Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Philippe Ier, (suite)

Philippe Ier se heurte aux pires difficultés dans ses rapports avec l'Église. Hostile à la réforme grégorienne, qui met un frein au pouvoir royal, il se place dans une situation délicate en enlevant Bertrade de Montfort, l'épouse de Foulques IV le Réchin, et en répudiant Berthe de Hollande (1092). L'opposition avec le pape Urbain II devient alors violente : le roi est excommunié au concile d'Autun en 1094, puis à nouveau en 1095, en 1096 et en 1101. Philippe Ier et Bertrade de Montfort ne se soumettent à l'autorité papale qu'après le concile de Paris en 1104. Avec la mort du roi, quatre ans plus tard (3 août 1108), s'achève le premier siècle de la dynastie capétienne. Mais, quelques années auparavant, c'était déjà le prince Louis, futur Louis VI le Gros, qui régnait vraiment : armé chevalier en 1098, il était associé au trône, et n'allait être sacré qu'après son avènement, ouvrant une ère nouvelle de réussites royales.

Les chroniqueurs et les historiens ont malmené Philippe Ier, roi trop jeune et peu ambitieux, ne répondant pas aux conceptions de la monarchie qui commençaient à se faire jour. C'est oublier que les quatre premiers Capétiens ont eu pour mérite essentiel d'assurer fermement la pérennité de leur dynastie.

Philippe II Auguste,

roi de France de 1180 à 1223 (Paris 1165 - Mantes 1223).

Fils unique de Louis VII et d'Adèle de Champagne, il est sacré du vivant de son père, frappé de paralysie, le 1er novembre 1179. Il reçoit l'épithète de « conquérant », puis celle d'« auguste », peut-être par référence au mois de sa naissance (août), mais plus sûrement pour célébrer l'accroissement considérable du domaine royal sous son règne : il a « augmenté la chose publique », selon l'expression des chroniqueurs de son temps.

Lutte contre les Plantagenêts, et conflit avec la papauté.

• Le domaine royal, à son avènement, n'excède guère l'Île-de-France, l'Orléanais et une partie du Berry. Sur les fiefs environnants - et notamment les duchés de Normandie et d'Aquitaine et le comté d'Anjou, tous tenus par le roi d'Angleterre, Henri II Plantagenêt -, le nouveau roi de France ne dispose, comme ses prédécesseurs, que d'un droit théorique de suzeraineté. En épousant Isabelle de Hainaut (1180), nièce du comte de Flandre, que son oncle promet de doter de l'Amiénois, du Vermandois et de l'Artois, il accomplit son premier acte politique d'importance : le royaume de France y gagne une extension septentrionale décisive. Les princes et les grands féodaux, qui espéraient manœuvrer ce roi adolescent à leur guise, ne tardent pas à se heurter à sa détermination. De 1180 à 1185, Philippe doit affronter leur coalition, composée du comte de Flandre (avec lequel il s'est brouillé), du duc de Bourgogne, du comte de Hainaut, du comte de Blois et de Chartres. Ces cinq années de guerre intermittentes se soldent par la signature du traité de Boves (juillet 1185), par lequel les coalisés reconnaissent au roi de France la possession de l'Artois, du Vermandois et de la ville d'Amiens. Philippe, dès lors, a les mains libres pour se consacrer à l'ambition qui constituera l'axe de tout son règne : le démantèlement des possessions anglaises en France. Doté d'un redoutable sens stratégique, il sait discerner les faiblesses de l'adversaire et en faire immédiatement son profit. La famille Plantagenêt est en effet divisée, victime de discordes qui opposent à la fois Henri II vieillissant à ses fils, et ces derniers entre eux. S'alliant à l'aîné des fils, Richard Cœur de Lion, Philippe bat Henri II à Azay-le-Rideau (4 juillet 1189). Contraint à la capitulation, ce dernier meurt deux jours plus tard. En compagnie de Richard Cœur de Lion et de l'empereur Frédéric Barberousse, Philippe participe alors à la troisième croisade, motivée par la perte de Jérusalem, tombée aux mains de Saladin en 1187. Au terme d'un siège long et difficile, Saint-Jean-d'Acre est prise en juillet 1291. Mais, tandis que Richard, rêvant de prouesses chevaleresques, guerroie contre Saladin, Philippe, sous prétexte de maladie, retourne en France et commence à intriguer avec Jean sans Terre, frère de Richard, pour s'emparer des possessions françaises des Plantagenêts. Richard, comprenant qu'il a été dupé, reprend la route de son royaume après avoir conclu une trêve avec Saladin ; mais il est fait prisonnier par le duc Léopold d'Autriche, auprès de qui Philippe intervient pour prolonger la captivité de son dangereux rival. Dès la libération de Richard, en 1194, la lutte reprend. Philippe, vaincu à Fréteval (1194) - bataille au cours de laquelle il perd une partie de son trésor et de ses archives -, puis à Courcelles (1198), n'est sauvé du désastre que par la mort de Richard, tué au siège du château de Châlus, en Limousin (1199). C'est au moment où la situation est la plus critique pour le royaume de France, en 1198, que Philippe commet l'erreur de se brouiller avec la papauté. Sa femme, Isabelle de Hainaut, est morte en 1190, laissant un fils de trois ans, le futur Louis VIII. Philippe se remarie avec la sœur du roi de Danemark, Ingeburge (ou Isambour). Mais, dès le lendemain de ses noces (15 août 1193), il manifeste pour sa femme une irrépressible aversion. Un conseil de barons et d'évêques complaisants prononce le divorce sous le prétexte - parfaitement fallacieux - de liens de parenté trop proches. En 1196, Philippe épouse une Bavaroise, Agnès de Méran. Dès son avènement, en 1198, le pape Innocent III enjoint au roi de France de rendre à Ingeburge son rang de reine légitime. Devant le refus de Philippe, il jette l'interdit sur le royaume de France (1200), ce qui suspend toute vie sacramentelle (toutefois, le roi obtient des évêques la non-application de cette sentence dans la plupart des diocèses). Le différend ne se réglera que progressivement, au prix de concessions mutuelles : Philippe finit par céder en 1213, et fait revenir Ingeburge à la cour, mettant ainsi un terme à vingt ans de captivité. De son côté, Innocent III légitime Philippe et Marie, les deux enfants d'Agnès de Méran, morte en 1201.