Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

comptoirs, (suite)

Assurer la prospérité du pays.

• L'établissement des comptoirs est en effet une des applications de la doctrine mercantiliste, qui domine alors la pensée économique : la source de la prospérité et de la puissance d'un État est l'excédent de sa balance commerciale, obtenue par l'exportation de produits manufacturés (industries de luxe, notamment) et la limitation des importations ; il s'agit donc, en particulier, de contrôler les territoires qui pourront procurer à la métropole les produits qui lui manquent.

Après l'élan donné par Richelieu, c'est Colbert qui va définir et mettre en place une véritable politique coloniale. Les terres à coloniser sont celles qui fournissent les produits exotiques : les Indes occidentales (c'est-à-dire l'Amérique) pour le tabac, le coton, l'indigo et, à partir de 1640, le café et le sucre, le Canada pour les fourrures ; les Indes orientales pour les cotonnades (les fameuses « indiennes »), les soieries, le thé, les épices, etc. ; enfin, la côte occidentale africaine, où l'on trouve l'or, la gomme, l'ivoire et, bientôt, les esclaves qui vont travailler la canne à sucre aux Antilles. Le roi confie à des compagnies de commerce et de navigation dotées de privilèges (monopoles territoriaux) le soin d'y établir des comptoirs. Ainsi sont créés les comptoirs du Canada (Québec et Montréal), ceux du Sénégal (Saint-Louis en 1638, Gorée)... La Compagnie des Indes orientales a pour mission d'établir des comptoirs aux Indes (Pondichéry, 1674), ainsi que quelques escales sur la route, telles l'île Bourbon (aujourd'hui la Réunion) et l'île de France (île Maurice). En revanche, après l'échec de la Compagnie des Indes occidentales (1674), les Antilles sont directement rattachées à la couronne.

La fortune des ports.

• Le commerce avec les comptoirs favorise la création d'industries dans les ports ou dans leur arrière-pays : contre les matières premières venues d'outre-mer s'échangent des produits manufacturés français. Le commerce avec les Échelles - on appelle ainsi les comptoirs établis en terre d'islam, tels que Smyrne, Salonique, La Canée, etc. - fait la fortune de Marseille, qui exporte en Turquie les balles de draps du Languedoc, prend le contrôle de la caravane, c'est-à-dire du cabotage le long des côtes turques de Méditerranée, et établit un service de liaison par lettres de change entre les Échelles et Constantinople. À Rouen, comme dans de nombreux ports, se développent des raffineries, la fabrication de chaudrons pour la production du sucre, etc. Enfin, il faut assurer le ravitaillement des îles consacrées aux cultures d'exportation et leur envoyer farines, vins, toiles et couvertures, chaussures. Entre les ports de Nantes et Bordeaux, les comptoirs d'Afrique et les Antilles se développe le commerce triangulaire (produits finis, traite des esclaves, canne à sucre), qui représente en 1778 le tiers du commerce extérieur de la France métropolitaine.

Ainsi, comptoirs et colonies jouent un rôle déterminant dans l'économie française d'Ancien Régime, que n'affectent guère les pertes du traité de Paris (1763). La France conserve en effet les principales îles des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Domingue), le comptoir de Gorée au Sénégal - fondamental pour la traite des esclaves -, et les cinq comptoirs de l'Inde (Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé). Les principaux pôles du commerce maritime sont donc sauvés : c'est l'essentiel aux yeux des contemporains, par-delà l'humiliation de la défaite. Mais l'âge du mercantilisme touche alors à sa fin. Au XIXe siècle, surtout dans sa seconde moitié, sonne l'heure du nationalisme et de l'impérialisme. À partir de la conquête de l'Algérie, un deuxième empire colonial français se constitue, fondé sur l'expansion territoriale et non plus sur l'établissement de comptoirs. Ceux-ci seront intégrés dans le nouvel ensemble.

Comtat Venaissin ou Comtat

, ancien pays provençal correspondant à la moitié ouest de l'actuel département du Vaucluse ; possession du Saint-Siège de 1274 à 1791.

Prenant appui sur le Rhône, voie stratégique, le Comtat passe de main en main au fil des siècles. Pays celte des Voconces conquis par les Romains à la fin du IIe siècle avant J.-C., il s'inscrit dans la Provincia, devenue la Narbonnaise sous Auguste, puis dans la Viennoise, province de la Gaule romaine du début du IVe siècle, avant d'être inclus, à la suite des grandes invasions du Ve siècle, dans le royaume des Burgondes, bientôt démembré par les Francs. Tirant son nom de Venasque, sa capitale et siège de l'évêché de Carpentras du VIe au Xe siècle, le Comtat, passé sous différentes suzerainetés au gré des partages mérovingiens, carolingiens et féodaux, est annexé en 1125 par le puissant comté de Toulouse. Une première fois cédé au pape (1229), au terme de la croisade des albigeois marquée par la victoire des rois capétiens alliés à la papauté, il est donné au Saint-Siège en 1274 par Philippe le Hardi, hormis Avignon, que Philippe le Bel vend, en 1290, au comte d'Anjou et de Provence. Fuyant Rome, la papauté, liée à la couronne de France, s'installe dans le Comtat de 1309 à 1377, et achète Avignon en 1348, y attirant une cour brillante. Cette période de prospérité sera qualifiée de « captivité de Babylone ». Après le retour du Saint-Siège à Rome et pendant le grand schisme d'Occident (1378-1417), Avignon devient le siège des antipapes ; par la suite, le pontife est représenté dans la cité par un légat, puis par un vice-légat (1590), l'évêque de Carpentras gouvernant le Comtat en son nom.

Enclave étrangère, le Comtat est occupé à plusieurs reprises par les armées royales lors de conflits avec le Saint-Siège et enserré de barrières douanières contraignantes au XVIIe siècle. Le début de la Révolution est marqué par l'opposition entre bas Comtat et haut Comtat ; Avignon demande, en juin 1790, la réunion à la France [---] voulue par la bourgeoisie [---], alors qu'à Carpentras se réunit une assemblée représentative fidèle au pape. Les deux parties rivales se livrent un combat sanglant et retentissant (prise de Cavaillon par les Avignonnais, qui échouent toutefois devant Carpentras). Le décret de la Constituante du 14 septembre 1791 réunit finalement le Comtat et Avignon à la France, plus de 60 % des Comtadins ayant approuvé la réunion par plébiscite, pendant l'été. Cette annexion, qui ne fait cesser ni les luttes internes ni les violences, tel le massacre de la Glacière d'octobre 1791, est reconnue par le pape Pie VI en 1797, au traité de Tolentino.