Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Philippe II le Hardi, (suite)

La minorité puis la folie de son neveu Charles VI (1380-1422) entraînent Philippe le Hardi à jouer un rôle déterminant dans les affaires du royaume de France. Entre 1382 et 1388, sous le « gouvernement des oncles », il dirige le royaume et réprime en particulier les nombreuses émeutes antifiscales qui secouent les villes. Écarté en 1388, il retrouve sa position en 1392, mais, jusqu'à sa mort, il s'oppose de plus en plus vigoureusement au frère du roi, Louis d'Orléans, pour la direction des affaires, la nomination des officiers royaux et surtout le contrôle du produit des impôts.

Philippe III le Bon,

duc de Bourgogne de 1419 à 1467 (Dijon 1396 - Bruges 1467).

Fils unique de Jean Sans Peur et de Marguerite de Bavière, Philippe le Bon devient duc de Bourgogne à l'âge de 23 ans, après l'assassinat de Jean Sans Peur à Montereau, le 10 septembre 1419, au cours de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Pour venger son père, il s'allie avec les Anglais et signe le traité de Troyes de 1420 qui consacre le démembrement du royaume, dont la partie orientale est contrôlée par la Bourgogne, la partie occidentale et Paris, par les Anglais. Le dauphin Charles, déshérité par le traité, se réfugie à Bourges. Espérant prendre part au gouvernement du royaume après la mort de Charles VI, en 1422, Philippe le Bon marie sa sœur Anne au duc de Bedford, régent en France pour Henri VI d'Angleterre. Mais ce dernier n'entend pas partager le pouvoir et le duc de Bourgogne se rapproche bientôt du « roi de Bourges », comme on appelle alors Charles VII, en quête de légitimité. D'abord neutre - il laisse passer la chevauchée de Jeanne d'Arc et du roi vers Reims, en 1428 -, Philippe le Bon entame à partir de 1432 les négociations qui aboutissent en 1435 au traité d'Arras, marque de la réconciliation franco-bourguignonne. Philippe le Bon est, sa vie durant, dispensé de l'hommage au roi de France.

Ainsi émancipé, le duc se consacre à étendre ses États, faisant basculer l'État bourguignon vers la Flandre. Il recueille les fruits de la politique matrimoniale et territoriale de ses prédécesseurs : le comté de Namur en 1421, le duché de Brabant avec Anvers et Malines en 1430, le Hainaut, la Hollande, la Zélande et la Frise de 1428 à 1432, le Luxembourg en 1433, Utrecht et Liège en 1455. Philippe le Bon est alors maître de toute la façade de la mer du Nord et d'un arrière-pays incomparable. Son territoire commence à s'étendre vers Thionville et lorgne sur la basse Lorraine, région intermédiaire entre ses domaines flamands et bourguignons. Ses possessions, qui abritent 5 à 7 millions d'habitants, font de lui le « grand duc du Ponant ». Ses États s'organisent : universités, chambres des comptes et cours de justice s'implantent dans la partie flamande comme dans la partie bourguignonne. La cour du duc se veut aussi le reflet de sa grandeur : il crée en 1430 l'ordre de la Toison d'or, destiné à rassembler dans un idéal chevaleresque les principales personnalités flamandes et bourguignonnes. Amateur de luxe et de faste, il entretient des artistes tels Jan Van Eyck ou Rogier Van der Weyden. Le « vœu du faisan », le 17 février 1454, reflète les goûts du duc pour le faste et la chevalerie : au cours d'un banquet à Lille, qui rassemble la cour et la Toison d'or, il s'engage avec son fils à délivrer Byzance tombée aux mains des Turcs.

Les dernières années de son règne sont marquées par un déclin, et ses rapports avec Charles VII s'aigrissent. Il protège le futur Louis XI en lutte contre son père, mais abandonne bientôt les rênes du pouvoir à son fils Charles. À sa mort, le plus grand des ducs de Bourgogne laisse à Charles le Téméraire la perspective d'une couronne que lui a refusée, en 1453, l'empereur Frédéric III de Styrie. La survie de l'État bourguignon dépend alors de ce que saura en faire son héritier.

Philippe III le Hardi,

roi de France de 1270 à 1285 (Poissy 1245 - Perpignan 1285).

Entre les figures écrasantes de son père Saint Louis et de son fils Philippe le Bel, Philippe III paraît un roi faible, soumis à son entourage, sans charisme ni vue politique. Ce second fils de Saint Louis et de Marguerite de Provence devient l'héritier royal à la mort de son frère Louis, en 1260. Marié à Isabelle d'Aragon, il est roi et veuf lors du long cortège funéraire qui ramène de Tunis les corps de Saint Louis, mort le 25 août 1270, de Jean de Nevers son fils, de Thibaut V de Navarre, et de la jeune reine.

Les quelque quinze années du règne de Philippe III sont tout entières marquées par les tentatives d'extension du royaume vers le Sud et les Pyrénées. À la mort d'Alphonse de Poitiers (frère de Saint Louis) et de son épouse Jeanne de Toulouse, la couronne se saisit de l'ensemble de leurs terres : le comté de Toulouse, dot de Jeanne, la sénéchaussée de Poitou et la terre d'Auvergne, apanage d'Alphonse. Mais l'Agenais et la Saintonge sont revendiqués par le roi d'Angleterre, qui les obtient au traité d'Amiens de 1279, et le Comtat Venaissin par le Saint-Siège, à qui il échoit en 1274 ; les apanages sont réclamés par Charles d'Anjou, oncle du roi, débouté par le parlement en 1284. Maître du comté de Toulouse, le roi de France se tourne vers la péninsule Ibérique (Navarre, Castille, Aragon). La Navarre vit des temps troublés : l'héritière, Jeanne, est ramenée par sa mère Blanche d'Artois à la cour de France. Jeanne est promise au prince héritier Philippe (futur Philippe le Bel) et Robert d'Artois rétablit la paix en Navarre en 1277. En Castille, Philippe III se sent tenu de protéger ses neveux Alphonse et Ferdinand de la Cerda, enfants du fils aîné d'Alphonse X le Sage et de Blanche de France, écartés de la succession par leur oncle Don Sanche. Jusqu'en 1285, la guerre entre la France et la Castille menace. C'est pourtant avec l'Aragon qu'elle éclate. Lorsque le favori du roi, Pierre de La Brosse, est éliminé de l'entourage royal en 1278, la reine Marie de Brabant prend plus d'ascendant sur Philippe III, et avec elle Charles d'Anjou, affaibli depuis la mort de son frère Saint Louis. Implanté dans le royaume de Naples et en Sicile, Charles d'Anjou est l'adversaire direct de l'Aragon en Méditerranée. Pierre III d'Aragon est probablement l'instigateur des Vêpres siciliennes, qui, le 30 mars 1282, jettent les Français hors de Sicile. Le pape Martin IV excommunie le roi d'Aragon, dont il offre le royaume à l'un des fils de France, Charles de Valois, cadet de Philippe III. Les barons français hésitent puis acceptent de partir en croisade contre l'Aragon. En mai 1285, l'armée française envahit la Catalogne mais s'épuise au siège de Gérone. Très malade, Philippe III meurt à Perpignan, dans des circonstances qui rappellent celles de la mort de Saint Louis.