Danseuse, chorégraphe, cinéaste et théoricienne américaine.
Elle étudie brièvement à la M. *Graham School puis avec M. *Cunningham, et participe aux ateliers de composition de R. E. *Dunn et d'A. *Halprin. Membre fondatrice du *Judson puis du *Grand Union, elle devient une figure décisive de la scène des années 1960. En proximité avec les artistes de la contre-culture new-yorkaise (plasticiens, musiciens, cinéastes, poètes), elle engage une critique systématique des conventions esthétiques aussi bien la danse moderne que classique, participant ainsi à la mutation radicale opérée à cette époque par l'avant-garde artistique.
Entre *Three Satie Spoons (1961) et This Is the Story of a Woman Who... (1972), son ultime opus chorégraphique, Y. Rainer présente quarante dispositifs chorégraphiques différents. Alors qu'elle prépare *Trio A (1966), elle signe l'un des manifestes les plus radicaux de la danse du xxe siècle, qui résume la plupart des enjeux esthétiques de sa génération : The Mind Is a Muscle [l'Intelligence est un muscle]. Elle y fait l'analyse des dogmes modernes et formule un ensemble de préconisations. Elle exhorte à refuser les " corps spécialisés " et la virtuosité, toute forme de hiérarchie dans le corps ou entre les corps, à refuser le phrasé dans la composition (développement et acmé), le principe de variation à partir d'un même motif, à refuser la dramatisation du mouvement dansé, les encodages psychologiques, toutes les procédures illusionnistes et narratives, etc. Au contraire, elle suggère le recours aux ressources de la conscience gravitaire, du mouvement *quotidien, les stratégies de répétition, conjointes à des " événements discrets ", enfin une conscience accrue de " l'échelle humaine ", à l'écart de toute monumentalité héroïsante. Elle développe parallèlement une phase d'activisme politique, qui fait écho aux mouvements d'agit-prop européens du début du xxe siècle. M-Walk (1966), War (1970), puis le Judson Flag Show (1970), constituent des sortes de protest dances en réaction aux " horreurs perpétrées par le gouvernement américain " (guerre du Viêt-Nam, invasion du Cambodge, etc.), qui la conduiront ensuite à soutenir d'autres formes de militantisme minoritaire (concert au profit des Black Panthers, avec les membres du Grand Union). Cette démarche la conduit à dénoncer les rapports hiérarchiques qui règlent les rapports chorégraphe-interprètes (*Continuous Project / Altered Daily, 1970), et finalement à abandonner le domaine de la danse. Cinéaste depuis 1972 (réalisatrice d'une vingtaine de longs métrages), elle enseigne à New York au sein du Whitney Study Program, questionnant sans discontinuer l'articulation de l'esthétique et du politique.
FMcR
Autres chorégraphies. The Bells (1961) ; Ordinary Dance (1962) ; Word Words (1963, avec S. *Paxton) ; Terrain (1963) ; Room Service (1963) ; Some Thoughts on Improvisation (1964) ; Parts of a Sextet 1 & 2 (1964) ; Incidents (1964) ; Parts of Some Sextet (1965) ; The Mind Is a Muscle, Part 1 (1966) ; Grand Union Dreams (1971) ; Performers (1971) ; Lives of Performers (1971).
Bibliographie. Y. Rainer, Works, 1961-1973, The Press of The Nova Scotia, Halifax, 1974. " Conversation entre Yvonne Rainer et Steve Paxton ", Nouvelles de Danse n° 32-33, Contredanse, Bruxelles, 1997.