Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Sénégal, (suite)

La structuration de la colonie.

• Sous le gouvernement du marin Protet (1850-1854) puis, surtout, sous celui de Louis Faidherbe (1854-1861, et 1863-1865) dont l'action est soutenue par les importateurs d'arachides bordelais, le Sénégal connaît une expansion décisive et passe de l'état de groupe de comptoirs littoraux à celui de colonie étendue, préfiguration de l'Afrique-Occidentale française. L'expédition de Médine sur le haut fleuve repousse les Toucouleurs d'El-Hadj Omar (1857) ; des établissements sont fondés au Sine-Saloun et en Casamance. La colonie est dotée d'écoles, de routes, d'une administration moderne ; la ville de Saint-Louis est agrandie et assainie. Les successeurs de Faidherbe vont poursuivre sa politique d'expansion et d'équipement (création du port de Dakar en 1868, sur le site du comptoir fondé en 1857).

L'annexion du Cayor (1886) marque le point final de la pacification du territoire sénégalais et Dakar, siège du gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française à partir de 1902, devient la grande métropole de l'Ouest africain. Son école de médecine, fondée en 1918, forme des médecins indigènes pour toute l'Afrique française. La vocation arachidière de la colonie se confirme et fait la prospérité de Kaolack. Cas unique en Afrique, les quatre communes de Saint-Louis, Rufisque, Gorée et Dakar élisent un député : en 1914, Blaise Diagne est le premier Africain à siéger au Palais-Bourbon. Il contribue pendant la Première Guerre mondiale à la mobilisation des troupes noires (les tirailleurs sénégalais). Son successeur, Galandou Diouf (élu en 1932), sera le premier député musulman.

Vers la décolonisation.

• En 1940, le gouverneur général Boisson reste fidèle au gouvernement de Vichy et repousse par la force une tentative de débarquement de Français libres. Mais, en novembre 1942, il n'a d'autre issue que de se rallier à de Gaulle et de nombreux Sénégalais servent alors dans les armées de la France combattante.

Devenu territoire d'outre-mer en 1946, le Sénégal est doté d'une assemblée locale. Il est brillamment représenté au Palais-Bourbon par Lamine Gueye, maire socialiste de Dakar et, surtout, par Léopold Sédar Senghor, leader des Indépendants d'outre-mer et plusieurs fois ministre. En vertu de la loi-cadre de 1956, le territoire est doté d'une autonomie restreinte puis, en 1958, il opte pour le statut d'État autonome, membre de la Communauté. Des rivalités se font rapidement jour entre Senghor et le dirigeant ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Elles conduisent à l'échec des projets de grande fédération d'Afrique de l'Ouest. Senghor met cependant sur pied une Fédération du Mali avec le Soudan et ne dissimule pas ses aspirations à l'indépendance, qui est effective le 20 juin 1960. La Fédération éclate deux mois plus tard en raison de la mésentente entre Senghor et Modibo Keita.

Senghor (Léopold Sédar),

homme politique et écrivain sénégalais (Joal, Sénégal, 1906).

Issu d'une riche famille catholique de l'ethnie sérère, Léopold Sédar Senghor étudie chez les Pères du Saint-Esprit, puis au collège de Dakar. Il s'embarque pour la France en 1928, prépare l'agrégation de grammaire à la Sorbonne et devient le premier africain à réussir le concours. Il enseigne à Tours puis à Saint-Maur, avant d'être emprisonné deux ans pendant la guerre. Après la Libération, il est professeur à l'École nationale de la France d'outre-mer.

Senghor approfondit dans les années quarante le concept de « négritude », élaboré dès la décennie précédente au contact notamment de l'Antillais Aimé Césaire ; parallèlement à son œuvre littéraire et critique (Chants d'ombre, 1945 ; Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, préfacée par Jean-Paul Sartre, 1948), il participe à la fondation de la revue Présence africaine. Il est parmi les premiers à rêver d'un espace francophone. En 1966, à Dakar, il concevra le Festival des arts nègres pour présenter le patrimoine et les espoirs des nations africaines.

Entré dans la vie politique en 1945 comme député du Sénégal à l'Assemblée constituante, Senghor mène de pair carrière publique et œuvre d'écrivain (Hosties noires, 1948 ; Éthiopiques, 1956). Réélu à l'Assemblée nationale, il est secrétaire d'État à la présidence du Conseil (1955-1956), puis ministre conseiller du gouvernement français (1959-1960). Ayant quitté la SFIO en 1948, il crée son propre parti, le Bloc démocratique sénégalais (BDS), qui remporte les élections de 1956 ; il milite sans succès pour le maintien des liens fédéraux entre les divers États de l'Afrique-Occidentale française (A-OF). En septembre 1960, il est élu président du Sénégal indépendant, fonction qu'il occupe jusqu'à décembre 1980. Humaniste d'une stature exceptionnelle, Senghor a été élu à l'Académie française en 1983. Ses principaux essais sont réunis dans les cinq tomes de Liberté (1964-1993).

Senlis (traité de),

traité signé le 23 mai 1493 entre le roi Charles VIII et l'empereur Maximilien de Habsbourg.

Il révise le traité d'Arras de 1482, selon lequel Charles, alors dauphin, devait épouser Marguerite d'Autriche, fille de Maximilien et petite-fille de Charles le Téméraire.

En 1491, Charles VIII, roi depuis 1483, se marie avec Anne de Bretagne, que Maximilien, « roi des Romains » et futur empereur germanique, avait épousée par procuration quelque temps auparavant, en décembre 1490. Cet événement ravive les tensions entre la France et les Habsbourg. La guerre reprend alors. Maximilien participe à une coalition englobant l'Angleterre et l'Espagne des Rois Catholiques contre la France. Il mène campagne dans le nord du royaume (prises de Lens et d'Arras), et s'empare du comté de Bourgogne (Franche-Comté), qui faisait partie, en 1482, de la dot accordée à sa fille Marguerite. Menacé, Charles VIII, dont les regards sont déjà tournés vers l'Italie, traite avec Ferdinand d'Espagne et le roi Henri VII d'Angleterre, et répond à Maximilien par la négociation : c'est la paix de Senlis. Le roi de France rend à Maximilien le comté de Bourgogne et l'Artois, conformément aux clauses du traité d'Arras qui prévoyaient une restitution de la dot au cas où le mariage entre Charles VIII et Marguerite d'Autriche n'aurait pas lieu, et il libère cette dernière, élevée à la cour de France depuis 1482. En revanche, il conserve l'Auxerrois, le Mâconnais et la châtellenie de Bar-sur-Seine. Le traité de Senlis met un terme définitif à la succession de Bourgogne, ouverte seize ans plus tôt avec la mort de Charles le Téméraire.