Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Napoléon Ier. (suite)

Galvanisée par l'écroulement du mythe de l'invincibilité napoléonienne, l'Europe se soulève : parti de Prusse, le mouvement gagne l'ensemble de l'Allemagne, puis la Hollande ; chassés de la péninsule Ibérique par Wellington, les Français voient également s'effondrer leur domination sur l'Italie. Au début de 1814, l'invasion du territoire français est devenue inéluctable. Napoléon y livre sa dernière campagne, brillante mais inutile. La crise économique, le poids devenu trop lourd de la conscription et les difficultés religieuses nées de l'arrestation du pape lui ont aliéné la plus grande partie de l'opinion. Le complot fomenté par le général Malet en 1812 a révélé la fragilité de son pouvoir.

L'Empereur abdique le 6 avril 1814. Le traité de Fontainebleau lui attribue la souveraineté de l'île d'Elbe. Il tente un impossible retour en mars 1815, qui ne dure que cent jours et s'achève par la défaite de Waterloo, le 18 juin 1815. Il est condamné à une nouvelle abdication.

La légende napoléonienne

Napoléon livre sa dernière bataille à Sainte-Hélène, une île de l'Atlantique où, exilé, il subit les vexations du gouverneur anglais Hudson Lowe. Il meurt le 5 mai 1821, après avoir dicté à Las Cases ses mémoires, publiés en 1823 sous le nom de Mémorial de Sainte-Hélène. L'ouvrage, qui révèle les conditions de sa captivité et la surveillance mesquine dont il a fait l'objet, émeut l'opinion. De grands écrivains (Hugo, Balzac, Stendhal) s'enflamment devant le destin d'un homme qui, après avoir dominé le monde, en est réduit à finir ses jours sur une île lointaine. Un tel destin ne rappelle-t-il pas Prométhée enchaîné à son rocher ? Cette dimension mythologique, qu'avive le souvenir des campagnes militaires, prend d'autant plus de relief que les années de Restauration paraissent, en comparaison, médiocres aux contemporains. L'illusion rétrospective joue un rôle non négligeable : avec le recul des années, Napoléon, qui s'érige dans le Mémorial en défenseur des idées libérales et du principe des nationalités, apparaît comme le champion des grands principes de la Révolution. La légende noire de l'ogre corse s'efface devant la légende dorée. En 1840, Louis-Philippe fait décider le retour des cendres de Napoléon. Celui-ci repose désormais aux Invalides. C'est devant son tombeau que, vers 1880, Barrès invite la jeunesse de l'époque à préparer la revanche sur l'Allemagne. « Vivant, notait Chateaubriand, il a manqué le monde, mort, il le possède. »

Napoléon II (François Charles Joseph Bonaparte),

fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise, roi de Rome (Paris 1811 - Schönbrunn, Vienne, 1832).

Baptisé à Notre-Dame de Paris dans le plus grand faste, élevé comme un prince sous la houlette d'une gouvernante appartenant à l'ancienne noblesse, Mme de Montesquiou, le roi de Rome n'a pas eu le destin auquel semblait le promettre ce titre de naissance, pas plus qu'il ne s'est imposé comme le digne « héritier » de son père. Ainsi, en 1812, lors de la conspiration du général Malet et de l'annonce - fausse - de la mort de Napoléon, aucun des hauts fonctionnaires ne songe au prince impérial. En outre, celui-ci a très peu connu son père, qu'il rencontre pour la dernière fois le 25 janvier 1814, à la veille de la campagne de France. À l'issue de cette dernière, l'Autriche n'intervient pas pour préserver les droits au trône de France du petit-fils de son empereur. Napoléon ayant dû abdiquer sans condition, Marie-Louise regagne Vienne avec son fils, qui n'est plus roi de Rome, mais prince héritier de Parme, Plaisance et Guastalla. Véritable otage aux mains des puissances siégeant au congrès de Vienne, il ne peut revenir en France lors des Cent-Jours. C'est en vain que Napoléon Ier abdique en sa faveur ; toutefois, durant quelques jours, Fouché dirige la France au nom de Napoléon II, qui règne en théorie du 22 juin au 7 juillet 1815. Définitivement retenu à la cour de Vienne, le prince est désormais appelé « Franz » et porte, à partir de 1818, le titre de duc de Reichstadt : l'empereur d'Autriche François Ier renonce, en effet, à le laisser un jour régner à Parme. À partir de février 1816, le jeune Napoléon n'est plus entouré que de Viennois, tandis que sa mère le délaisse. Il reçoit du comte de Dietrichstein, son précepteur, une éducation à peu près semblable à celle des archiducs autrichiens. En réalité, il n'ignore rien de la destinée de son père, dont la mort, en 1821, fait de lui le chef de la famille impériale. Il confie d'ailleurs à son ami Prokesch, en 1830, son souci d'être digne de son nom. Mais, comme le souligne l'historien Jean Tulard, la révolution de Juillet n'est pour lui qu'une occasion manquée : il est trop éloigné de la scène politique française et refuse d'endosser le rôle d'un aventurier. De santé fragile, il s'éteint le 22 juillet 1832. Dès lors, « l'Aiglon » - surnom affectueux créé par Victor Hugo dans un poème des Chants du crépuscule (1835) et popularisé par la pièce homonyme d'Edmond Rostand (1900) - entre dans la légende napoléonienne. Mais son histoire posthume s'achève sur une ultime infortune : celle du retour de son cercueil en France, sur décision de l'occupant nazi, en décembre 1940, son cœur et ses entrailles demeurant à Vienne.

Napoléon III (Charles Louis Napoléon Bonaparte),

empereur des Français (Paris 1808 - Chislehurst, Angleterre, 1873).

Successivement conspirateur malheureux, président de la République triomphalement élu, empereur acclamé puis déchu, Napoléon III a connu un destin politique chaotique et une postérité longtemps contraire (« Napoléon le petit »), jusqu'à de récentes réévaluations historiographiques.

L'enfance et la jeunesse.

• Louis Napoléon est le troisième enfant de Louis Bonaparte, roi de Hollande et frère de Napoléon Ier, et d'Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine. Il est élevé exclusivement par sa mère, tout d'abord à Paris et à La Malmaison, puis, après la chute de l'Empire, en Suisse, dans la résidence d'Arenenberg. Hortense de Beauharnais lui transmet le souvenir de la grandeur napoléonienne et lui inculque le souci de la dimension populaire du bonapartisme. Sa formation est confiée à Philippe Le Bas, fils du conventionnel ami de Robespierre, austère républicain franc-maçon qui fut un bon précepteur. En hiver, les études sont délaissées au profit de séjours en Italie, où le prince rencontre le clan Bonaparte et où il noue des contacts avec des patriotes italiens.