Écrivain, metteur en scène et acteur français.
Ayant participé au mouvement *surréaliste, il le quitte pour fonder en 1926 le Théâtre Alfred-Jarry, du nom du créateur du Père Ubu, qui inspire en partie sa vision d'un théâtre libéré de la psychologie et du réalisme, réconciliant dans le geste même de l'acteur, le corps et l'esprit, l'abstrait et le concret. À la recherche d'un sens théâtral au-delà du verbe, de la raison et du corps réel, faisant écho à la pensée de *Kleist, il découvre en 1931 dans le théâtre balinais “ ces danses de mannequins animés ”, exemples d'une alternative à l'“ infirmité spirituelle de l'Occident qui est de penser qu'il pourrait y avoir [...] une danse qui ne serait que plastique ”. Il perçoit les danseurs-acteurs de ce théâtre comme des “ métaphysiciens du désordre naturel ” dévoilant une “ poésie dans l'espace substituée à la poésie du langage ”. Dans le Théâtre et son double (1938), il expose sa recherche d'un “ théâtre de la cruauté ”, “ qui danse et qui crie ” et qui, ayant atteint “ l'indépendance et l'autonomie de la danse, de la musique et de la peinture ” à l'égard du texte, trouve dans la *transe le moment où l'acteur s'élève à une dimension métaphysique ; où, comme dans “ une danse supérieure où les danseurs seraient avant tout acteurs ”, le corps s'unit à l'esprit au-delà du verbe et du discours. La danse qu'invoque ainsi Artaud n'est pas celle du ballet car, dit-il , “ depuis que l'histoire est histoire c'est l'esprit qui a mené le ballet, et non le corps dans le corps même du ballet ”. La fondation d'un nouveau théâtre supposerait donc la fondation d'une danse nouvelle, une façon nouvelle de “ danser enfin l'anatomie humaine ” : “ la danse et par conséquent le théâtre n'ont pas encore commencé à exister. ”
Ce projet prométhéen, de faire jaillir dans la percussion du corps et de l'esprit le feu nourricier d'un théâtre nouveau, connaît l'échec tandis qu'Artaud sombre dans la folie. Mais il reste de cette tentative la notion d'un geste libérateur d'énergie qui, transcendant en son jaillissement toute finalité rationnelle et toute intention formelle se pose comme acte artistique en soi. Elle trouvera notamment son expression dans le *butô et dans le *Tanztheater : l'unique pièce d'Artaud, les Censi (1935), inspirera en particulier, Die *Folterungen der Beatrice Censi à G. *Bohner. De même, s'y relie l'attention particulière portée par les avant-gardes aux techniques d'*improvisation créant les conditions d'une libération gestuelle, ainsi qu' à la notion de processus comme finalité artistique, qui soutiendra la conception des *happenings. Cette mise en évidence du processus constituera un des soubassements de l'inachèvement, du non finito, dont J. *Cage, dans ses écrits comme dans ses œuvres, sera l'un des promoteurs.
AFo