Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Strasbourg (serments de), (suite)

Il y a en effet deux serments, prononcés tour à tour. Chacun des deux prétendants s'engage dans la langue de son allié : Charles le Chauve dans celle de Louis, la lingua teudisca, l'ancêtre de l'allemand, et Louis dans celle de Charles, la lingua romana rustica. C'est donc un « germanique » qui prononce le premier texte français connu, que Nithard, un historien de l'époque, consigne en langue vulgaire.

Bien qu'il laisse entrevoir l'évolution vers ce qui sera l'ancien français, le texte reste marqué par le latin, sur le plan du vocabulaire, de la morphologie verbale et de la syntaxe. Il n'est en fait qu'un point de repère commode dans l'histoire du français et de la France. Parler « du » serment de Strasbourg, en effet, implique qu'on insiste sur la langue ; évoquer « les » serments de Strasbourg revient à souligner qu'ils annoncent la naissance de la féodalité en consacrant la fin de l'unité impériale bâtie sous Charlemagne. Dans les deux cas, il s'agit d'un acte symboliquement fondateur.

Stresa (conférence de),

conférence diplomatique réunissant, en avril 1935, à Stresa (Piémont), l'Italie, la France et la Grande-Bretagne, dans le but de constituer un front commun face à l'Allemagne.

Après les premiers entretiens Laval-Mussolini et le retour de la Sarre à l'Allemagne (janvier 1935), un rapprochement s'esquisse entre les gouvernements français et italien afin de faire face aux ambitions allemandes en Autriche (tentative d'Anschluss, juillet 1934) et de réagir à la politique hitlérienne (annonce de la constitution d'une armée de l'air et rétablissement du service militaire, en mars 1935, donc abrogation unilatérale des clauses militaires du traité de Versailles). Du 11 au 14 avril 1935, la conférence de Stresa réunit Mussolini pour l'Italie, Laval et Flandin pour la France, Ramsay MacDonald et John Simon pour la Grande-Bretagne. Alors que Français et Italiens souhaitent adopter des mesures susceptibles de porter un coup d'arrêt à l'expansion allemande, les Britanniques refusent de prendre des engagements fermes, autres que moraux. En dépit de ces divergences, et d'un communiqué final aussi vague que décevant, cette conférence est présentée comme la preuve qu'un « pacte » aurait été conclu. Mais les hésitations de Laval, la « politique d'apaisement » des Britanniques, les ambitions de Mussolini, ne permettent pas en fait d'élaborer une alliance destinée à contenir Hitler. « Il n'y eut pas, contrairement à la légende, de front de Stresa » (Jean-Baptiste Duroselle) : l'affaire éthiopienne (octobre-décembre 1935) devait d'ailleurs sonner le glas des « illusions de Stresa » (Léon Noël), en provoquant la rupture avec l'Italie.

Struthof (camp du),

camp de concentration bâti pendant la Seconde Guerre mondiale à Natzwiller, près du lieu-dit Struthof, au sud-ouest de Strasbourg, en Alsace alors annexée par l'Allemagne.

Sa construction est décidée dès septembre 1940, dans le but de fournir de la main-d'œuvre pour des carrières de granit.

Les 21 et 24 mai 1941 arrivent au camp deux groupes de déportés en provenance de Sachsenhausen : des condamnés de droit commun et des prisonniers politiques allemands et autrichiens, qui sont affectés à la construction. Le nombre d'internés augmente à partir du printemps 1942. En 1944, ils sont plus de 7 000, divisés en trois commandos chargés de travaux de terrassement et de la construction de routes. Des milliers de détenus supplémentaires sont envoyés en commandos extérieurs, notamment dans la vallée de la Moselle et du Neckar. Le camp comporte dix-huit baraquements, disposés sur deux rangs et en paliers sur une pente de 30 % ; les conditions d'internement y sont extrêmement dures : isolement total, exécutions sommaires, tortures, sous-alimentation et humiliations quotidiennes sont le lot de tous les prisonniers. Le taux de mortalité est particulièrement élevé. Sous la direction du SS Hauptsturmführer Hüttig jusqu'en février 1942, puis de Zill jusqu'en octobre 1942, suivi de Josef Kramer et enfin de Fritz Hartjenstein à partir de mai 1944, 200 SS tiennent le camp, dont 150 sont affectés à la surveillance. Ils sont secondés par des détenus, en général de droit commun, aussi cruels que leurs geôliers.

Les Nacht und Nebel (« Nuit et brouillard », prisonniers politiques considérés comme particulièrement dangereux), signalés par d'immenses lettres NN barbouillées en rouge sur leurs vêtements, sont soumis à un régime extrêmement sévère. Les premiers NN français arrivent en juillet 1943, en trois convois (167 hommes). Ils sont rejoints d'avril à fin août 1944 par de nombreux autres, dont plus d'une centaine de membres du réseau Alliance, qui seront exécutés.

Le tribunal militaire de Metz a établi, dans son audience du 15 juin 1954, qu'en trois ans et demi sont morts, au camp de Natzwiller, 4 471 Français, 4 500 Polonais, 508 Néerlandais, 353 Luxembourgeois, 307 Belges ainsi que des Allemands, Autrichiens, Tchèques, Russes, Norvégiens et Italiens, dont le nombre n'a pas été évalué. Les morts étaient incinérés dans un four crématoire, d'abord mobile, puis fixe à partir d'octobre 1943 et installé à l'intérieur même de l'enceinte électrifiée. Une chambre à gaz fut construite en août 1943, dans les dépendances de l'hôtel du Struthof. Le professeur August Hirt y a gazé 86 Juifs (dont trente femmes), envoyés d'Auschwitz, dans le but d'étudier leurs cadavres, qui, à la Libération, ont été retrouvés à l'université de Strasbourg, conservés dans du formol. D'autres expériences ont été pratiquées par Otto Bickenbach sur des Juifs et des Tziganes, pour tester leur résistance au gaz ou pour vérifier l'efficacité d'injections antityphus.

Du 31 août au 4 septembre 1944, tous les détenus sont évacués à Dachau, en trois convois. Le camp est libéré le 23 novembre et accueille ensuite des miliciens et des Alsaciens accusés de collaboration avec l'Allemagne nazie. Le camp sera rasé le 29 mars 1954. Ne subsistent aujourd'hui que le bunker, le crématoire, la cuisine des prisonniers et la baraque no 1, transformée en musée.

Succession d'Autriche (guerre de la),

conflit qui, de 1740 à 1748, met aux prises la plupart des puissances européennes, opposant notamment la Prusse, la France, la Bavière, la Saxe et l'Espagne à l'Autriche et l'Angleterre.