Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Gaule (suite)

Pour intervenir en Gaule, César se pose d'abord en protecteur, notamment auprès des Éduens et des autres peuples déjà liés commercialement à Rome (Rèmes, Lingons). Il refoule dès 58 avant J.-C. la migration des Helvètes, qui projetaient de s'installer chez les Santons de la région de Saintes, ainsi qu'une incursion d'Arioviste, roi des Suèves, un peuple germanique. Il prend prétexte de ces menaces pour laisser désormais son armée cantonner en Gaule, ce qui provoque un cycle de révoltes, chaque fois durement réprimées. Elles agitent tour à tour les différents peuples gaulois et en 52 avant J.-C. aboutissent à une coalition générale menée par l'Arverne Vercingétorix et finalement écrasée à Alésia. Il reste encore à soumettre les populations des Alpes, ce qui est fait par Auguste, qui élève peu avant notre ère le célèbre « trophée des Alpes » de La Turbie, près de l'actuelle Monaco.

César n'a sans doute pas planifié d'emblée cette conquête, qui accroît d'un tiers le territoire romain, mais il est entraîné dans une fuite en avant - révoltes et répression -, puisqu'il en va aussi de son prestige politique et de ses ambitions à Rome. Sa victoire le conduit naturellement à une dictature qui met fin à la République. Mais la conquête des Gaules s'inscrit aussi dans la logique de l'impérialisme romain, qui ne cesse d'étendre sa domination militaire et économique depuis au moins trois siècles.

L'administration romaine

La guerre, qui a fait environ un million de morts et au moins un demi-million d'esclaves, laisse la Gaule exsangue pendant une génération. Des révoltes sporadiques éclatent régulièrement : en 29 avant J.-C., en 21 après J.-C. sous la conduite du Belge Julius Florus et de l'Éduen Sacrovir, en 69-70 sous celle du Batave Civilis, au moment de la guerre civile qui suit la mort de Néron, ou encore en 192, à la mort de Commode. Mais ces mouvements revêtent toujours un caractère limité, et ne prennent jamais la forme (de toute façon anachronique) d'un soulèvement national. Les derniers exemples présentent plutôt le caractère de coups d'État militaires régionaux, déclenchés à la faveur de périodes de troubles. Cela est plus vrai encore du célèbre « empire gaulois », établi en 260 à la suite de la capture et de l'exécution de l'empereur Valérien par les Perses Sassanides : plusieurs usurpateurs successifs, dont le général Postumus, réussissent, durant une quinzaine d'années, à faire de la Gaule et de ses marges une sorte de territoire autonome, avant que l'Empire romain n'en reprenne le contrôle. Cet événement annonce les luttes de pouvoir et les partages territoriaux qui vont se succéder sans cesse pendant les siècles suivants.

Les Romains savent aussi asseoir leur domination en instaurant une hiérarchie de statuts divers, entre les peuples (ou cités) gaulois mais aussi entre les individus ; une hiérarchie que chacun peut s'efforcer de gravir selon ses mérites et la qualité de sa soumission. Tout en bas de l'échelle figurent les « cités stipendiaires », celles qui, vaincues, ont été condamnées à payer un tribut ; viennent ensuite les cités réputées « libres » (Arvernes, Bituriges, Suessions, Trévires ...) ; et les cités « fédérées », théoriquement liées à Rome par un traité (foedus) : Carnutes, Éduens, Helvètes, Rèmes, ainsi que la ville de Marseille, annexée de fait par César dès 49 avant J.-C., au terme d'un siège. On compte encore au-dessus trois niveaux de cités « de droit romain » ; le statut le plus élevé, aligné sur celui de Rome, étant celui de « colonie ». Dans ce cas, il s'agit de villes plus ou moins fondées de toutes pièces telles que Nyons, Lyon, Valence, Vienne, Béziers, Orange, Arles ou Fréjus - presque toutes situées dans le Midi.

Les couches dirigeantes des cités gauloises sont maintenues, et incitées au ralliement par diverses faveurs, y compris parfois des nominations au sénat romain. Elles contribuent sans doute à l'abandon progressif des langues vernaculaires au profit du latin, seule langue administrative. Quelques inscriptions gauloises en caractères latins (en général, de nature religieuse) nous ont cependant été transmises. Les notables romanisent rapidement leur nom, un certain nombre y incluant « Julius », patronyme de César et de ses successeurs, créant ainsi un lien de fidélité particulier avec la famille impériale. Comme en Italie, les cités gauloises sont le plus souvent gérées par des collèges de magistrats cooptés et régulièrement renouvelés, qui assurent en partie le fonctionnement des villes en puisant dans leur propre fortune (c'est l'évergétisme, forme de mécénat avant l'heure), le reste étant financé par l'impôt, destiné à la fois aux cités et à l'Empire.

À ce découpage ethnique traditionnel se superposent des divisions administratives plus larges, avec à leur tête des gouverneurs romains. Elles ont connu plusieurs modifications. Outre la Transalpine, devenue Narbonnaise, province sénatoriale, c'est-à-dire placée sous l'autorité du sénat romain, la Gaule comprend longtemps trois provinces impériales, dont les délimitations présentent un lointain rapport avec la distinction introduite par César : l'Aquitaine, qui englobe jusqu'aux Arvernes et aux Bituriges ; la Lyonnaise, au centre ; la Belgique, dans le Nord. Les deux dernières sont fortement entamées au nord et à l'est par les deux Germanies, inférieure et supérieure, qui forment un glacis protecteur appuyé sur le limes et la vallée du Rhin, et où sont cantonnées les armées. À cet ensemble s'ajoutent trois districts alpins, Alpes Maritimes, Cottiennes et Grées. Au IVe siècle, la Gaule est simplement redivisée en deux diocèses, dépendant respectivement des deux villes voisines de Lyon et de Vienne, le premier comprenant quatre Lyonnaises (de I à IV), deux Belgiques, deux Germanies et une Grande Séquanie ; le second, deux Narbonnaises, deux Aquitaines, une Novempopulanie au sud-ouest, une Viennoise et des Alpes Maritimes.

Les villes et les campagnes

L'occupation romaine a indubitablement accéléré l'urbanisation de la Gaule, qui était déjà bien engagée. Son urbanisme, ses monuments, son architecture publique et privée, s'imposent, au moins aux couches dirigeantes. De grands travaux sont réalisés, l'eau est amenée par des aqueducs souvent considérables (pont du Gard, pour alimenter Nîmes), des ports sont aménagés. Mais on considère que, malgré quelques grandes villes telles que Lyon, Narbonne, Nîmes, Trèves ou Vienne, et malgré les imposants monuments romains (arènes, théâtres, thermes ou arcs de triomphe) qui sont parvenus jusqu'à nous, l'urbanisation de la Gaule est restée relativement modeste en comparaison de celle d'autres régions du monde romain. Ces villes sont reliées par un réseau systématique de voies romaines rectilignes, conçues pour un usage militaire, mais qui deviennent un important outil économique. Ces voies permettent de ravitailler les armées des frontières germanique et bretonne, dont les effectifs représentaient sans doute entre 200 000 et 300 000 hommes, donc des débouchés économiques énormes concernant les fournitures et l'armement.