Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Code pénal,

ensemble codifié des règles de fond régissant les infractions et la responsabilité pénale, dont la première version a été adoptée en France en 1791.

Rompre avec la justice d'Ancien Régime.

• La seconde moitié du XVIIIe siècle est marquée par un fort mouvement en faveur d'une réforme du droit pénal, qu'illustre la publication en 1764, par l'Italien Beccaria, du traité Des délits et des peines. Traduit en français dès 1765, ce texte fondamental est accueilli avec enthousiasme par les Philosophes. Contre la justice d'Ancien Régime, caractérisée par la confusion, la cruauté, l'arbitraire de peines inégales selon le statut social des coupables, Beccaria pose comme principe que toute peine doit être « proportionnée au délit et déterminée par la loi », et qu'elle ne doit pas être inutile ou cruelle (rejet de la torture et de la peine de mort). Ces idées triomphent en France avec la Révolution, qui les inscrit dans la Déclaration des droits de 1789 (article 8 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », et non rétroactives). Dès septembre 1789, considérant que le droit pénal d'Ancien Régime est incompatible avec la liberté, l'Assemblée constituante crée un « Comité pour la réforme de la jurisprudence criminelle », qui élabore un Code pénal complétant la loi du 21 janvier 1790 relative aux délits et aux crimes. ×uvre d'importance, le Code pénal est adopté par les députés le 25 septembre 1791.

Le principe fondamental de ce code réside dans l'équation peine-délit : les mêmes délits sont punis par les mêmes peines, « quels que soient le rang et l'état du coupable » (les nobles étaient par exemple décapités et non pendus) ; et, « quelle que soit la nature du délit », la peine de mort ne sera plus donnée que sous une seule forme, à savoir la décapitation sans supplice. Est également affirmé le principe de l'individualité de la peine : « le crime étant personnel », la famille du coupable ne doit plus être frappée d'« infamie » juridique. Le Code pénal supprime aussi les « crimes imaginaires » (l'hérésie, la magie, et le suicide, pour lequel on faisait un procès à la mémoire du défunt).

L'autre idée directrice est que « toute peine doit être humaine » (Le Pelletier de Saint-Fargeau, rapporteur du comité). En effet, le but de la loi et des sanctions n'est pas de venger ou de punir par « plaisir cruel », mais « de corriger l'homme et de le rendre meilleur » (Pétion de Villeneuve). Conçues comme ayant une valeur rééducative fondée en premier lieu sur le travail, elles doivent permettre au coupable de se réinsérer à terme dans le corps social (aucune peine n'est ainsi perpétuelle, et la prison n'est qu'« un lieu de passage »). Après un long débat, l'Assemblée maintient cependant la peine de mort, qu'il était initialement prévu d'abolir.

L'évolution du Code pénal.

• Complété par quelques dispositions, le Code de 1791 est appliqué pour les crimes de droit commun jusqu'à l'adoption du Code napoléonien de 1810. Rompant avec certains idéaux des révolutionnaires (valeur rééducative de la peine), mieux accordé aux valeurs dominantes de propriété et d'autorité, le Code pénal de 1810 reprend cependant plusieurs principes de celui de 1791 : égalité juridique, individualisation de la peine proportionnée au délit et inscrite dans la loi. En revanche, le principe de la fixité des peines est abandonné au profit du libre choix par le juge entre un minimum et un maximum.

Le Code pénal napoléonien va rester en vigueur pendant près de deux siècles, malgré révisions et remaniements. Une refonte complète est finalement engagée et un nouveau Code, adopté par le Parlement en 1992, entre en application le 1er mars 1994. Mis à part l'introduction de la responsabilité pénale - et non plus seulement civile - des personnes morales, il ne représente pas une rupture fondamentale mais correspond à l'évolution de la société et des mœurs, intégrant les lois prises en matière pénale depuis 1810 (abandon du délit d'adultère, création de peines de substitution à l'incarcération, définition des incriminations de génocide, crime contre l'humanité et de nouveaux délits tels que le recel ou le terrorisme, etc.).

Cœur (Jacques),

financier (Bourges, Cher, vers 1395 - Chio, Grèce, 1456).

Fils de l'un des plus riches marchands pelletiers de Bourges, marié à la fille du prévôt de la ville, ce représentant de la bourgeoisie berrichonne est d'abord un commerçant d'envergure moyenne, qui, s'il ne manque pas d'audace, subit d'amples déboires au tournant des années 1430. Il fait fortune lorsque, de Montpellier, il monte un réseau de relations commerciales avec d'importantes places méditerranéennes (Gênes, Barcelone, Naples, Alexandrie, Chypre et Rhodes) : ses navires rapportent des épices et des soieries ; il s'approvisionne en draps, fourrures, toiles et armes à Genève et à Bruges. Sa puissance se renforce avec l'installation de la cour royale dans la vallée de la Loire, à l'occasion de la poussée anglaise au début du XVe siècle, en pleine guerre de Cent Ans. Le dauphin Charles, établi à Bourges de 1418 à 1423, est séduit par le talent de Cœur et le nomme maître des monnaies (1436), puis argentier (1438), c'est-à-dire intendant de la Maison du roi, fournisseur de la famille royale et de la cour, auxquelles il procure étoffes, bijoux, meubles, armes, fourrures. Il est l'un des principaux réorganisateurs des finances royales ; il contrôle ainsi la collecte des impôts en Languedoc et en Guyenne, et celle de la gabelle. Il comble les besoins de trésorerie de la monarchie en lui octroyant de fortes avances, en particulier pour la reconquête de la Normandie en 1449-1450. Il fait crédit à ses acheteurs, la Maison du roi et la cour, ainsi qu'à ses fournisseurs, armuriers et lombards qui transforment Tours en un centre de fabrique et d'importation d'armures à l'italienne. Investisseur avisé, il finance une teinturerie à Montpellier, une fabrique de papier, des mines d'argent, de cuivre et de plomb en Lyonnais et en Beaujolais, des chantiers navals à Aigues-Mortes. Il soutient le grand commerce, prêtant aux armateurs, achetant des navires ou des parts de navires. Sa puissance culmine quand il est anobli en 1441 et accède au Conseil du roi en 1442. Il se constitue un patrimoine foncier composé de seigneuries dans le Berry ou en Bourbonnais, et se fait édifier un bel hôtel particulier à Bourges, ville dont son fils devient archevêque en 1446. Mais, accusé par ses rivaux d'extorsion de fonds et du meurtre d'Agnès Sorel, la maîtresse du roi, il est arrêté en 1451. Ses biens sont confisqués en 1453 ; il est emprisonné et condamné à une lourde amende de 400 000 écus. Il parvient à s'échapper, reprend son commerce est-méditerranéen et se met au service du pape Calixte III dans sa lutte contre les Turcs ; il commande la flotte qui fait voile vers Rhodes, mais meurt au cours de cette expédition.