Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

Jacquerie, (suite)

En 1358, il s'agit bel et bien d'un soulèvement qui a secrété ses propres chefs (Guillaume Cale) et a su se doter d'un semblant de coordination. Le mouvement terrifie par ce qu'il a d'apparemment irrationnel. Certains châteaux sont pillés, mais d'autres pas : dans l'ensemble, les paysans semblent surtout avoir cherché à obtenir la confirmation des coutumes les protégeant. En outre, la coïncidence entre le soulèvement paysan et les troubles parisiens accentue encore la confusion et la crainte de la noblesse. Pourtant, il n'y a pas d'alliance entre les deux mouvements, dont les objectifs sont divergents, ce qui rend plus aisée la répression. Celle-ci est prompte à s'organiser. Elle est atroce. Il suffit de deux semaines au roi de Navarre, Charles le Mauvais, pour lever une armée, qui vient aisément à bout des « Jacques » et les brise si complètement que le mouvement ne renaîtra pas.

Jacques de Vitry,

grand prédicateur dont la vie et l'œuvre témoignent de la profonde mutation de l'action pastorale au XIIIe siècle (Vitry-sur-Seine, vers 1170 - 1240).

Attiré par la réputation de Marie d'Oignies, béguine et mystique dont il devient le directeur de conscience, Jacques de Vitry est d'abord curé de la paroisse d'Oignies, dans le diocèse de Liège. Il entre ensuite chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin et prêche, dans le nord de la France, la croisade contre les albigeois (1209). Puis, devenu évêque de Saint-Jean-d'Acre, en Terre sainte, en 1216, il entreprend, l'année suivante, en Hongrie, en Autriche et en Frise, une campagne de prédication pour la cinquième croisade. En 1229, il doit à l'amitié du pape Grégoire IX (1227/1241) de devenir cardinal-évêque ; il participe dès lors, et jusqu'à sa mort, aux travaux de la curie. Ses nombreux sermons, rassemblés en quatre volumes, connaissent un très grand succès et témoignent de la priorité nouvelle donnée par l'Église à la prédication auprès des laïcs. Son recueil de sermons ad status (c'est-à-dire adressés à certaines catégories de la société, tels les chevaliers, les marchands, les étudiants...) propose des perspectives de salut et une éthique spécifiques à chacun de ces groupes. De même, la Vie de Marie d'Oignies, écrite vers 1215, et traduite en français dès le début du XVe siècle, prend en considération les aspirations spirituelles des femmes et présente aux laïcs un modèle de vie dévote.

Jalès (camp de),

point de ralliement de milliers de royalistes et catholiques armés dans la vallée de Jalès (Ardèche), les 18 août 1790, 20 février 1791 et 8 juillet 1792.

Le camp de Jalès de 1790 est à l'origine du mouvement insurrectionnel contre-révolutionnaire du Vivarais - le premier dans le Sud-Est et l'un des principaux foyers de résistance. Il est formé à l'instigation du Comité de Turin, dirigé par le comte d'Artois. Ce dernier pense soulever le Midi contre la capitale en s'appuyant sur le lourd contentieux qui oppose catholiques et protestants dans cette région. C'est au lendemain de la « bagarre de Nîmes » (13-14 juin 1790), qui fait 300 morts parmi les catholiques, que des nobles locaux convoquent légalement le camp - sur le modèle des fédérations patriotes -, où se réunissent des gardes nationales de divers départements. Si la majorité se retire après la prestation du serment civique, l'état-major et les troupes restantes forment un comité permanent, rédigent un manifeste, qui, dénonçant l'œuvre de l'Assemblée constituante, mêle défense de la religion catholique et de l'autorité royale. Malgré une interdiction et une dispersion en septembre 1790, le comité de Jalès se réunit en décembre, et convoque un second camp pour le 20 février suivant, en prenant pour prétexte la défense contre les protestants. À nouveau dispersée, cette réunion est un échec, tandis que « Jalès » devient synonyme de la Contre-Révolution dans tout le pays. Après la déclaration de guerre à l'Autriche (avril 1792), les princes émigrés espèrent à nouveau fomenter une insurrection au moment de l'offensive étrangère et convoquent un troisième camp, qui est une dernière fois dispersé les 12 et 13 juillet par les volontaires nationaux.

jansénisme,

courant du catholicisme dont le nom dérive de celui de Cornelius Jansen (1585-1638), évêque d'Ypres, auteur de l'Augustinus, ouvrage posthume édité en 1640 pour répondre - à l'aide des positions de saint Augustin - aux interprétations théologiques des jésuites concernant la grâce et la prédestination.

Pour Jansen, la « grâce efficace », qui assure le salut, est accordée par Dieu à ceux qu'il a prédestinés et qui sont infailliblement voués au bien. Aux yeux des jésuites, les définitions augustiniennes de la grâce et de la prédestination ressemblent trop au protestantisme. Le concile de Trente a en effet refusé un augustinisme trop rigide et, dès 1567, le pape Pie V, bien que rigoriste, a condamné Baïus, professeur de théologie à Louvain, pour sa doctrine sur la grâce. Cette condamnation a permis au jésuite espagnol Molina de développer une théologie selon laquelle la « grâce suffisante » est offerte par Dieu à tous les hommes, qui sont libres de l'accepter pour en faire une « grâce efficace » (1588). Cette thèse provoque un tollé parmi les tenants de l'augustinisme et du thomisme (tels les dominicains). Dans un premier temps, la papauté semble vouloir en discuter le bien-fondé, puis, devant la violence des affrontements, Paul V (1605/1621) ordonne de ne rien publier en ces matières. Les Français, engagés dans les guerres civiles, se sont peu intéressés au débat, pensant, comme François de Sales, qu'il vaut mieux faire un bon usage de la grâce que d'en disputer.

Une branche du mouvement dévot.

• Au début du XVIIe siècle, deux amis, Cornelius Jansen, dit Jansénius, et Jean Duvergier de Hauranne, futur abbé de Saint-Cyran et futur secrétaire de Bérulle, étudient l'œuvre de saint Augustin dans la perspective d'une controverse avec les calvinistes. Bérulle lui-même, fondateur de la congrégation de l'Oratoire, un ordre en concurrence directe avec les Jésuites, est alors le principal représentant du parti dévot, le défenseur d'une politique de réforme catholique. Saint-Cyran devient le plus célèbre directeur de conscience de Paris. Il a en charge les moniales cisterciennes de Port-Royal et nombre de parlementaires dévots, opposés à la politique d'alliance de Richelieu avec les protestants d'Allemagne contre la catholique Espagne dans la guerre de Trente Ans. Le premier jansénisme s'inscrit donc dans un débat politique, et non strictement théologique. En 1637, le brillant avocat Antoine Lemaistre (1608-1658), neveu de la Mère Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal, se « retire » du monde et devient le premier des « solitaires », dévots laïcs soucieux de perfectionner leur âme dans la retraite et la pénitence. Richelieu, au contraire, souhaite mettre les forces catholiques au service de la monarchie et de la France, et décide de briser ce groupe d'opposition naissant. Il fait arrêter Saint-Cyran. Dans sa prison, celui-ci forme Antoine Arnauld (1612-1694). Ce jeune frère de la Mère Angélique Arnauld va devenir le meilleur théologien du jansénisme.