremer, entourés d'ennemis, ne pouvait guère se concevoir sans une mobilisation constante de l'Occident. Celle-ci fit souvent défaut et entraîna la perte définitive de la Terre sainte, en 1291.

Disparition de l'ordre et survie d'un mythe.

• Les templiers, qui n'avaient qu'une vocation guerrière, ne voulurent ou ne surent pas fonder un État (comme les Teutoniques en Prusse) ni se consacrer à une mission hospitalière et humanitaire (comme les Hospitaliers) ; leur richesse supposée, leur inaction depuis la chute de l'Orient latin et leur refus de se fondre en un ordre unique dirigé par le roi de France poussèrent Philippe le Bel à organiser contre eux des procès qu'à notre époque on qualifierait de « staliniens » ; arrêtés en 1307, les templiers « avouèrent », sous la menace et la torture, tout ce qu'on leur soufflait : mœurs dissolues, sodomie, idolâtrie, hérésie, etc. Beaucoup se rétractèrent peu après et furent donc brûlés comme « relaps ». La pression royale sur le pape Clément V conduisit celui-ci à les abandonner : en 1312, l'ordre fut supprimé et ses biens attribués aux Hospitaliers et à quelques autres ordres militaires d'Espagne et du Portugal, où les templiers avaient également participé à la Reconquête chrétienne sur les musulmans.

Cette disparition dramatique de l'ordre du Temple et ses richesses, supposées cachées, ont fait naître tout au long de l'histoire des spéculations multiples, sans fondement historique. Une partie de la franc-maçonnerie s'est réclamée d'une origine templière secrète, ainsi que divers mouvements ésotériques, souvent farfelus ou dangereux, qui se prolongent (ou renaissent) jusqu'à nos jours.

Temps (le),

quotidien du soir fondé par Auguste Nefftzer, en avril 1861.

Malgré un tirage relativement limité par rapport à celui des grands journaux populaires d'alors, le Temps s'est imposé comme un organe de presse de référence sous la IIIe République. Dirigé par Adrien Hébrard de 1872 à 1914, puis par ses fils jusqu'en 1929, ensuite par un consortium d'actionnaires issus du grand patronat (parmi lesquels François de Wendel et les Rothschild), le Temps défend, en politique intérieure, une ligne républicaine modérée. Proche des idées de Jules Ferry, anticlérical, antiboulangiste, dreyfusard sur le tard, il se situe d'abord au centre gauche. Mais, dans l'entre-deux-guerres, sa méfiance à l'égard des radicaux, son hostilité aux socialistes et son anticommunisme le font basculer nettement vers le centre droit. La rédaction du Temps a cependant toujours affirmé son indépendance à l'égard des partis. Ce journal sérieux, bien écrit et bien informé se caractérise avant tout par la qualité de ses analyses en politique étrangère ; il apparaît ainsi, en France et dans le reste de l'Europe, comme le porte-parole officieux du Quai d'Orsay.

Après la défaite de 1940, le journal s'installe à Lyon, où, favorable au régime de Vichy, il continue de paraître jusqu'au 29 novembre 1942. Cette attitude lui vaut, à la Libération, une interdiction de se reconstituer. Le pouvoir issu de la Résistance préfère appuyer la fondation d'un nouveau quotidien, le Monde, qui occupe le créneau laissé libre par le Temps. Au journal de référence de la IIIe République succède ainsi, à la même adresse, rue des Italiens, celui de l'après-guerre.