Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

levée en masse, (suite)

Le décret, plus politique que militaire, d'août 1793.

• Devant la persistance du péril extérieur au printemps 1793, l'idée d'une levée en masse s'impose dans les milieux populaires. Il ne s'agit certes pas de provoquer un départ de toute la population vers les frontières mais de proclamer la nécessité de l'unité de tous pour gagner la guerre. Les sans-culottes veulent en finir avec les passe-droits, les inégalités et les exemptions. Selon l'historienne Annie Crépin, la levée en masse évoque non seulement le nombre mais surtout « la communauté de pensée de ceux qui allaient partir » : c'est « une insurrection du peuple qui se porte en avant de l'armée dans un effort subit et momentané ». Cette exigence devient de plus en plus présente dans les revendications des sans-culottes à l'été 1793 ; elle est reprise officiellement par la Commune de Paris, le 4 août. Le Comité de salut public est, quant à lui, plutôt réticent : on craint qu'une telle mesure n'ajoute à la confusion. Par ailleurs, la levée en masse pose autant de problèmes qu'elle n'en résout. Comment acheminer les requis ? Comment les équiper ? Malgré ces questions qui restent en suspens, un décret est adopté, le 23 août. Sa formulation atteste son caractère avant tout politique : les hommes, les femmes, les enfants, les vieillards, sont placés en état de « réquisition permanente pour le service des armées », mais seuls les « jeunes gens iront au combat » (en fait, les célibataires de 18 à 25 ans). Le remplacement est aboli, et les seules exemptions concernent les ouvriers de l'armement.

Des problèmes subsistent quant à l'application du décret, en particulier dans les campagnes, car le paysan pauvre dont les fils sont réquisitionnés ne peut pas, comme le riche, les remplacer par des manouvriers. Bien évidemment, les abus et les exemptions médicales frauduleuses ne manquent pas, mais les sociétés populaires et les représentants en mission veillent. Les militants révolutionnaires ne se contentent pas de réprimer l'insoumission, les troubles ou les abus : ils « organisent » l'émulation patriotique par des fêtes civiques et par le rappel des conquêtes révolutionnaires qu'il s'agit de défendre.

Si ses objectifs ne sont pas complètement atteints, la levée en masse permet tout de même d'envoyer environ 300 000 hommes aux armées. Elle suscite des résistances, surtout dans les campagnes, mais d'une ampleur bien moins grande que la levée de mars 1793.

Leygues (Georges),

homme politique (Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne, 1857 - Saint-Cloud 1933).

Georges Leygues, qui commence sa carrière comme avocat et journaliste, avant d'être élu député en 1885, fait partie de ce personnel ministériel qui marque la IIIe République des années 1890 aux années 1930. Républicain modéré, dirigeant de l'Union démocratique, groupe de centre droit qu'il préside au début du siècle (1904), il anime l'Alliance démocratique après la Première Guerre mondiale. De 1894 à 1902, il est ministre de l'Instruction publique dans les cabinets Charles Dupuy, de 1894 et 1898, et dans le gouvernement Waldeck-Rousseau, de 1899 à 1902. À ce titre, il est à l'origine de la loi du 31 mai 1902 réformant l'enseignement secondaire. Ministre des Colonies dans le gouvernement Sarrien (1906), il doit attendre dix ans avant de retrouver un poste, comme ministre de la Marine dans le cabinet Clemenceau (1917-1920). Il est choisi comme président du Conseil par Alexandre Millerand lorsque celui-ci est élu à la présidence de la République, en septembre 1920. Jugé trop dépendant de Millerand, il est renversé en janvier 1921, après avoir fait voter la reprise des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. C'est comme ministre de la Marine qu'il se montre le plus actif, poste qu'il retrouve dans le cabinet Poincaré de juillet 1926, et conserve jusqu'en 1933, avec une interruption en 1931-1932. Il est l'auteur, en janvier 1920, d'un premier projet de loi sur la reconstruction de la flotte militaire ; ses efforts permettent à la marine d'être modernisée et de conserver son rang.

L'Hospital (Michel de),

homme politique (Aygueperse, Puy-de-Dôme, vers 1505 - Belesbat, près d'Étampes, 1573).

Son père ayant suivi le connétable de Bourbon dans son exil italien, Michel de L'Hospital fait de brillantes études juridiques à l'université de Padoue, avant d'y enseigner le droit civil. De retour en France, il jouit d'une solide réputation de juriste humaniste, qui lui vaudra une rapide ascension. Conseiller au parlement de Paris en 1537, chancelier particulier de Marguerite de Valois en 1550, il devient premier président de la Chambre des comptes en 1554. Parallèlement à son activité de magistrat, il protège les poètes de la Pléiade, qui lui dédient de nombreuses pièces en témoignage de reconnaissance. Sa carrière politique commence en mars 1560, lorsque François II, sous l'impulsion de Catherine de Médicis, le nomme chancelier de France pour mener une politique religieuse d'apaisement. Partisan de la tolérance, il tente d'endiguer la répression consécutive à la conjuration d'Amboise. Après la mort de François II, en décembre 1560, il tient aux états généraux d'Orléans un discours marqué par un double objectif de réforme administrative et d'harmonie confessionnelle. Nourri de l'optimisme humaniste, il prône, pour combattre les protestants, l'emploi de la parole et de la prière plutôt que de la force armée. Mais il se heurte rapidement aux réticences du parlement et à l'opposition de la maison de Guise. La réunion d'un concile national où seront invités les représentants des réformés n'en est pas moins décidée. La harangue inaugurale que Michel de L'Hospital prononce au colloque de Poissy, en septembre 1561, rencontre l'intransigeance conjuguée des deux adversaires, Théodore de Bèze, chef de la délégation protestante, et le cardinal de Lorraine. Il conserve néanmoins le soutien de Catherine de Médicis, qui entend conduire les deux partis à un compromis. En signant l'édit de Janvier (1562), il accorde la liberté de culte aux réformés dans certaines limites, mais exaspère la réaction des Guises, qui se livrent, deux mois plus tard, au massacre de Wassy. Abandonnant peu à peu son attitude modérée, Catherine de Médicis rend le chancelier responsable des violences qui secouent le royaume, et finit par le renvoyer en 1568. Michel de L'Hospital échappe de peu au massacre de la Saint-Barthélemy, en 1572, et meurt quelques mois plus tard. Écrivain de talent, il laisse, outre des poèmes latins, un Traité de la réformation et des Harangues. Sa politique de conciliation religieuse, qui s'est soldée par un échec total, n'a eu sans doute que le défaut d'intervenir trop tôt : la France des années 1560-1570 n'était pas mûre pour un compromis confessionnel.