Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Déroulède (Paul), (suite)

La montée en puissance du socialisme provoque chez lui une réaction hostile, et il glisse progressivement du patriotisme républicain vers un nationalisme critique. La crise boulangiste marque une première inflexion dans son itinéraire. Persuadé que la république parlementaire ne permettra pas « la revanche », il souhaite une réforme des institutions et, pour l'obtenir, il apporte au général Boulanger le concours de la Ligue des patriotes ainsi que de son hebdomadaire, le Drapeau. Élu député en 1889, Déroulède jouit alors d'une popularité considérable. Après la mort de Boulanger, il incarne la ligne révisionniste prônant une république plébiscitaire dotée d'un exécutif renforcé. Son antiparlementarisme forcené le conduit à se dresser contre les scandales qui entachent la République. Il franchit un pas supplémentaire au moment de l'affaire Dreyfus en participant aux campagnes antidreyfusardes avec les nationalistes les plus extrémistes. Il a alors acquis la conviction qu'on ne changera pas le régime par la voie légale, et qu'il est légitime de recourir à un coup d'État. Il passe à l'acte en 1899, lors des obsèques du président de la République Félix Faure, mais échoue, le général Roget refusant de le suivre. Arrêté, il est d'abord acquitté, puis, traduit de nouveau devant la Haute Cour, il est condamné à dix ans de bannissement. Réfugié en Espagne, il rentre en France après l'amnistie de 1905. Il demeure jusqu'à sa mort le militant d'un nationalisme intransigeant, même si, peu porté lui-même à l'antisémitisme, il ne partage pas toutes les positions idéologiques des milieux nationalistes.

Desaix (Louis Charles Antoine des Aix, dit),

chevalier de Veygout, général (Saint-Hilaire d'Ayat, Puy-de-Dôme, 1768 - Marengo 1800).

En 1791, Desaix est sous-lieutenant. Ayant refusé d'émigrer, il fait partie en 1792 de l'état-major de l'armée du Rhin. À la suite du 10 août 1792, emprisonné quelques semaines, il retrouve vite sa place et se distingue notamment dans la défense de Worms. À l'image de celle de nombre d'autres officiers républicains, sa carrière suit alors une progression spectaculaire : il est nommé général de brigade en août 1793, puis de division en octobre. Son origine noble lui vaut d'être suspendu le mois suivant, mais il demeure à son poste. De 1794 à 1797, Desaix s'affirme dans l'armée du Rhin comme un officier de tout premier plan. En juillet 1797, il sert dans l'armée d'Italie sous les ordres de Bonaparte. L'année suivante, il est engagé dans l'armée d'Orient, et participe à la campagne d'Égypte ; il y joue un rôle important, gagnant même par son administration de la Haute-Égypte le surnom de « Sultan juste ». Après le départ de Bonaparte, c'est Desaix qui signe la convention d'El-Arich (janvier 1800), mettant au point les conditions d'évacuation des troupes françaises. Revenu en France, il rejoint aussitôt l'armée d'Italie. Le 14 juin 1800, son intervention pendant la bataille de Marengo est décisive : le combat, mal engagé, se transforme en victoire éclatante, mais Desaix est tué au cours de la charge.

Descartes (René),

philosophe et savant (La Haye, aujourd'hui La Haye-Descartes, Indre-et-Loire, 1596 - Stock-holm 1650).

Éduqué au collège jésuite de La Flèche (1607-1615), où il se lie avec Marin Mersenne, bachelier, puis licencié en droit à Poitiers (1616), il garde du cours d'étude scolastique une insatisfaction profonde, car il n'en reçoit aucune « connaissance claire et assurée de ce qui est utile à la vie ». En 1618, il quitte la France pour s'engager en Hollande dans l'armée de Maurice de Nassau, puis dans les troupes du duc de Bavière. Le 10 novembre 1619, à Ulm, il fait le rêve - relaté par lui-même dans les Olympica - d'une « science admirable » qui scelle sa vocation de philosophe en lui représentant pour tâche la constitution d'une science unifiée et mathématisée de la nature. Descartes renonce alors à la carrière militaire et, résolu à s'instruire par lui-même et « dans le grand livre du monde », il consacre plusieurs années à voyager. En 1628, il compose les Règles pour la direction de l'esprit, première ébauche de la méthode, qui ne seront publiées qu'au début du XVIIIe siècle. L'année suivante, il se retire en Hollande, où il pense trouver le calme politique et social nécessaire à l'étude. La condamnation de Galilée en juin 1633 le dissuade de faire paraître son Traité du monde, où il se déclarait prudemment en faveur des thèses coperniciennes. Il publie cependant certains de ses résultats scientifiques dans les trois Essais, qui font suite au Discours de la méthode (1637), notamment sa Géométrie, où il expose la manière d'appliquer les procédures de résolution algébrique à l'analyse des courbes géométriques, et sa Dioptrique, qui contient l'énoncé exact de la loi de la réfraction. Le Discours qui sert de préface à ces Essais est, comme eux, rédigé en français et, par son ton autobiographique, donne l'image d'une philosophie enracinée dans l'existence et accessible à tout homme (ou femme) de bon sens. On y trouve un résumé de métaphysique que Descartes développe magistralement dans les Méditations métaphysiques (1641) et dans ses réponses aux objections formulées par plusieurs théologiens et philosophes, dont Mersenne, Hobbes, Arnauld, Gassendi. Les Principes de la philosophie (1644) comprennent un exposé systématique de sa philosophie et de sa physique, mais l'espoir nourri par Descartes que ce livre puisse remplacer l'enseignement d'Aristote dans les collèges jésuites est vite déçu. En 1649, le traité des Passions de l'âme, écrit à la demande de son amie la princesse Élisabeth de Bohême, témoigne d'une réflexion renouvelée sur les problèmes de la morale et de la vie de l'homme concret. En Hollande, Descartes est à plusieurs reprises engagé dans des polémiques violentes, où il doit défendre son orthodoxie religieuse contre des accusations d'athéisme ou de pélagianisme, parfois contre ses propres disciples (Régius). Il revient trois fois en France, où il rencontre notamment Pascal en 1647. En 1649, à l'invitation de la reine Christine de Suède, il se rend à Stockholm, où il contracte une pneumonie et meurt en février 1650.