Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Louis VI le Gros, (suite)

L'affirmation de la monarchie.

• En la personne de Suger (1081-1151), abbé de Saint-Denis, Louis VI trouve un administrateur hors pair, dont il fait son principal conseiller politique, après avoir subi l'emprise du sénéchal Étienne de Garlande. Louis VI se consacre alors à la pacification du domaine royal, puis à son agrandissement. En 1110, il défait son propre demi-frère Philippe de Montlhéry, puis Hugues du Puiset, l'année suivante, et de nombreux autres seigneurs, notamment Hugues de Crécy et Thomas de Marle, sire de Coucy, en 1130. Il rattache alors leurs terres au domaine royal. Jointes à une habile politique matrimoniale ainsi qu'à une application du droit féodal, ou encore à l'achat de terres, ces conquêtes militaires permettent de soumettre progressivement les seigneurs insurgés d'Île-de-France.

En même temps qu'il affermit son autorité sur le domaine royal, Louis VI sait jouer des forces économiques nouvelles et de l'accélération de la croissance urbaine pour faire reculer l'autorité féodale exercée sur les villes. Il tente ainsi de limiter le pouvoir des seigneurs en encourageant le mouvement communal sur les fiefs de ses vassaux. La création de communautés rurales (telle celle de Lorris, en Gâtinais) participe de la même volonté de se soustraire aux solidarités juridiques de la féodalité.

Rivalités et conflits.

• Au-delà du domaine royal, Louis VI s'emploie encore à exercer la justice royale dans les grands fiefs seigneuriaux. Il exige l'hommage de ses vassaux et réussit ainsi à soumettre les ducs d'Aquitaine et de Bourgogne. Grâce à l'aide de ses vassaux, il peut, en 1124, faire reculer l'empereur germanique Henri V, gendre et allié d'Henri Ier d'Angleterre, qui s'apprête à envahir le royaume. Mais il doit aussi faire face aux prétentions de certaines principautés et, notamment, aux revendications territoriales de son vassal Henri Ier Beauclerc, duc de Normandie et roi d'Angleterre. À partir de 1109, la rivalité qui oppose ce dernier au roi de France s'épuise en guerres incessantes. Marquées par de graves défaites (abandon du Vexin normand, à Brémule, le 20 août 1119), celles-ci durent pendant plus de vingt cinq ans. Ce conflit est ravivé par le soutien qu'apporte le roi aux prétentions de Robert II Courteheuse - dépouillé de la Normandie par son frère Henri Ier - puis, à partir de 1120, de son fils Guillaume Cliton au trône d'Angleterre. Mais Louis VI ne réussit pas davantage à imposer ce dernier en Flandre. S'il a tenté une première fois de mettre en échec la coalition qui se dessine entre l'Empire, l'Angleterre, la Normandie et les maisons alliées de Blois et de Champagne, il doit faire face, en 1127, à une seconde menace : l'alliance entre l'Angleterre, la Normandie, la Flandre et l'Anjou. Pour écarter le péril que représente la maison de Blois-Champagne, Louis VI associe au trône, dès 1129, son fils aîné, Philippe, qui meurt accidentellement le 13 octobre 1131, puis son deuxième fils, le futur Louis VII, en 1131.

À la fin du règne de Louis VI, le domaine royal s'étend de l'Île-de-France aux Pyrénées (par le mariage du futur Louis VII avec l'unique héritière du duc d'Aquitaine). La fonction royale commence à s'affirmer comme symbole de l'autorité souveraine, théorisée par Suger dans sa Vie de Louis VI le Gros.

Louis VII le Jeune,

roi des Francs de 1137 à 1180 (vers 1120 - Paris 1180).

Deuxième fils de Louis VI et d'Adélaïde de Savoie, Louis VII continue la politique d'affermissement de la monarchie capétienne menée par son père sous la conduite de l'abbé de Saint-Denis, Suger. Associé au trône du vivant de son père, dès 1131, il est sacré à Reims le 25 octobre de la même année par le pape Innocent II. Dès le début de son règne, Louis VII poursuit la mise en valeur du domaine royal, au moyen des défrichements ou des concessions de privilèges aux communautés rurales. Il apporte également son soutien au mouvement d'émancipation des villes en accordant de nombreuses chartes de bourgeoisie (Étampes, Bourges).

Le conflit avec l'Église.

• Cependant, en 1141, il se heurte à l'autorité de l'Église dans le violent conflit qui l'oppose au pape Innocent II et au comte Thibaud IV de Champagne, à propos de l'élection de l'archevêque de Bourges. Excommunié par le pape pour son intervention dans l'élection épiscopale - qui pose le problème du partage des pouvoirs entre l'Église et la royauté -, Louis VII mène ensuite une guerre assidue contre le candidat d'Innocent II. Réfugié en Champagne, il fait brûler 1 300 personnes dans l'église de Vitry, en 1142. Pour faire lever l'interdit mis par le pape sur le royaume, il accepte finalement l'élection de Pierre de La Châtre, qui marque la fin de la crise des relations entre la France et le souverain pontife. La conciliation est effective en 1144.

Entendant manifester sa foi et surtout son désir de ne pas laisser au pape l'initiative de la croisade en Terre sainte, le roi décide de porter secours aux chrétiens de Syrie, à la suite de la prise d'Édesse, en décembre 1144. Premier roi de France à prendre la croix, à l'occasion de la deuxième croisade prêchée par saint Bernard, il laisse alors le royaume en régence à l'abbé Suger pendant son absence, de 1147 à 1149. À son retour, il doit mener un combat difficile dont l'enjeu est la survie de la dynastie capétienne.

L'expansion anglaise.

• La prononciation, en mars 1152, de son divorce avec Aliénor d'Aquitaine, qu'il a épousée en 1137, rend possible le mariage de celle-ci avec Henri Plantagenêt. Or, ce remariage permet la constitution d'un vaste domaine féodal - allant de la Normandie à l'Aquitaine - qui échappe à la couronne de France. De 1152 à 1180, un long conflit, entrecoupé de trêves, oppose Louis VII à Henri Plantagenêt, devenu roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II, en 1154. Pour lutter contre les prétentions de la maison Plantagenêt sur les possessions françaises dans l'Ouest et dans le Midi (notamment en Aquitaine), Louis VII renoue d'abord avec la maison de Blois-Champagne et mène une habile politique matrimoniale (mariage en troisièmes noces avec Adèle de Champagne, sœur des comtes de Blois et de Champagne, en 1160). Ne réussissant pas à affaiblir son adversaire, Louis VII finit par soutenir l'archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket (1118-1170), et les fils révoltés d'Henri II. Exploitant ainsi les rivalités au sein de la maison des Plantagenêts, le roi ne parvient cependant pas à empêcher la suzeraineté d'Henri II sur le sud de la France.